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Le Vaisseau ardent

Getty Images (Illustrateur de couverture), Jean-Claude Marguerite ( Auteur)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 31/05/2010  -  livre
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Le Vaisseau ardent

Jean-Claude Marguerite est né en 1955 en Normandie. D’abord journaliste-photographe pour la presse régionale, puis conseiller en communication, il devient ensuite concepteur-rédacteur free-lance. Il travaille dans le secteur de la publicité avant de rejoindre celui de l’édition. Il est également professeur de P.A.O. à l’Université Paris III-Sorbonne Nouvelle.
Le Vaisseau ardent
est son premier roman, qu’il a mis près de vingt ans à peaufiner, un conte initialement destiné à son fils et qu’il a ensuite développé plus avant.

Chasse au trésor

Adriatique, ancienne Yougoslavie, actuelle Croatie : Anton, un enfant malingre et renfermé à l’imagination débordante, qui rêve de pirates depuis son plus jeune âge, et Jack, son opposé, costaud et impulsif et que l’école ennuie, deviennent meilleurs amis le jour où ils découvrent une pièce secrète dans la cave des parents de Jack. Les deux jeunes garçons s’approprient cette « grotte aux trésors » pour en faire leur repère. Délaissant l’école pour proposer leurs services aux marins de la région, puis aux plaisanciers, ils cherchent l’aventure avec un grand « A ».
Gagnant en assurance, ils commettent des petits larcins sur les bateaux, se rêvant pirates. Une nuit où ils dérobent un coffret à bijoux sur un majestueux voilier nommé Le Nathalie, ils sont pris sur le fait par un homme qui les observe depuis une barque. Ce dernier ne les dénonce pas, et lorsqu’Anton et Jack le retrouvent au port quelques jours plus tard, celui qu’ils appellent alors l’Ivrogne leur propose de leur narrer l’histoire du « Pirate Sans Nom », en échange de flasques de mauvais rhum. Mais un accident survint et l’Ivrogne, avant de mourir noyé, n’a pas eu le temps de leur confier tous ses secrets…
Au soir de sa propre vie, Anton, ce petit garçon fasciné par les flibustiers, devenu le commandant Anton Petrack, « le Sherlock Holmes des Mer », court toujours après le trésor du Pirate Sans Nom. C’est alors qu’il fait la connaissance de Nathalie Derenoy, la petite-fille des propriétaires de la goélette, qui va lui apporter les derniers indices qui lui manquaient pour repartir sur les traces du Pavillon Blanc.

Des mythes qui prennent vie

En ouvrant les pages du Vaisseau ardent, c’est au cœur des légendes que le lecteur se trouve embarqué. Non pas uniquement vers les mystères des récits classiques de flibustiers, mais bel et bien dans une quête de toute une vie, à la recherche des mythes originels qui constituent le fondement de nos sociétés. Celui du Déluge, mais aussi celui du Buisson Ardent qui jamais ne se consume, ainsi que la recherche de la fontaine de Jouvence, source de vie pour les Hommes. Jean-Claude Marguerite relie ces différents récits des temps premiers dans une même intrigue et les rattache à des racines communes. Que ce soit au temps de l’Égypte ancienne des premiers pharaons ou dans nos sociétés modernes, tout concourt à retrouver les mêmes références, simplement racontées différemment au fil des siècles. L’auteur se penche également sur l’origine de « l’utopie » au sens premier du terme, de cette société idéale pensée par Thomas More, qu’il retrouve dans la légende de la colonie « Libertalia », qui aurait été fondée à la fin du XVIIe siècle par un pirate français du nom de Misson.
Le commandant Anton Petrack, à la recherche du fabuleux trésor du Pirate Sans Nom, est donc confronté à une quête existentielle et symbolique. Les recherches de ce « Sherlock Holmes des mers », comme il est nommé, ressemblent plutôt à celles d’un Indiana Jones, chasseur de reliques des temps anciens dont la valeur n’est pas seulement mercantile.
Les légendes des vaisseaux fantômes et du Hollandais volant complètent la richesse de ce texte très bien documenté. Le lecteur entre de plain-pied dans l’univers de la piraterie, que ce soit celui des flibustiers des Caraïbes, les Frères de la Côte, les pirates du Nord de l’Europe ou encore ceux de l’Adriatique, ainsi que les célèbres corsaires français tels que Jean Lafitte. Basé sur de solides références et des recherches approfondies sur cet univers, Le Vaisseau ardent ne se présente pas réellement comme un roman d’aventure, mais plutôt comme une porte d’entrée vers ces récits légendaires et ces mythes des premiers âges.

