D’or et d’émeraude ressort aux éditions ActuSF, dans la collection de poche Hélios. Comment est née l’idée de ce livre ?
Un peu par hasard. Je sortais de Petits arrangements avec l’éternité, et j’étais parti dans l’idée d’un space opera. Et en discutant avec Thibaut Eliroff, il me dit, que je devrais écrire sur la Colombie. Je revenais d’un deuxième voyage là-bas où j’avais adopté mes deux enfants et je m’étais un peu documenté sur le pays, y avais pris beaucoup de photos et discuté avec pas mal de gens. Et l’idée… ne m’a pas franchement emballée. Et puis quelques mois plus tard, en vacances en Espagne, je m’assois un soir sur la terrasse pensant m‘attaquer aux premières pages de mon space op et les premières pages de D’or et d’émeraude sont sorties toutes seules, d’un seul jet.
Pourquoi avoir choisi l’uchronie pour le roman ? Un mélange de récit historique et de fiction contemporaine ne suffisait pas à votre propos ? Il vous fallait « tordre l’histoire » ?
En réalité, je n’en sais trop rien. L’histoire vous choisi toujours un peu. Je savais qu’en allant vers l’uchronie, je m’infligeais une création monstrueuse et complexe et j’ai vraiment essayé de l’éviter, tout en sachant pertinemment que je n’y couperai pas. Ce que m’a rapidement confirmé Charlotte Volper, mon éditrice. Du coup, je m’y suis collé.
La Colombie est un cadre atypique de roman dans les littératures de l’imaginaire. Qu’est-ce qui a arrêté votre choix sur ce pays ?
C’est le pays dont sont originaires mes enfants. J’y ai passé deux séjours relativement longs et c’est une manière assez étrange de découvrir un pays : y aller pour adopter ses enfants. On a une drôle d’impression, celle de lui devoir quelque chose et je suis revenu en France avec ça en moi. L’idée de Thibaut a ouvert une vanne et une fois le roman terminé, j’ai vraiment eu l’impression d’avoir posé mes valises. Et puis, comme le destin est toujours un peu chafouin, en me documentant sur la colonisation de la Colombie, j’ai trouvé matière à ma fiction. Donc…
D’or et d’émeraude un récit en plusieurs parties. Dans la première, de nos jours, nous suivons Simon, qui revient en Colombie, un pays qui l’a vu naître, mais qu’il ne connait pas. On est dans le récit d’initiation. Vous pouvez nous en toucher un mot ?
Être parent adoptant vous oblige à vous poser énormément de question en amont et vous questionne aussi beaucoup après. J’ai essayé d’imaginer ce que pourrait se dire mon fils qui reviendrait dans son pays d’origine à l’âge de 20 ans. Encore que, maintenant, c’est un ado avec tout ce que ça comporte et je pense que je changerais deux ou trois trucs… Non, je plaisante…Mais le regard que Simon porte sur la Colombie est un mélange du mien et de celui que je prête à un autre. C’est un peu ça le boulot de fictionneur, non ?
On passe ensuite au XVIe siècle, auprès d’une troupe de Conquistadors. Et c’est là que la trame historique va connaitre des variations, n’est-ce pas ?
Oui. En fait, la colonisation de la Colombie a été sensiblement différente de celle des autres pays d’Amérique du Sud. Pas de Pizarro ou de Cortez. Quesada n’était pas un soudard, mais un légiste. Un avocat, émigré de fraîche date pour d’obscures raisons, mais qui entendait rester fidèle à certains principes d’humanité. Et de fait, en regard des standards de l’époque, ça a été un processus plus « doux », qu’au Pérou ou au Mexique. En tout cas, un processus qui laissait la place à une solution moins binaire qu’il était tentant d’explorer.
À la sortie d’Or et d’Émeraude aux éditions Mnémos en 2011, Patrick Imbert écrivait dans sa chronique de Bifrost : « Eric Holstein fait désormais partie des plumes de la SF française. Une SF qui va devoir compter avec lui. ». Depuis vous n’avez plus publié de romans. Vous avez pris du recul ? Allez-vous revenir à l’écriture ?
Le truc, c’est que Patrick est un copain et un vil flatteur. En réalité, j’aurais adoré, mais, d’une part, le grand format a connu un accueil assez frais du public. Même si la critique a aimé, j’ai eu du mal à encaisser. J’avais mis beaucoup de moi dans ce roman. Ensuite, c’est tombé à un moment où, professionnellement, j’étais un peu aux abois, obligé de faire trois ou quatre métiers pour boucler mes fins de mois. C’est là que j’ai commencé à me lancer dans la traduction, pour diversifier un peu mes sources de revenus. Facile, quand on est associé dans une maison d’édition et comme on m’avait déjà accusé de profiter de mes accointances pour en tirer profit, autant le faire pour de bon. D’autant que le copinage n’a jamais gêné personne dans ce petit milieu SF, sauf ceux qui accusent les autres de s’y complaire, sans pourtant s’en priver eux-mêmes (ils se reconnaîtront sans doute). Bref, il fallait bouffer, du coup, priorité à ce qui ramenait des sous. Donc, pas à la fiction. Je mixais des pubs radio la journée, j’en écrivais le soir et je faisais en plus du graphisme et de la trad, autant dire que je n’avais pas le temps de me coller à un nouveau roman. J’ai tout de même deux trucs en chantier qui traînent sur mon mac : un polar très noir et une uchronie steampunk. J’entretiens pour moi-même l’illusion que je m’y recollerai un jour, mais pour l’instant, maintenant que j’ai retrouvé un vrai job, que j’ai deux mômes, un abonnement à Netflix et toujours au moins une trad sur le feu, soyons réalistes, ce n’est pas pour demain.
Pour la réédition en Hélios du roman, serez-vous en dédicace prochainement ?
Peut-être. En réalité, je goûte assez peu l’exercice et puis surtout j’ai [copié/collé] retrouvé un vrai job, […] deux mômes, un abonnement à Netflix et toujours au moins une trad sur le feu…
Maintenant, s’il y a du monde sur le stand, quelques potes, du pinard et que ce n’est pas trop loin de chez moi…