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Interview 2016 : Norbert Merjagnan pour 1000 jours en mars
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Interview 2016 : Norbert Merjagnan pour 1000 jours en mars

ActuSF : Comment est née l'idée de 1000 jours en mars ? Quelles sont les personnes à l'origine du projet ?

Norbert Merjagnan : L'idée est née dans l'esprit magnifiquement fertile de Léo Henry, le soir de la manifestation du 31 mars, quand il est apparu que mars se s'arrêterait plus de durer. Cette histoire de calendrier peut sembler futile. Elle est au contraire très importante. Le comptage du temps est historiquement une des fonctions primaires de l'autorité. Qui gouverne dicte le temps et les rythmes. Libérer les calendriers, c'est s'offrir un temps reconquis, émancipé. Et cette reconquête mentale correspond précisément à l'ambition du collectif Zanzibar qui réunit depuis un an une douzaine d'écrivains de SFF autour du projet de "désincarcérer le futur".
De l'idée de Léo est né un pad, puis un site et un compte FB pour relayer le projet.
 

ActuSF : Il se rattache au mouvement des Nuits Debout. C'est aussi (d'abord) un engagement militant, n'est-ce pas ?

Norbert Merjagnan : Écrire est un engagement. Toujours ! De corps et d'esprit. Pour l'engagement militant, je te réponds oui et sans hésiter une seconde. En morceau de militance, je te conseille le 434 mars. La plupart des écrits sont anonymes sur 1000 jours en mars, mais ce jour-là, c'est du Damasio pur vif ! Je dois quand même préciser une chose : au sein du collectif Zanzibar, nous sommes surtout d'accord pour ne pas l'être ! Toute doctrine ou toute militance univoque nous serait insupportable. Les zanzibarrés militent pour écrire/décrire/penser un futur non-préempté. Ce que nous faisons ensemble, c'est une mise en branle collective !

"1000 jours en mars" est l'une de ces agitations qu'on espère fertiles. Nous voulions offrir un espace et une aventure d'écriture ouverte à toutes celles et ceux qui participent aux Nuits Debout, aux manifs, à ce mouvement d'émancipation qui bruit, qui essaie et qui gronde. "1000 jours en mars" est un projet de minéralisation de parole et de mots. Cette minéralisation crée des reliefs afin que d'autres mots et idées puissent jaillir, creuser, couler, stagner, cascader... Il s'agit aussi de réincarner nos futurs, de ne pas les abandonner aux Ken et Barbie des gouvernements et des journaux TV 24/24.

ActuSF : 1000 jours en mars en quoi cela consiste concrètement ? A qui cela s'adresse-t-il, qu'est-ce que je peux faire pour contribuer à ce "projet d'écriture à mille mains" ?

Norbert Merjagnan : Tout le monde est invité ! Tout le monde peut écrire. Ça marche comme ça : on choisit un jour à venir, par exemple le 779 mars et on chronique ce qui s'y passe(ra). L'écriture se fait directement sur le pad. Le mieux est d'aller jeter son oeil sur le site.
 
 

ActuSF : 1000 jours en mars : "C'est de la science-fiction en prise directe avec le réel". C'est une façon de donner la parole aux gens sur les envies, les craintes qu'ils ont pour leur futur ?

Norbert Merjagnan : La science-fiction est l'art étrange de penser l'inconnu et en particulier, de penser ce qui n'existe pas ou pas encore. Cet art étrange est indispensable à ce temps, notre temps, à cette époque engluée dans des représentations massivement morbides et déterminées ! Je préfère cependant parler d'insoupçonné que d'inconnu. Ce qui a de plus merveilleux au futur, ce n'est pas ce que nous ne savons pas, c'est ce que nous ne soupçonnons pas. Traquer l'insoupçonné nécessite de remettre sans cesse son esprit en mouvement.  Et voilà le paradoxe : la science-fiction est la littérature la plus en prise avec le réel parce qu'elle ose les réels insoupçonnés. Dire le réel est et a toujours été un enjeu politique. Le réel tel qu'il est décrit par les media de masse, les gouvernements, les officines de prospective, un réel dépourvu d'imprévu, de vie, d'insoupçonné, est mort-né. C'est une machine de stérilisation mentale. La science-fiction est une fiction par essence hyper-réaliste parce que, par définition, elle n'impose pas un réel univoque. C'est une littérature de la polymorphie, du multivers. Et donc, pour répondre à ta question, c'est un peu plus que donner la parole aux gens pour qu'ils se projettent. C'est leur donner un espace ouvert à l'insoupçonné.  À eux de s'y prendre !

ActuSF : Vous envisagez des kits "1000 jours en mars" pour ceux qui participent à des Nuits debout. Comment s'en procurer ? Est-ce qu'il va y avoir des médiateurs sur les Nuits Debout pour expliquer votre démarche ?

Norbert Merjagnan : Ah ! Les kits, c'est pas fait ! il va falloir les réaliser en DIY ! Sinon, les Nuits Debout se sont déjà emparées de "1000 jours en mars". À Paris, Radio Debout fait plusieurs lectures des textes du pad, en prenant tel ou tel jour. Tu trouves ça là par exemple :
 
 

Au sein du collectif Zanzibar, nous sommes quelques uns à arpenter les places et parler du projet. Par exemple place Guichard à Lyon le 66 mars / 5 mai, où Bibio Debout nous a invité à parler de SF. Il y avait là Alain Damasio, Catherine Dufour, Sylvie Lainé et moi-même. Yoann Clayeux en a fait un compte-rendu.
 
Divers autres collectifs nous ont également fait signe pour lancer d'autres projets... À suivre ! Ça prend, ça nous échappe et c'est juste parfait !

ActuSF : Que vont devenir les textes produits ? Où peut-on les trouver ?

Norbert Merjagnan : Les textes sont publiés en flux continu sur le site (ici ou ici).

ActuSF : Est-ce que les 1000 jours en mars vont avoir une durée précise dans le temps ?

Norbert Merjagnan : Au moins 1000 jours ! Et on verra pour les 1000 suivants...

ActuSF : Que pouvez-vous dire pour motiver ceux qui voudraient écrire pour les 1000 jours en mars mais n'osent pas ?

Norbert Merjagnan : Je pourrais dire chaque jour écrit est singulier. Le 567 mars tient en 7 mots.  Le 99 mars tient presque de la nouvelle. L'écriture y est libre. L'esprit aussi.

Je cite Zanzibar : "Tout ce qui en retombe vous appartient. Si vous savez quoi en faire, prenez sans demander : il n'y a rien à voler."
So : go, go, go !
 
Retrouvez ici une conférence sur les Nuits Debout à l'occasion des Intergalactiques 2016.

 

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