De l’art de raconter une histoire

Jean-Claude Marguerite maîtrise parfaitement sa technique – ou plutôt ses techniques – de narration. Il utilise de nombreux styles littéraires pour conter ses histoires : narration classique du roman, récit de seconde main qui rapporte le propos d’un autre, journal intime, pièce de théâtre, retranscription de légende orale, correspondance… Il démontre ainsi la subjectivité des faits et de la mémoire, des retranscriptions, traductions ou transmissions : le récit est ce que ceux qui le racontent en ont fait, une interprétation des événements et des paraboles. Qu’est-ce qu’une histoire, qu’est-ce qui lui apporte sa véracité, sur quoi se fondent les légendes ?
Presque à chaque fois, l’aventure est racontée par quelqu’un, elle n’est jamais vécue en direct, sauf à la fin du roman. Il s’agit toujours d’une transmission du savoir, orale ou écrite : l’Ivrogne qui raconte l’histoire du Pirate Sans Nom à Anton, d’après le journal du pirate où lui-même explique son enfance ; Nathalie qui décrit ses découvertes et celles de sa grand-mère Virginia à Anton ; les recherches de Virginia qui évoquent le naufrage de Pierre Domiche sur l’Île noire ; la traduction du manuscrit de l’île Eléphantine ; la légende orale narrée par l’Ivrogne puis retranscrite par Anton… Des récits qui s’imbriquent les uns dans les autres comme des poupées russes, et qui rappellent les circonvolutions de la pensée.
L’inconvénient de ce choix narratif est qu’à presque aucun moment on ne se retrouve plongé directement au cœur de l’action, celle-ci est pratiquement toujours vécue par procuration, ce qui atténue sa portée et l’implication du lecteur dans les événements. Les protagonistes principaux sont tous des intellectuels, dont le cheminement de la réflexion nous est ainsi montré, au détriment parfois de l’aventure elle-même. L’Ivrogne, Virginia et Nathalie sont des universitaires, auteur de thèses, qui abordent le sujet à travers les livres. Les discussions relatées, par trop rhétoriques par moment, parfois un peu scolaires, rappellent les cours de philosophie ou d’histoire. L’introspection des personnages, très poussée, nous ramène d’autre part sur le divan du psychanalyste. Mais la quête du Moi brouille les cartes et dévie le sujet premier du roman, en rallongeant peut-être inutilement cet ouvrage déjà très dense.
Le dernier tiers du roman se déroule au présent, ce qui est relaté étant vraiment vécu par Nathalie. Mais bizarrement cette section, alors que plus proche de la réalité de l’aventure et des mythes rapportés, moins poétique, ne bénéficie pas de l’envolée des premiers chapitres, et perd un peu en qualité. Jean-Claude Marguerite est effectivement plus à l’aise dans la narration des légendes que dans la conclusion de l’aventure. Il n’en reste pas moins que Le Vaisseau ardent est un ouvrage bien construit.

Je me nomme donc je suis

À travers les mythes du Déluge et de l’Oasis des temps premiers, le livre effectue un retour aux sources, vers les origines de l’humanité. La notion d’héritage et de filiation tient une place prépondérante tout au long de la recherche d’Anton. L’Ivrogne lui délivre son savoir comme un père, il lui confie son vécu afin de le perpétuer, pour que sa propre histoire soit transmise et ne disparaisse pas avec lui. Nathalie se réclame d’une tradition familiale, qui a entraîné sa grand-mère puis sa mère dans cette quête. Le récit de l’enfance du Pirate Sans Nom est axé sur le rapport parent/enfant et sur la notion de clan, d’appartenance.
Les noms des personnages constituent le leitmotiv du roman. La plupart ne sont d’ailleurs pas les vrais noms des protagonistes, mais les surnoms qui les désignent et qui les qualifient le mieux : Coupe-jarret, Fureteuse, Balafrée, Pue-la-mort, Mère-des-anges, L’Ours, L’Albatros, Qui-perd-gagne, Bouffon-savant, Morne-mer, Tempête…. et bien sûr Le Pirate Sans Nom lui-même, insaisissable car non nommé. Ces noms riches en symboles ne décrivent ceux qui les portent que par un seul de leurs attributs, tellement semblables aux dénominations que se donnent et se choisissent les pirates pour se définir. On n’existe que si l’on est nommé, et le nom dont on nous baptise ou que l’on se donne fait sens, nous crée et nous construit.
L’Ivrogne se retrouve dans Anton, qui cherche son double rêvé, le Pirate Sans Nom :  « Sa mémoire avide s’est élaborée ainsi, tout à la fois celui qui écoute et celui qui raconte, se confondant à l’histoire elle-même, puzzle inachevé et pièces éparpillées, acteur scrupuleux de chaque rôle annoncé ou aventurier iconoclaste de tous les autres possibles (… ) »
La corrélation entre complémentarité et opposition compose également une des thématiques de ce texte : « Feu et Glace », « vide et opposé », jeunesse et vieillesse. On s’attarde sur les rêves d’enfants qui paraissent plus vrais que la réalité, sur ce que l’enfance apporte à l’adulte, comment elle révèle l’individu, et sur ceux qui ne veulent pas grandir, à l’image des « enfants perdus » de Peter Pan.

Un texte insolite


Le Vaisseau ardent est un roman imposant, de par son ampleur (mille trois cents pages), son contenu et son originalité dans l’écriture. Il constitue le projet de toute une vie, qui a été mûrement pensé et réfléchi. Mais comme toute œuvre d’une telle envergure, on s’y perd parfois en cours de route. Certains passages peuvent paraître trop longs, comme si l’auteur ne s’était pas résolu à laisser de côté certaines perceptions, voulant tout détailler. Tel un archéologue, Jean-Claude Marguerite met quoi qu’il en soit au jour les vestiges de quelques mythes choisis, les mêle savamment aux parfums d’embruns de l’histoire de la piraterie et nous en propose sa propre interprétation.

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