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Les coups de coeur de Jean-Luc Rivera - Avril 2016
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Les coups de coeur de Jean-Luc Rivera - Avril 2016

L'épée de l'ancillaire d'Ann Leckie (J'ai Lu, Nouveaux Millénaires)
 
En décembre dernier, je vous parlais du tome 1 des "Chroniques du Radch", "La justice de l'ancillaire", d'Ann leckie. Le deuxième volume, "L'Epée de l'Ancillaire" vient de sortir (Nouveaux Millénaires), tout aussi prenant que le premier. Breq, l'ancillaire qui contient l'incarnation du vaisseau "Justice de Toren", est devenu capitaine de flotte et, obéissant aux ordres d'Anaander Mianaaï, la Maître du Radch (ou du moins de l'une de ses factions internes), part avec un vaisseau et un équipage dont font partie la lieutenant Seivarden, l'un de ses anciens officiers mille ans auparavant (elle a dérivé tout ce temps dans l'espace, congelé), et la bébé lieutenant (dix-sept ans) Tisarwat choisie par Anaander, pour la station Athoek, au-dessus d'une planète qui tire sa richesse du thé. Breq se retrouve donc à travailler avec un vaisseau, le "Miséricorde de Kalr", elle qui en fut un, et à commander des humains, elle qui n'en fut jamais un... Elle va donc avoir à gérer la situation complexe d'Athoek, qui commande plusieurs portes spatiales inutilisables suite au début de guerre civile dans l'empire radchaaï entre les différentes facettes de la personnalité d'Anaander : il va lui falloir faire avec les différentes factions ethniques, l'exploitation de certaines populations par d'autres, la corruption des élites et l'ingérence possible des redoutés Presgers, ces extra-terrestres incompréhensibles qui ont signé un traité avec l'empire après l'avoir battu mais dont on ne comprend toujours pas les motivations malgré les traducteurs humains qu'ils ont élevés (ces mêmes Pregers qui ont fabriqué l'arme invincible et indétectable récupérée par Breq dans le tome précédent).  Il est extrêmement difficile de vous en dire plus sans spoiler gravement le roman. Mais celui-ci est absolument enthousiasmant car, outre la découverte de l'univers compliqué et hautement symbolique qui régit les relations inter-personnelles dans le Radch, nous suivons Justice de Toren/Breq dans sa découverte et son apprentissage de la vie humaine, sa socialisation - il y a des passages de toute beauté sur la découverte de l'amitié -, sa passion des chants qui, comme elle le dit, "sont chargé[e]s de sens symbolique et historique, portent un grand poids émotionnel" (p. 219) et l'aideront à accomplir sa mission. Ce roman, comme le premier, est d'une complexité remarquable qui en fait tout l'intérêt, avec une traduction toujours aussi remarquable de Patrick Marcel. Mis à part la passion immodérée d'Ann Leckie et des Radchaaïs pour le thé (on pourrait écrire Radj Chaï...), tous les éléments, intrigue et écriture, personnages et monde, sont présents pour faire une lecture passionnante de ce qui est un futur classique de la SF. Il va être long d'attendre la conclusion de la trilogie avec "La miséricorde de l'ancillaire".
 
Une demi-couronne de  Jo Walton (Denoël : collection Lune d'encre)
 
