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Interview de Jean-Marc Lofficier
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Interview de Jean-Marc Lofficier

Actusf : Raconte-nous un peu l'histoire de ce roman. Comment se fait-il qu'il n'ait jamais été traduit et édité en France ?
Jean-Marc Lofficier : La Dimension des Miracles Revisitée est, à ma connaissance, le dernier roman achevé de Bob Sheckley, avant son décès. Je sais qu'il travaillait sur un autre roman, basé sur le feuilleton TV Le Prisonnier, mais il n'a jamais eu le temps de l'achever. Pour ma part, j'avais rencontré Bob à Los Angeles début 2004, et lui avait rendu quelques menus services, et en remerciement, il m'avait donné une copie du tapuscrit dédicacée. J'avais à l'époque conseillé à Bob de présenter ce roman à des éditeurs français lors de sa visite à la convention d'Epinal en mai 2004, mais pour autant que je sache, personne n'avait été vraiment intéressé, ce qui d'ailleurs l'avait déçu. J'ai retrouvé la copie du tapuscrit dédicacé courant 2006 et j'ai pensé ce qe serait une bonne chose que de le traduire et publier chez Rivière Blanche. J'ai donc pris contact avec sa veuve pour vérifier que les droits étaient toujours libres, et cette dernière m'a donné son OK enthousiaste. Voila comment cela s'est fait.

Actusf : C'est une suite dans la continuité de l'histoire de la Dimension des Miracles ? Peux-tu nous faire un petit résumé ?
Jean-Marc Lofficier : C'est en effet une suite, au sens où on retrouve en particulier deux des personnages du premier roman : Tom Carmody, qui est une espèce de Candide galactique, qui se trouve toujours confronté à des situations abracadantes, et Sheesh, l'Envoyé du Centre Galactique qui, dans le premier livre, avait été dépêché sur Terre pour chercher Tom.

Comme c'est souvent le cas chez Sheckley, c'est un roman de situations ou de scènes, plus qu'une intrigue conçue pour aller d'un début à une fin. Le fil conducteur est la décision du Roi du Centre Galactique de quitter son Palais pour aller retrouver Tom, et les conséquences qui s'ensuivent.

Actusf : Robert Sheckley l'a écrit juste avant sa mort. Etait-il complet ? Est-ce qu'on y retrouve la même plume et le même humour ?
Jean-Marc Lofficier : Le roman était tout à fait complet ; néanmoins, je pense que si Bob l'avait repris pour satisfaire un éditeur, il aurait sans doute retravaillé certaines scènes vers la fin et corrigé certaines erreurs de continuité (que j'ai d'ailleurs corrigées dans la traduction). Ceci étant, on y retrouve totalement son sens de la satire et de l'absurde qui ravira ses fans, surtout dans la première moitié. La fin est un peu plus philosophique, voire nostalgique, reflétant sans doute une certaine déprime de l'auteur.

Actusf : Sens-tu en tant qu'éditeur qu'il y a une certaine attente autour de ce roman de la part des lecteurs ?
Jean-Marc Lofficier : Non, par particulièrement, je pense. Après tout, la derniere édition de La Dimension des Miracles remonte à 1987. S'il y avait une demande, ça se saurait. Et c'est d'ailleurs sans doute pour cela que nos confrères ne se sont pas précipités sur Bob à Epinal en 2004.

La vocation de Rivière Blanche reste, ne l'oublions pas, de publier ce qui ne trouve pas sa place ailleurs. On n'est pas là pour faire concurrence ou battre au poteau nos confrères. On est là pour prendre ce dont ils n'ont pas voulu parce que précisémment ce n'est pas commercial. Le dernier roman de Robert Sheckley, dans le contexte actuel, me semble tout à fait correspondre à notre mission. Sinon, par amitié et devoir, j'aurais conseillé à sa veuve de le faire éditer chez un plus gros éditeur, naturellement.

Actusf : Que reste-t-il selon toi de Robert Sheckley aujourd'hui ? Quelle place garde-t-il ?
Jean-Marc Lofficier : Bob Sheckley est un géant de la science-fiction américaine, un grand maître comme ils disent là-bas. La Dimension des Miracles et Echange Standard sont, pour moi, à mettre aux rangs des classiques, avec un grand avantage, c'est que contrairement à d'autres classiques de l'époque, ils n'ont pas pris une ride. Douglas Adams et Terry Pratchett n'existeraient pas, si la voie n'avait pas été tracée par Sheckley. Et de fait, quand on relit Sheckley, on s'aperçoit à quel point il y a une densité d'écriture et une philosophie humaniste qui est parfois absente de ses successeurs. C'était aussi un grand professionnel de l'écriture, dont la vie bohême n'a hélas pas facilité la carrière.

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