Alan Brennert est à l'origine scénariste de séries télé (La cinquième dimension, Au-delà du réel, la loi de Los Angeles) et comics (Batman et Wonderwoman), tout comme son confrère Neil Gaiman. Comme lui, il est venu tout naturellement au roman en choisissant le fantastique comme genre de prédilection. L'échange est son second roman, après un inédit en France, Kindred Spirits et un recueil de nouvelles.

Et si…

Richard Cochrane est un comédien à la réussite plus ou moins heureuse, dandy impliqué dans la vie de Broadway et artiste anxieux. Lors de la dernière d'une représentation, alors qu'il danse sur scène, une vision lui montre sa vie telle qu'il ne se souvient pas l'avoir vécue. Une vie de bureau bien terne, une vie familiale qu'il s'est résolu à ne jamais avoir… Il s'aperçoit rapidement qu'un double de lui-même, Rick Cochrane, n'a pas fait le choix de tenter l'aventure à Broadway après sa dernière année d'école et est resté dans sa ville natale, Appleton. Rencontrant ce double aigri et dépressif, il le décide à échanger leur vie, pour pouvoir goûter aux joies de la vie de famille, tandis que l'autre Richard, Rick, arrive enfin à surmonter ses frustrations artistiques en se glissant dans la sienne.

Un vieux fantasme

Nombre de livres et de films ont traité de ce vieux rêve : pouvoir revenir en arrière et combler les suppositions que l'on fait sur sa vie, lorsque la première croisée des chemins a été franchie. L'échange traite le sujet à la façon d'une comédie de Broadway, dont le décor sert à l'évolution des deux Richard Cochrane. Des couleurs, du mouvement, du sentiment, une bonne morale et la boucle est bouclée… De fait, le temps s'est permis un petit tour sur lui-même dans ce roman agréable et dont le thème, à défaut parfois du style, ne peut laisser indifférent. On y trouve avec plaisir une ambiance familière aux fans de fantastique et séries télé américaines (la petite ville ringarde où l'ancien chef de l'équipe de foot noie ses ambitions ratées dans l'alcool, Broadway et ses paradis artificiels au fil des lignes blanches…), de bons dialogues (on n'en attendait pas moins d'un scénariste) et quelques propos sur le doute et les limites du destin imposé par nos choix propres. Car le sujet du livre n'est pas tant l'explication du phénomène de dédoublement temporel, mais bien des questions métaphysiques qui hantent souvent les créateurs et ceux dont la vie n'a procuré qu'un sentiment de ratage permanent : et si j'avais fait un autre choix ? Pas de sentence dans ce roman, mais une réponse qui s'esquisse en quelques mots : tout est possible, mais la délivrance va être douloureuse.