Je vous avais déjà fait part de mon enthousiasme pour la superbe trilogie uchronique du "Subtil changement" de ce grand écrivain qu'est Jo Walton à l'occasion de la sortie du premier volume, "Le Cercle de Farthing" (coup de coeur de mars 2015), puis du second, "Hamlet au paradis" (coup de coeur d'octobre 2015). Gilles Dumay a eu l'excellente idée de sortir les trois tomes à intervalles rapprochés, ce qui permet de pleinement apprécier la conclusion des événements qui sont déroulés dans cette Angleterre, signataire d'une paix séparée avec l'Allemagne en 1941, depuis l'assassinat en 1949 de Sir James Thirkie qui a été élucidé (mais dont on a couvert les auteurs véritables) par Peter Carmichael dans le premier volume, le début de son ascension dans la police et la perte de toutes ses illusions. Nous sommes, avec "Une demi-couronne" (toujours chez Lune d'encre, comme les deux premiers), maintenant en 1960 et Carmichael est le redouté chef du Guet (la Gestapo britannique), récompense de son exploit (sur lequel il se pose toujours nombre de questions morales) du deuxième volume, avoir déjoué le complot contre le Premier Ministre  et Hitler et leur avoir sauvé la vie. Dix ans se sont donc écoulés, il a adopté Elvira, la fille de son adjoint décédé, l'a élevé dans les meilleures écoles et elle va maintenant faire ses premiers pas dans la haute société londonienne avec sa présentation à la Reine. Mais alors que l'ancien roi, Edward VIII, sympathisant nazi, décide de revenir à Londres au moment où va se tenir une conférence décisive pour l'avenir du monde, avec les plus grands dignitaires de la planète, la sécurité reposant sur les épaules de Carmichael, les ennuis apparaissent : outre les visées politiques de l'ex-monarque, qui bénéficie de larges soutiens, le Premier Ministre Normanby va à nouveau manipuler le pauvre Peter en faisant pression sur lui à travers sa vie privée. Et comme celui-ci doit jongler entre sa double vie professionnelle et personnelle plus la rivalité haineuse de Scotland Yard, les complots de toutes sortes et la nouvelle politique anti-juive exacerbée, il va se retrouver pris au piège, entre ses convictions et ses obligations. Jo Walton est au sommet de son art d'écrivain en mettant en scène avec beaucoup de finesse ses personnages, principalement Peter,cet homme à la psychologie complexe qui, pour faire le maximum de bien, a accepté toutes les compromissions au point d'incarner publiquement tout ce qu'il déteste intimement et de servir Normanby, l'homme qu'il hait le plus. Nous retrouvons dans "Une demi-couronne" cette société britannique hypocrite où seules les apparences comptent - le portrait au vitriol de Mrs Maynard, celle qui chaperonnera Elvira et sa propre fille lors de la présentation à la Reine, est remarquable -, où l'intérêt du pays n'est que le prétexte et la couverture pour défendre intérêts personnels et servir un arrivisme forcené. Dans ce monde de 1960 où l'URSS a été atomisée et les Etats-Unis affaiblis, le jeu n'a plus lieu qu'entre l'Allemagne et ses satellites et le Japon, avec une Angleterre à l'empire qui se délite, bafouant ses principes démocratiques les plus chéris. Et il faut faire avec ; comme le constate avec fatalisme Mrs Talbot, une Quaker qui aide au péril de sa vie les Juifs, dans une conversation avec Carmichael : "Au moins, Mr Normanby maintient un semblant de constitutionnalité." Afin de sauver Elvira, Peter se retrouvera à nouveau en train de prendre des décisions aussi déchirantes que difficiles, et des personnages de son passé comme Lucy Kahn (premier volume) ou Bannon (deuxième volume) et d'autres réapparaîtront, lui permettant de résoudre les derniers points en suspens et de boucler les enquêtes débutées en 1949. Jo Walton termine avec élégance cette trilogie, sur une note résolument optimiste (sa foi en le peuple) mais d'un cynisme tout aussi résolu. Il est essentiel de lire cette trilogie car, comme je l'écrivais en octobre  voilà, elle "soulève [nombre] d'interrogations sur notre société, [c'est] de la très belle SF, celle qui donne à réfléchir tout en se laissant lire avec un immense plaisir."
 
Bienvenue à Night Vale, de Joseph Fink et Jeffrey Cranor (Bragelonne)
 
Avec Bienvenue à Night Vale, de Joseph Fink et Jeffrey Cranor (Bragelonne), voici l'exemple du roman tiré d'un podcast américain à succès dont la transformation est parfaitement réussie. Et en le lisant, on comprend très vite les raisons de cet enthousiasme : Night Vale est une de ces petites villes typiques de l'Ouest américain, nichée au fin fonds d'un état désertique quelconque, tout à fait banale en apparence avec son "diner", le "Moonlite All-Nite", son marchand de voitures d'occasion, son prêteur sur gages etc... mais qui diffère quelque peu de la norme habituelle de ce genre de bourgades car, entre autres, des hélicoptères noirs le survolent en permanence, des lueurs étranges apparaissent la nuit dans le désert, le sheriff dirige une police secrète, tout le monde est sur écoute, il est interdit par arrêté municipal de parler des anges qui habitent chez la vieille Josie. Personne ne s'étonne vraiment que Jackie, la prêteuse sur gages, ait 19 ans depuis on ne sait plus quand et ne propose, quel que soit l'objet, que 11 $, ou que le conseil municipal, dirigé - c'est normal - par une lueur pensante, fasse disparaître un vendredi une semaine pour le remettre en double vendredi la suivante... Et tout le monde sait qu'il faut éviter à tout prix la bibliothèque municipale, de loin le lieu le plus dangereux de tout Night Vale, celui d'où quasiment personne n'est jamais ressorti vivant(ou alors dans un état...). Nous suivrons Jackie dans sa recherche de son identité (sa mère est-elle sa mère, qui peut bien être son père ?) et nous découvrirons ainsi une partie des mystères de la ville dans une quête qui l'emmènera même, avec Diane Crayton, la mère de Josh - un garçon qui peut prendre n'importe quelle forme, quoi de plus normal ? -, dans la ville voisine en un voyage extraordinaire et inédit pour les habitants de Night Vale. Le roman est rythmé par la voix de Cecil, l'animateur de la radio locale qui lit les nouvelles improbables et les communiqués municipaux plus que bizarres, avec ses propres commentaires totalement surréalistes.
 
