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Interview de Laurent Genefort sur Les Vaisseaux d'Omale
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Interview de Laurent Genefort sur Les Vaisseaux d'Omale

Actusf : Le premier tome d'Omale est paru en 2001 mais on a pu redécouvrir ce cycle en 2012 avec une intégrale en deux tomes chez Lunes d'encre. Pouvez-vous revenir sur la genèse de cet univers ? Quel a été le point de départ de la création de ce monde atypique ?
Laurent Genefort : Il y a eu plusieurs points de départ: le désir toujours reporté d'écrire une série de romans avec des aliens réalistes. Longtemps, je ne me suis pas senti les épaules pour le faire. Puis, quand je me suis mis à écrire des romans plus longs, je me suis lancé. L'envie, ensuite, de créer un véritable livre-univers tel que je l'avais défini dans ma thèse. Des œuvres comme Dune, Helliconia, Noô... sont des objets massifs, d'énormes astres dans le ciel de la SF. En tant qu'auteur de space opera, je ne pouvais pas résister à la tentation de créer le mien.
 
Actusf : Les Vaisseaux d'Omale est le premier inédit en 10 ans, si on ne prend pas en compte les nouvelles. Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire un nouveau tome ?
Laurent Genefort :  Le temps disponible, tout simplement. Il me faut quatre mois d'affilée pour rédiger un tome d'Omale. Les Vaisseaux d'Omale développe un aspect  du contexte omalien : les Hodgqins, que j'avais sciemment laissés de côté. Avec ce roman, ainsi qu'une novella écrite dans la foulée et qui paraîtra l'année prochaine, j'ai enfin pu explorer le territoire de cette espèce.
 
Actusf : Il y a un véritable travail d'anthropologue derrière la description des autres races, les rehs, qui cohabitent avec les Humains. Et notamment les Hodgqins, qui ont
une place importante dans ce tome. Comment avez-vous travaillé pour leur faire prendre vie ?

Laurent Genefort :  En leur accordant la même place que les Humains. En me demandant, pour chaque acte ou réaction: comment telle espèce, trisexuée par exemple, agirait dans ce cas particulier? Cela peut parfois tourner à la gymnastique mentale, mais c'est nécessaire  pour rester cohérent. Sachant que pour que le roman demeure lisible, je suis obligé de laisser la majorité des détails de côté. C'est un exercice d'équilibriste.
 
Actusf : Ecrire un roman, ou une nouvelle, exclusivement du point de vue de l'une des autres rehs, c'est quelque chose que vous aimeriez faire ?
Laurent Genefort : C'était même le projet initial du cycle ! Marion Mazauric, l'éditrice de la collection "Millénaires", m'en avait dissuadé, arguant que le roman risquait de devenir incompréhensible. Il en est resté la scène d'introduction du premier roman, ainsi que celle des "Conquérants". J'ai quelques projets, notamment des nouvelles, qui vont en effet dans ce sens.
 
Actusf : L'exploration de l'espace d'Omale était-elle prévue de longue date ou est-ce que c'est arrivé un peu par hasard, une envie subite de prendre de la hauteur ?
Laurent Genefort : L'histoire globale de la Grand'Aire s'est mise en place assez rapidement, et en particulier sa connexion au système physique d'Omale. La conquête spatiale était inévitable, de ce point de vue. Mais il me fallait d'abord explorer suffisamment la surface, avant de lui donner une troisième dimension. Après trois romans, je me suis dit que je pouvais prendre mon envol...

Actusf : Ce qui est étonnant, vu le contexte artificiel du monde, c'est la discrétion de la science et des techniques utilisées. D'ailleurs, le vaisseau spatial est un végétal et non pas une construction faite de métal. C'est surtout l'humain, et les autres rehs, qui est placé au centre du récit. N'est-ce pas un peu paradoxal pour un roman de science-fiction ?
Laurent Genefort : Le contexte historique joue pour beaucoup : les trois espèces d'Omale - les Humains, Chiles et Hodgqins - ont été importées sur un monde quasiment dépourvu de sous-sol. Impossible d'en extraire massivement des métaux. La pénurie qui en a résulté a fait chuter le niveau technique qui impose une consommation soutenue de ressources. Ajoutez à cela l'éclatement géographique, et vous obtenez une régression spectaculaire, surtout chez les Humains.
 
