ActuSF : « Entre Troll et Ogre » est sorti en librairie le 5 avril 2018 aux Éditions ActuSF dans la collection Bad Wolf. Pouvez-vous nous présenter l’univers de ce livre Fantasy ?
Marie-Catherine Daniel : L’univers a beaucoup à voir avec la (magnifique) illustration de couverture, et pas grand chose avec ce qu’on a tendance à imaginer en Fantasy quand on évoque des trolls et des ogres.
Pour construire le « monde » d’Arsouille, je me suis en effet beaucoup inspiré du milieu du XXe siècle en Europe avec des incursions allant de 14-18 aux cités de banlieues actuelles. Je me suis aussi autorisée un joyeux mélange de technologies des XXe et XXIe siècles. Oui, il y a des ordinateurs, non, il n’y a pas d’Internet. :-D
ActuSF : Alors dans ce monde, qui sont donc les ogres et les trolls ? Quelle est la nature de leur relation ?
Marie-Catherine Daniel : On est dans une dictature oligarchique : les ogres – disciplinés, rationnels, sans émotions – encadrent et dirigent la société, tandis que les trolls – incultes, bagarreurs, hypersensibles – sont la plèbe docile. Les uns et les autres descendent des humains, mais ceux-ci ont disparu. Ne subsistent d’humains que les enfants, qui, à l’adolescence – la Grande Poussée Dentaire –, se transforment soit en ogre soit en troll. Un groin garni de crocs pousse aux trollinous, tandis que les ogrelets ont la face qui s’aplatit et dissimule une mâchoire télescopique de « requin » (bien pratique pour dévorer les trolls quand elle entre en action ;-)).
ActuSF : Pouvez-vous nous présenter un peu plus en détails votre personnage principal : le troll Arsouille ? Il a d’ailleurs un drôle de nom...
Marie-Catherine Daniel : Un drôle de nom qui comme tous les noms de ses concitoyens trolls est un surnom argotique acquis lors de la Grande Poussée Dentaire de l’adolescence. En argot, « arsouille » signifie « vaurien », « arpète » (le nom troll du frère jumeau) signifie « apprenti », une « rouillarde » (une trolle très appréciée par Arsouille) est une bouteille de bon vin, etc. J’ai bien conscience que peu de lecteurs connaissent encore l’argot du milieu du XXe siècle, mais ça m’a beaucoup amusé de leur préparer ce clin d’oeil. Les noms ogres sont, eux, bâtis d’une autre manière, mais je laisse les lecteurs le découvrir...
Pour en revenir à Arsouille : c’est un vieux troll : 70 balais, de l’arthrite très douloureuse, désabusé et irascible. Autrement dit, il a mal partout, il se sent vieux, faible, impuissant et cache tout ça sous des dehors de gros dur crâneur. Un troll, quoi !
"Le seul « message » que j’ai envie de faire passer à tous, c’est que la vieillesse n’est peut-être pas aussi terrible et sclérosante qu’on peut le croire..."
Il vient de perdre son dernier ami intime et sa famille s’est réduite au fil des années à une belle-fille et à un petit-fils. Or, celui-ci va sur ses 12 ans ; ce qui signifie que la Grande Poussée Dentaire va bientôt le transformer en trollard (en référence à « loubard » ;-)) imbuvable. Encore pire, à 12 ans l’école devient obligatoire, et là-bas les ogres n’hésitent pas à dévorer les jeunots à la moindre incartade, coupables ou innocents. Arsouille pense donc que d’une manière ou d’une autre il va bientôt perdre son petit-fils, mais n’imagine en rien pouvoir changer les choses.
C’est alors qu’il reçoit une lettre pleine d’émotion signée de son jumeau qu’il n’a pas vu depuis 50 ans. Sauf que son jumeau n’a pas pu écrire cette lettre, car il est devenu un ogre, et il est donc incapable d’affection ou même de s’abaisser au niveau d’un troll en lui jouant un mauvais tour.
Arsouille part en quête de l’expéditeur. Pour cela, il commence par apprendre à lire correctement, et à déchiffrer une carte (les jeunes trolls vont bien à l’école, mais l’accent n’y est pas vraiment mis sur l’instruction). Cela gonfle sa confiance en lui et lui donne le courage d’entreprendre le voyage pour la ville d’où provient la lettre. Mais cette ville est sur le front d’une guerre qui dure depuis des décennies...
ActuSF : Votre roman est teinté d’un humour certain et pourtant il traite de sujets très sérieux (une dictature impitoyable, la guerre,...). Pourquoi ?
Marie-Catherine Daniel : Humph, telle que je viens de décrire la vie d’Arsouille, j’aurais sombré dans la déprime si j’avais dû la raconter de façon lugubre. ;-)
Alors, oui, la vie est dure pour les trolls, oui, il y a des moments où malgré toute l’habitude qu’ils en ont, ils sont choqués par sa violence ou désespèrent. Mais n’oublions pas que ce sont des trolls. Ils vivent leur quotidien avec une certaine bonne humeur parce que pour eux c’est tout naturel d’être des ratés et des opprimés, parce qu’ils ne voient pas plus loin que le bout de leurs groins et sont facilement distraits par des préoccupations immédiates. Parce que le sexe, l’alcool, la came mais aussi l’amour, l’amitié, la rigolade, c’est autant de raisons d’apprécier la vie. Et quand le stress est trop grand, une bonne bagarre à coups de crocs et de grolles est un remède idéal pour remettre les pendules à l’heure, non ? ^^
Et puis mon propos est avant tout de raconter une histoire qui fasse passer un bon moment aux lecteurs. Les réflexions sur la métaphore (caricaturale) de notre société qui est effectivement une vision possible du roman, sont là pour ceux qui s’y intéresseront. Le seul « message » que j’ai envie de faire passer à tous, c’est que la vieillesse n’est peut-être pas aussi terrible et sclérosante qu’on peut le croire... voire, quelquefois, est un moindre mal que la jeunesse. ;-)
ActuSF : Reviendrez-vous dans l’univers de « Entre troll et Ogre » ?
Marie-Catherine Daniel : Ce n’est pas à l’ordre du jour mais qui sait...
ActuSF : Avez-vous d’autres projets en cours ?
Marie-Catherine Daniel : Au niveau projets éditoriaux en cours, j’ai deux romans qui devraient paraître fin 2018 ou début 2019 (je n’en dis pas plus, rien n’étant encore officiel).
Parallèlement, je viens de terminer le premier jet d’un roman jeunesse d’Urban-Fantasy, destiné a priori aux Editions Sarbacane (chez lesquelles « Les Aériens » est paru en octobre dernier). J’attaque donc la phase des re-lectures avant soumission.
Pour mon projet d’écriture suivant, je n’ai pas encore décidé...
ActuSF : Quand est-ce que les lecteurs pourront vous retrouvez en dédicace ?
Marie-Catherine Daniel :
Une séance de dédicaces est prévue le samedi 14 avril de 15h30 à 17h30 à la librairie Gérard de Saint-Denis de la Réunion.
J’habite à la Réunion, mais je vais d’ici quelques mois m’installer en France métropolitaine et des séances de dédicaces sont en cours de programmation durant les salons « Imaginaire » de la fin de l’année.