Vous l'avez réalisé, "Bienvenue à Night Vale" est un roman totalement loufoque, où les auteurs ont utilisé absolument tous les éléments du "New Age" et du conspirationnisme, y compris et surtout les plus délirants, pour en faire un condensé (je crois que rien ne manque à l'appel) en un lieu, signant ainsi un roman que je saurais mieux qualifier que de "X Files" façon "Signé Furax". A lire de toute urgence pour bien rire et oublier ainsi la morosité ambiante.
 
Le Cabaret des ombres de Régis Hautière & Arnaud Poitevin (Editions Rue de Sèvres).
 
Avec Le Cabaret des ombres (Editions Rue de Sèvres), Régis Hautière et Arnaud Poitevin nous introduisent dans l'univers d'une petite troupe d'artistes de foire, celle du Cabaret des Ombres. Artiste est d'ailleurs un bien grand mot, car dans le Paris de juillet 1909 où ils exercent leurs talents devant des salles vides, Pétronille, chef moral de la troupe, spécialisée dans les déguisements en tous genres, Evariste, l'homme volant, Félix, le loup-garou et Eustache, l'hercule, sont plutôt des gagne-petits au spectacle basé sur des illusions minables. Le seul à être enthousiasmé (et convaincu) par leurs talents est l'éminent et excentrique savant Prosper Pipolet (deux fois troisième au concours Lépine ! c'est dire) qui les engage pour récupérer une invention terrifiante qui lui a été volée par l'ignoble Victor Stingler, quincaillier aussi richissime que peu scrupuleux. Inutile de vous dire que nos sympathiques héros vont connaître des aventures aussi échevelées que loufoques, grandement aidés par les inventions farfelues de Pipolet, au-dessus de, en-dessous de et dans Paris. Pastiche accompli des BD de super-héros, avec un zeste d'atmosphère de roman scientifique à la française début du XXème siècle, voilà un excellent album pour bien rire, avec son intrigue amusante, ses personnages attachants et ses méchants ridicules, son dessin original et agréable. Vivement le deuxième album pour découvrir la suite des aventures de ces Ombres devenues véritablement "Spectaculaires".
 
Yesterday's Gone de Sean Platt et David Wright (Editions Fleuve).
 
Lorsque j'ai commencé Yesterday's Gone, de Sean Platt et David Wright (collection Outre Fleuve aux Editions Fleuve), j'avoue que je me posais beaucoup de questions sur la qualité du roman. En effet, une série présentée comme écrite par deux fans de séries télé et construite en suivant leurs codes me paraissait étrange : j'avais complètement tort. Au bout de quelques pages, j'étais devenu totalement accro ! Nous entrons dans l'action immédiatement en nous réveillant avec Brent Foster, un journaliste, dans une ville de New York où il n'y a pas un bruit ! La ville est déserte et nous allons, au cours des chapitres suivants de ce premier épisode, découvrir que les Etats-Unis sont quasiment dépeuplés ; il ne reste que quelques habitants, de tous âges, de tous sexes, de tous milieux, éparpillés plus ou moins au petit bonheur la chance à travers le territoire. Alors qu'ils essaient d'abord de survivre et de comprendre ce qui est arrivé, ils vont se poser, et nous avec eux, de nombreuses questions : bien sûr que s'est-il passé ? Que sont devenus les disparus ? Pourquoi ont-ils disparu et pourquoi les rescapés ont-ils échappé à cette disparition ? Qu'est-il arrivé exactement à 2h15 du matin la nuit du 15 octobre 2011 ? Quel(s) point(s) commun(s) partagent, entre autres, une mère de famille, un tueur psychopathe, un petit garçon de huit ans et un millionnaire du net ? Quelles sont ces visions ou rêves étranges ? Et que sont ces créatures qui semblent être apparues cette nuit-là ? L'écriture rapide, les scènes courtes qui se succèdent, transforment le roman en un "page turner" particulièrement addictif car l'on est vite pris au jeu, entre la manière dont les rescapés réagissent, survivent et s'organisent et les débuts de réponses aux questions posées ci-dessus qui en soulèvent immédiatement beaucoup d'autres. J'ai lu les volumes 1 Le jour où le monde se réveilla désert (Saison 1 épisodes 1 et 2) et 2 Aux frontières du possible (Saison 1 épisodes 3 et 4) à la suite, sans pouvoir m'arrêter : mon conseil est de vous installer confortablement dans votre canapé ou votre fauteuil favori, de quoi boire et manger à côté de vous et de vous évader pour la soirée, en attendant fébrilement les épisodes suivants.
 
