Une convention mondiale de science-fiction à Montréal ? « Ça se peut-tu ? » comme on dit au Québec. Pourtant, l’idée flotte dans l’air depuis aussi longtemps que je me souvienne. Le genre de rêve éveillé auquel on ne croit pas vraiment, mais qui embrume le regard, comme lorsqu’on aperçoit enfin les rives de l’Utopie après une longue traversée. Un peu comme – qu’est-ce que je pourrais bien trouver comme exemple ? – un peu comme l’élection d’un président Noir à la tête des États-Unis, tiens.
Certains rêveurs allaient jusqu’à imaginer une convention mondiale bilingue, qui servirait de vitrine aux littératures autres que l’anglosaxonne – que nous aimons bien aussi, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Francophones du Québec et des lointaines contrées européennes seraient les bienvenus. Ce serait, vraiment, une *World*con. Un des invités d’honneur pourrait même être un Québécois ou une Québécoise. Élisabeth Vonarburg, par exemple ? Pourquoi se censurer ? Après tout, nous sommes en Utopie.
Une fois la discussion terminée, le rêve évaporé, tous retournaient à leurs activités. Quiconque examinait sérieusement le projet se rendait vite compte qu’il n’était pas raisonnable. Disons le crûment, il aurait fallu être fou pour se lancer dans un projet aussi ambitieux. Ça tombe bien : des fous, on en a plein ! Un de ces fous vaillants est René Walling. Le devoir de vérité m’interdit de me présenter comme un supporteur de la première heure d’Anticipation. J’étais sceptique. Très. Peut-être parce que j’ai assisté à plusieurs reprises à ce genre de manifestation, en qualité de fan bien plus qu’en ma qualité d’écrivain, et j’ai pu constater de visu qu’une convention mondiale est une entreprise colossale. En ramener une à Montréal n’était pas, mais alors vraiment pas, raisonnable, ce que je disais à tout le monde. René Walling ne s’est jamais préoccupé de mon avis – ce en quoi il est aussi un sage, en plus d’être un fou. J'ai été confondu et j'en suis ravi. (Une autre expression qu’on utilise au Québec est « Les sceptiques seront con-fon-du ! », proclamé d’une voix forte, en répétant le « du » final comme en écho. On vous expliquera.)
Un autre fou québécois qui a confondu les sceptiques est Jean Pettigrew, fondateur des Éditions Alire, consacrée à la publication d’oeuvre de genre presque toutes de la plume d’auteurs québécois. Fonder une pareille entreprise et la maintenir en vie sur un aussi petit territoire que le nôtre, ce serait déjà bien. Or voilà que l’autre se met à avoir du succès et à publier des best-seller ! Tout cela n’est décidément pas raisonnable. Mais en réalité, qu’y a-t-il de surprenant ? Pour faire fonctionner une utopie, ne faut-il pas des fous aux commandes ?
ActuSF vous les présente à quelques clics de ces lignes. Tous deux seront à Anticipation en août prochain et je serai moi aussi dans les alentours. Venez piquer une jasette, on vous attend…
Joël Champetier, Rédacteur en chef
Solaris
La chronique de 16h16 !