Actusf
: Dans Les Vaisseaux d'Omale on fait la connaissance d'une nouvelle reh. C'est une sacrée surprise et l'un des moments clés du roman. Est-ce que là aussi il était  temps d'être confronté à la réalité d'Omale et de ses innombrables Grand'Aires ?
Laurent Genefort : Tout à fait. Les Vaisseaux opère un grand bond dans l'histoire d'Omale : la guerre fait partie du passé (du moins la guerre globale), la Grand'Aire est sur le point de s'ouvrir aux autres. La question est : quelle espèce prendra en charge cette reconquête. Le risque le plus important encouru par la Grand'Aire, ce n'est pas qu'elle ne s'ouvre pas au reste d'Omale, c'est que certaines espèces y aient accès, et d'autres pas.
 
Actusf : Omale est d'ailleurs difficilement appréhendable en terme de taille, tout  comme la Grand'Aire où évoluent les Humains. Comment cela se traduit-il en terme de travail préparatoire ? Inventez-vous au fur et à mesure ou tout est soigneusement consigné sous forme de notes ?
Laurent Genefort : Les deux. Je me garde de longues plages d'improvisation mais, au moins pour les grandes lignes, je sais toujours où je vais. Le cadre est élaboré en amont, car il faut que chaque idée s'insère dans le tout. La cohérence interne fait partie du projet esthétique (même s'il serait incorrect d'en faire une règle applicable à toute la science-fiction). Mon travail s'apparente à celui de la plupart des créateurs d'univers : cartes (on peut en voir quelques-unes reproduites sur le site d'omale), chronologie, etc. Pour moi, ce n'est pas une corvée mais un maillon essentiel - et jubilatoire - de la création littéraire.
 
Actusf : Justement, chaque voyage est l'occasion de découvrir des paysages incroyables et sujet à de longues descriptions de la faune et la flore. C'est quelque chose qui vous passionne ? D'où vous viennent toutes ces idées ?
Laurent Genefort : Ce qui me passionne, c'est moins la description physique des plantes et des animaux que leur fonction dans l'écosystème. Bref : la différence entre un décor, où l'on se contente de peindre la surface des choses, et un véritable environnement, où l'on développe une biosphère étrangère convaincante. Mais à la base, il y a tout de même l'attirance de l'exotisme, des bestioles incroyables qui peuplaient les jungles extraterrestres de Stefan Wul ou de Jack Vance ! Le propre du space opera moderne est d'essayer de conserver l'émerveillement des mondes étranges, tout en y appliquant une forme de réalisme qui favorise l'immersion. Les idées vis-à-vis des formes vivantes sont comme toutes les idées : le fruit de l'inspiration, de lectures, de documentation.
 
Actusf :
A la fin du roman, le mystère qui entoure les Vangks est un petit peu levé. Savez-vous qui ils sont ? Ou alors ils restent tout aussi mystérieux pour vous ? Peut-on s'attendre à découvrir un jour leur identité ou l'explication de la construction d'Omale ?
Laurent Genefort : Oui, je sais qui sont les Vangk et leur projet initial ! Mais il m'apparaît plus intéressant de lancer des pistes spéculatives que de fournir des réponses définitives. Concernant la dernière question, vous devrez vous contenter d'une réponse de Normand !

Actusf : D'autres livres explorant Omale pourraient-ils voir le jour ?
Laurent Genefort : D'autres romans et novellas suivront, et je ne pense pas attendre dix ans avant de livrer un nouvel opus. J'ai l'impression de n'être qu'au début de l'histoire d'Omale. Il me reste encore beaucoup de choses à livrer. 

Actusf : Pour terminer, quels sont vos projets ?
Laurent Genefort : En cours : un roman, provisoirement intitulé Colonie, qui relate l'histoire d'une colonie sur une lointaine planète - Garance, un genre trou-du-cul-de-l'univers -, de son premier à son dernier habitant. J'explore, à travers plusieurs récits, les charnières historiques. Il est destiné au Bélial'. J'achève en ce moment une réécriture partielle. Par ailleurs, je devrais bientôt reprendre mon travail de coscénariste sur un jeu vidéo, un MMORTS intitulé Hyllum.

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