La Longue Utopie de Terry Pratchett et Stephen Baxter (Éditions L'Atalante).
 
J'ai déjà partagé avec vous mon enthousiasme et ma passion pour la série de La Longue Terre dont trois volumes sont sortis à L'Atalante : La Longue Terre (coup de coeur de juillet 2013), La Longue Guerre (coup de coeur d'avril 2014) et La Longue Mars (coup de coeur de mai 2015). Le quatrième et avant-dernier tome vient de sortir, La Longue Utopie, tout aussi réussi et passionnant que les précédents. Les auteurs continuent d'étudier les conséquences humaines, culturelles, sociétales et économiques du bouleversement fondamental qu'a constitué la mise à disposition pour tous sur le net d'une méthode simple et à la portée de tous pour partir sur l'infinité des Terres parallèles qui existent de part et d'autre de la nôtre, Primeterre. Exode massif des populations, disparition progressive des grands centres de culture et d'éducation, affaiblissement des gouvernements établis - comment contrôler des millions de territoire épars aux populations quasi inexistantes ? -, retour à une économie simple basée sur la coopération et le troc - pourquoi travailler lorsqu'il suffit de cueillir et de chasser ce dont on a besoin ? -, nous découvrons de volume en volume la manière dont les choses évoluent. Nous sommes maintenant en 2052, Josué Valienté, l'explorateur le plus célèbre de tous les mondes fête ses cinquante ans en voyageant en direction de Prime Terre en compagnie de son fils puis de plusieurs de ses vieux amis. Mais ce voyage n'est pas seulement d'agrément : il voudrait aussi en savoir plus sur sa famille (il est orphelin) et ce sera le vieux Nelson Akiziwe, son ami et celui de Lobsang, qui va se charger des recherches. Lobsang, justement, cet être humain réincarné dans un système électronique, à la fois omniscient et omnipotent, la créature qui, en compagnie de Josué, a le premier exploré extensivement la Longue Terre, a organisé sa mort en 2045 ; mais un certain George, accompagné d'Agnès, l'ex-bonne soeur qui a élevé Josué et est devenue un androïde, va s'installer en 2054, avec un petit garçon adopté, Ben, sur la Terre Ouest 1 217 756. Curieusement, c'est à cet endroit, recommandé par Sally Linsay, l'exploratrice intrépide que nous connaissons aussi depuis le Jour du Passage en 2030, qu'avait été découverte une grotte mystérieuse que seuls les enfants de La Nouvelle-Springfield connaissent et d'où ils ramènent des artefacts d'argent inconnus.
Ce volume va nous apporter des réponses (ou du moins des débuts de réponses) à certaines des énigmes qui se posent depuis le premier volume : d'où viennent les passeurs "naturels" qui semblent avoir existé depuis très longtemps ? Pourquoi et comment le père de Sally Linsay a-t-il inventé et mis en ligne le procédé du passage et pourquoi a-t-il continué ses recherches sur la Longue Mars ? Quelle est cette menace diffuse qui semble avoir inquiété les trolls et les autres populations humaines appartenant à des rameaux différents du nôtre au point de les avoir fait fuir en masse ? Que sont devenus les "Suivants", ces jeunes humains surdoués qui représentent peut-être l'étape suivante de notre évolution ? A travers Stan Berg, ce jeune Suivant né en 2040 à Miami-Ouest 4, et son copain Rocky, lui purement humain, nous verrons qu'il n'existe aucune réponse simple - comme le voudraient certains humains et certains Suivants - au problème des relations entre les deux espèces (mais sont-elles vraiment deux espèces séparées par un bond évolutif ?). Nos personnages ont vieilli et mûri, la vie leur a fait perdre certaines illusions et l'Utopie qu'ils croyaient - pour certains du moins - pouvoir créer. Ils découvriront de nouveaux mystères dans la Longue Terre, à travers les "points mous" et une manière de "passer" dans une direction autre qu'Est et Ouest. Le ton de ce volume est beaucoup plus grave, pour ne pas dire sombre, que celui des précédents car l'utopie s'éloigne et les menaces se rapprochent. Avec son talent habituel, Stephen Baxter nous livre un certain nombre de ses questionnements habituels et de ses idées brillantes, mais le livre se termine, pour une fois, de manière terrifiante et nous fait attendre avec impatience le dénouement dans le prochain et final volume.
Point important, je ne peux que recommander à ceux d'entre vous qui ne l'auraient pas encore fait de lire les précédents tomes dans leur ordre de parution afin de pouvoir apprécier pleinement toute l'intrigue et sa finesse, ainsi que l'évolution psychologique des différents protagonistes.

