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Interview 2017 : Jean-Marc Ligny pour Jihad
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Interview 2017 : Jean-Marc Ligny pour Jihad

ActuSF  : Jihad vient tout juste de ressortir, quasiment 20 ans après sa première publication. Quel regard portes-tu sur ce roman ?
 
Jean Marc Ligny : Eh bien, en le relisant près de 20 ans plus tard, j’ai remarqué que si la focalisation du public et des médias a changé (la Syrie, l’Irak et le Moyen-Orient plutôt que l’Algérie et le Maghreb…), le fond du problème, lui, n’a pas tellement évolué : les intégristes islamiques sont toujours aussi bas du front et déterminés à faire régner la terreur, la barbarie et la soumission à leur charia fanatique et liberticide, et le Front National, même s’il a repeint sa façade en bleu clair, est toujours aussi fermé, protectionniste, nationaliste et xénophobe, et également déterminé à faire régner l’ordre par la terreur, la coercition et la soumission. Deux extrêmes qui se trouvent des accointances dans la terreur, la soumission, l’assassinat de toute culture et liberté.
 
 
- Il décrit une France sous la tutelle de l’extrême droite. Les derniers scores de la présidentielle laissent planer cette menace. Tu as l’impression qu’il reste terriblement d’actualité ? Tu écrirais le même aujourd’hui ?
 
C’est toujours terriblement d’actualité. Le score du FN n’a pas cessé de grimper depuis ces fameuses élections de 2002 qui l’ont vu arriver au second tour. Aujourd’hui, voir le FN arriver au second tour est presque devenu banal, ça n’affole plus les gens comme en 2002. La « crise » des migrants aidant (et elle ne fait que commencer…), ainsi que l’élitisme de plus en plus déconnecté de nos dirigeants, ça ne m’étonnerait guère qu’il arrive à passer en 2022, surtout si ses leaders tirent des leçons de la dernière campagne présidentielle et prennent des cours de stratégie politique. Donc oui, aujourd’hui j’aurais pu écrire quasiment la même histoire, peut-être en situant son origine au Moyen-Orient et en insistant plus sur Daesh… Mais finalement, qu’elle se passe en partie en Algérie et mentionne l’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) fera peut-être qu’elle se démodera moins vite : Daesh se prend clairement la pâtée en Syrie, le mouvement risque de ne pas y survivre et d’éclater en divers groupuscules (du type de ceux que je cite dans Jihad), tandis qu’Al-Qaïda est en train de se doter d’un nouveau chef et de (re)monter en puissance. Qu’ils tentent de prendre le pouvoir en Algérie, c’est du domaine du possible…
 
- Tu te souviens de ce que tu avais envie de faire en l’écrivant ?
 
J’avais clairement envie de lancer un cri d’alarme, face à la montée du terrorisme islamique d’une part et du Front National d’autre part. Ca me paraissait (et me paraît toujours) être les deux faces d’une même pièce symbolisant les pires défauts de l’humanité : renfermement, paranoïa, haine de l’autre, de toute différence, tyrannie, repli sur soi et sur des valeurs étriquées, etc. Ces « forces obscures » n’ont cessé de gagner du terrain, à preuve l’élection de Trump aux USA. Comment, après la présidence quand même relativement intelligente et éclairée d’Obama, les Américains ont-ils pu élire un connard pareil ? La connerie favorise la dictature. Abêtir les gens, c’est mieux les soumettre. Le savoir et l’intelligence génèrent la résistance. J’ai écrit Jihad un peu dans ce but. Et aussi, bien sûr, pour le plaisir de faire un pur thriller, en confrontant mon héros à un vrai parcours du combattant : Kabyle clandestin dans une France raciste et xénophobe, cherchant à faire la peau du bras droit (armé) du ministre de l’Intérieur…
 
- Quel est ton avis sur la question de l’engagement politique ou non de l’artiste ?
 
Cela n’a rien d’une obligation. Tout écrivain se doit d’écrire ce qui lui tient à cœur. Certains vont magnifiquement parler de l’amour, d’autres de l’enfance, d’autres encore de lieux hantés, de cultures inconnues, de milieux sociaux, d’événements historiques, de planètes lointaines ou de zombies, peu importe. Ce qui importe, c’est de partager des émotions, des sentiments, des connaissances, une complicité avec ses lecteurs. Personnellement je m’intéresse à des sujets qui ont un impact social (le changement climatique ou, ici, l’extrémisme) car j’ai envie de comprendre comment fonctionne la société et de partager ce que j’apprends ou comprends. Mais j’ai aussi d’autres sujets de rêveries…
 
- Justement, passons aux Chroniques des Nouveaux Mondes. Il se susurre qu’il y aurait un volume inédit un jour. Est-ce que tu as déjà une idée de l’intrigue ?
 
…comme les Chroniques des Nouveaux Mondes, en effet. C’est une pure utopie, dans le contexte actuel, d’imaginer qu’en 2400 et quelques, l’humanité occupera une douzaine de planètes, maîtrisera le voyage hyperluminique (ou plutôt le « saut quantique ») et aura rencontré deux races extraterrestres. Mais j’aime aussi rêver de la sorte, imaginer un avenir positif pour l’humanité… Et oui, je laisse mûrir dans ma tête une nouvelle histoire d’Oap Täo. L’intrigue n’a pas encore fleuri, mais en germe je songe à le ramener dans son rôle de contrebandier : lui qui est grand amateur de crostiche, il se trouve face à une pénurie du fameux lichen de Canaan qui donne à cette boisson tout son peps, car le gouvernement de la planète a décidé de suspendre son exportation ! Ça va bien l’énerver, Oap Täo. Et ce n’est pas les bigots intégristes de Canaan qui vont l’arrêter…
 
- Et sur quoi travailles-tu actuellement ? Quels sont tes projets ?
 
Je travaille sur Alliances, qui est le 4e volume de ma trilogie climatique (Aqua™, Exodes, Semences). Alliances se déroule dans le même contexte que Semences et va répondre à certaines questions non résolues (d’où viennent les fourmites notamment). Mais ce sera une nouvelle histoire, pas une suite, il ne sera pas nécessaire d’avoir lu Semences pour l’aborder. Il devrait sortir l’an prochain si tout va bien.
 

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