Mystère et voyages temporels
Tout va mal pour Tom Winter. Largué par sa nana, tout juste licencié, il trouve assez de courage pour ne plus toucher une seule bouteille d’alcool et repartir à zéro dans une petite maison, dans sa campagne natale. Une fois sur place, il va découvrir qu’il se passe des choses étranges chez lui… Bon, certaines sont quand même bien pratiques : toutes les assiettes sales oubliées dans l’évier sont systématiquement nettoyées le lendemain ! Tom pense devenir fou, surtout que des messages l’appelant à l’aide apparaissent sur sa télévision… Il décide d’installer des caméras de surveillance et d’en parler à Doug, avec qui il s’est lié d’amitié…
Difficile de faire plus accrocheur que l'énigme de cette maison auto-nettoyante ! Robert Charles Wilson va utiliser les codes du genre – les présences fantomatiques, les rêves bizarres – pour mieux les détourner et nous entraîner dans une histoire de SF. Ce qu’il y a de génial c’est qu’il sait entretenir le mystère, tout en divulguant assez d’infos pour que le lecteur ne soit jamais frustré, mais plutôt encouragé à lire la suite. Le livre débute par un prologue situé en 1979 et introduit un voyageur temporel, Ben Collier, qui se fait sauvagement assassiner dans son jardin. Il va falloir avancer dans l’histoire pour comprendre ce qui relie cette mystérieuse maison à des voyages temporels.
C’est plus que de la SF !
Robert Charles Wilson a accordé une grande importance à ses personnages. Le héros, Tom Winter, est à un tournant de sa vie. Il repart à zéro et se demande ce qu’il veut vraiment faire, s’il a d’ailleurs envie de continuer à vivre… Sa rencontre avec Doug Archer est particulièrement importante pour lui, et pour l’histoire, puisque ce dernier va le booster et lui sauver la vie malgré des situations complètement délirantes.
Et puis, il y a une certaine Joyce, que Tom rencontre en 1962. Et c’est là que naît une question passionnante : comment vivre dans une époque où l’on sait déjà tout ce qui va arriver ? Même en connaissant toutes les catastrophes humaines, écologiques et enjeux politiques à venir, Tom découvre avec fascination les petites choses des années 1960, le quotidien des gens, leurs looks, leurs préjugés… Le voyage temporel est ici synonyme de grandes réflexions pour le héros – et pour nous, aussi – jusqu’à l’ultime question, celle du choix de l’époque où il va rester.
Parallèlement aux aventures de Tom dans le passé, on en sait plus sur le sanglant assassinat du début, ses raisons et pourquoi notre héros va se retrouver en danger…
A bridge of years – le titre original représente tellement mieux l'histoire ! – est passionnant du début à la fin. Il y a de l’aventure, de grandes questions sur le temps, la vie et des explications simples et claires sur la présence de voyageurs temporels dans les années 1990. D’ailleurs, même si l’intrigue se déroule en 1991, on ne ressent aucun décalage !
Bravo Robert Charles Wilson et surtout, merci pour ce voyage à la fois captivant et mélancolique ! Arriver à faire un roman aussi riche et où tout est bouclé, sans zone d’ombres, en 430 pages – pour l’édition de poche – est une véritable prouesse !