L'escalier Hurleur de Jonathan Stroud (Éditions Livre de Poche).
 
Jonathan Stroud, l'auteur de l'excellente trilogie d'urban fantasy des Aventures de Bartimeus, remet cela avec L'escalier hurleur (Livre de Poche), premier volume des enquêtes de "Lockwood & Co.". Et quelles enquêtes ! Il s'agit, à chaque fois, d'identifier quel fantôme commet, et pour quelles raisons, une hantise violente, avant de l'éliminer. En effet, nous sommes dans une Angleterre - terre prédestinée si il en est - où est apparu, une cinquantaine d'années auparavant le Problème : les esprits des morts reviennent en masse hanter le pays, sans que l'on sache pourquoi. Les Visiteurs sont parfois violents, cause de morts horribles ne serait-c que par leur simple contact, et seuls les jeunes enfants et adolescents (ils perdent en général leurs dons avant vingt ans) sont capables de les sentir, de les détecter et de les éliminer. D'où le métier excessivement dangereux d'agents psychiques pour différentes officines spécialisées : l'une d'entre elles, toute nouvelle, est celle d'Anthony Lockwood (du nom de son fondateur, jeune garçon aux idées parfois révolutionnaires), assisté du grassouillet et peureux George Cubbins, chercheur remarquable en matière d'archives historiques, que va rejoindre la tout aussi jeune Lucy Carlyle qui a quitté son agence campagnarde après une expérience désastreuse (pas de son fait). Elle va donc s'installer dans la demeure d'Anthony où est située l'agence, découvrir un environnement curieux, du bocal à fantôme que George emmène partout avec lui aux collections d'objets parapsychiques qui envahissent la maison, sans parler du sous-sol réservé à l'entraînement. Après une première enquête dont la résolution - l'élimination du fantôme - a coûté fort cher, l'agence est aux abois lorsqu'est proposée à Lockwood une affaire si lucrative qu'il ne peut que l'accepter, d'autant plus que l'offre est faite par John Fairfax, le milliardaire contrôlant la plus grande société anglaise de fer sous toute ses formes, ce fer qui tient à distance les fantômes. L'agence se rendra donc dans la résidence de Fairfax, connue pour son Escalier Hurleur - une hantise effroyable -, pour élucider et éliminer celle de la Chambre Rouge, encore plus effroyable et où des agents de la plus réputée de toutes les agences, Fittes, ont trouvé la mort. Ils se rendront donc dans ce prieuré (sans doute, à travers sa description, un clin d'oeil de l'auteur au Borley Rectory, célèbre avant la Deuxième Guerre mondiale pour être le lieu le plus hanté d'Angleterre,selon les mots du grand chasseur de fantômes Harry Price) et, au travers de moult péripéties, découvriront ce qui se cache derrière ces hantises. 
Jonathan Stroud nous dépeint une Angleterre parsemée de lampadaires anti-fantômes, terrorisée par les spectres homicides, où les enfants sont exploités pour leurs dons car seuls capables de lutter contre cette infestation. Avec son humour habituel, il nous livre là un roman tout à fait original, que ce soit dans son contexte ou dans ses personnages car les adultes sont dépassés, incompétents ou fourbes, et ce sont les jeunes agents de Lockwood qui ont les idées novatrices et le courage physique, le tout étayé par de solides connaissances en matière de parapsychologie et de folklore. Voilà 450 pages qu'il est difficile de reposer (merci M. Stroud pour une nuit blanche...) et nous fait attendre avec une grande impatience les enquêtes suivantes de Lockwood & Co.
 
Jean-Luc Rivera 
 
Tous les coups de coeur de Jean-Luc Rivera 
 

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