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Interview de Richard Matheson
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Interview de Richard Matheson

Richard Matheson est un de ces hommes qui ont fait le fantastique d’aujourd’hui. Nombres de ses nouvelles restent terriblement actuelles comme Journal d’un monstre publiée pourtant en 1956. Elle a influencé de nombreux auteurs et a contribué d’une certaine façon a faire sortir Matheson de ce genre littéraire. Aujourd’hui, il arrive même que son roman Je suis une légende soit programmé par certains professeurs de français. Nous avons rencontré Richard Matheson au festival Etonnants Voyageurs de St Malo au début du mois de mai 2000. L’homme nous a paru fatigué, traînant avec difficultés ses 74 printemps. L’interview, réalisée à la volée le dernier jour juste avant son départ, a confirmé nos soupçons. Au fil des questions, il a semblé se désintéresser progressivement du sujet, répondant de manière de plus en plus concise. Nous avons alors préféré cesser de l’importuner après 20 petites minutes d’interview. Dommage, il nous restait un million de questions à lui poser. En espérant qu’il tienne le choc encore un peu et qu’il revienne nous voir en France en meilleure forme...

Actusf  : Première question un petit peu banale, on a du vous la poser des centaines de fois, qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?
Richard Matheson : Je pense que certaines personnes naissent avec un tempérament créatif, ce qui était mon cas. Il y en a qui ont la volonté de créer dans n’importe quel domaine mais cela demande parfois du matériel. La musique par exemple demande des instruments. Pareil si vous voulez être peintre, il faut des pinceaux, de la peinture, des toiles... Moi j’avais douze ans quand ce tempérament s’est révélé et à ce moment-là je n’avais qu’une machine à écrire à disposition, donc je suis devenu écrivain. J’ai créé avec ce que j’avais sous la main.

Actusf  : En 1956 vous avez publié votre première nouvelle professionnelle, Journal d’un monstre. Elle a eu un succès énorme et a fait couler beaucoup d’encre. Pouvez-vous nous raconter comment s’est passée cette première aventure dans l’écriture ?
Richard Matheson : Quand on démarre dans le domaine de la Science-Fiction ou de la fantasy, la grande question c’est " What if ", " Qu’est-ce qui se passe si ". Mon idée c’était : " Qu’est-ce qui se passerait si dans une famille de gens normaux naissait un véritable monstre ". Quand j’ai écrit cette histoire, j’étais célibataire, je n’étais pas encore marié, je n’avais pas d’enfant et c’est pour ça que j’ai pu écrire cette histoire. Avec le recul, jamais je n’aurais pu écrire une telle nouvelle en ayant connu la vie de famille. Il est bien certain qu’un enfant comme ça, on ne l’aurait pas laissé vivre ou on l’aurait mis dans une institution. On ne l’aurait certainement pas forcé à vivre dans une cave comme dans la nouvelle. C’est donc parce que j’étais jeune et que j’ignorais tout des solutions que l’on aurait pu apporter que j’ai pu écrire cette histoire. J’avais 23 ans et comme je n’avais aucun sens des réalités pratiques, ça m’a semblé une bonne idée, tout simplement.

Actusf  : Cette nouvelle a eu beaucoup de succès, certains auteurs ont même dit qu’elle avait été une véritable découverte pour eux. Comment cela a-t-il déclenché votre carrière ?
Richard Matheson : Quand on écrit une histoire, on ne connaît jamais l’impact qu’elle peut avoir et j’en ai été le premier surpris. Des années après, on m’en parle toujours comme de certains épisodes de Twiling Zone. Ca revient sans cesse mais ça ne se contrôle pas. Je suis étonné de voir que c’est devenu une espèce de classique incontournable. Le fait que je me sois mis dans la peau du monstre, que j’ai parlé à la première personne, a certainement joué. C’est peut-être ça qui a eu le plus d’impact. C’est aussi ce qui correspond à mon écriture. J’écris souvent à la première personne parce que j’ai besoin de m’identifier au personnage dont je raconte l’histoire.

Actusf  : Vous avez fait énormément de fantastique, tant en littérature qu’à la télévision. D’où vous vient votre amour de ce genre ?
Richard Matheson : Ca correspond à une inspiration que j’avais quand j’étais jeune, comme beaucoup de gens de cet âge. Disons qu’à travers mon tempérament et mes lectures, c’était des univers qui m’intéressaient beaucoup. Mais bon, depuis j’ai évolué et à mon âge cela me paraît finalement très éloigné de moi. Je n’ai plus la même vision des choses qu’à l’époque.

Actusf  : Quel regard jetez vous aujourd’hui sur ces premières oeuvres que sont Journal d’un Monstre ou Je suis une légende ?
Richard Matheson : Ce sont des histoires que je ne renie absolument pas. Je suis content qu’elles aient trouvé un public et que l’on m’en parle encore aujourd’hui. Je ne peux pas les rejeter, elles font partie de moi, de ma personnalité.

Actusf  : A partir des années 60, on vous a retrouvé beaucoup au cinéma ou à la télévision, comment s’est fait ce passage ?
Richard Matheson : C’est très simple. L’explication c’est : une femme, quatre enfants. Il fallait gagner sa vie et les nouvelles ne payaient pas assez. Et puis, j’avais toujours voulu écrire pour le cinéma et la télévision.

Actusf  : Certains de vos romans, peut-être même tous, ont été adaptés au cinéma. Parfois, ça c’est mal passé comme pour The Oméga Man de Boris Sagal en 1980, en lieu et place de Je suis une légende. Comment l’avez-vous vécu ?
Richard Matheson : La réponse que je peux donner, c’est la même que celle de Raymond Chandler. Quand on lui disait " L’adaptation de votre roman est ratée ", il disait : " Ce n’est pas grave, le bon livre existe toujours ".

Actusf  : Vous avez vous-même écrit le scénario de l’adaptation de L’homme qui rétrécit en 1960. Ce film connaît encore une carrière importante aujourd’hui. Est-ce que vous considérez ça comme une réussite personnelle ?
Richard Matheson : En fait quand j’écris un scénario, j’imagine le film tel que je voudrai qu’il soit. Je suis donc toujours un peu déçu et il m’arrive souvent d’attendre des années avant de pouvoir voir le film tel qu’il a été tourné. 

Actusf  : Plusieurs auteurs vous citent dans leurs références et disent que vous êtes leur maître. Quel regard portez-vous sur la littérature ou le cinéma fantastique aujourd’hui ?
Richard Matheson : J’ai toujours différencié l’horreur de la terreur. L’horreur c’est quelque chose de viscéral, de physique et disons que des têtes qui explosent sur l’écran ne m’intéressent pas trop. La terreur est beaucoup plus intellectuelle, c’est dans l’esprit. Je ne me reconnais donc pas tellement dans ce genre de cinéma comme le Gore par exemple.

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