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Abandonati

Monique Lebailly (Traducteur), Garry Kilworth ( Auteur), Sami Ben Mehidi (Illustrateur de couverture)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 28/02/1991  -  livre
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Abandonati

Le nom de Gary Killworth est loin d'être totalement inconnu du public français, mais l'essentiel de son œuvre reste cependant inédite de ce côté-ci du Channel. Ce vétéran de la RAF a en effet écrit plus d'une cinquantaine d'ouvrages dans des genres aussi variés que la fantasy animalière, la fiction historico-militaire (en particulier une série sur la guerre de Crimée), les livres pour la jeunesse ainsi que la Science Fiction. Bien loin de la fantasy inspirée des mythes polynésiens de sa récente trilogie des Rois navigateurs, Abandonati est un récit post-apocalyptique qui reflète les inquiétudes ambiantes associées à l'actualité des premières années de ce siècle...

Où sont donc passés les riches ?

Depuis que les riches ont disparu, la Terre n'est désormais peuplée que de clochards. L'argent n'a plus aucune valeur, les seules choses importantes sont celles qui se boivent et celles qui se mangent. Guppy, un vagabond au cerveau rongé par l'alcool, tentera de trouver le chemin qui mène hors d'une ville en ruines et qui semble recouvrir la totalité de la surface de la planète. Il trouvera pour l'accompagner dans sa quête deux compères tout aussi pittoresques que lui, Trader, l'intellectuel du groupe, et Rupert, qui compte sur ses talents de mécanicien pour bricoler un vaisseau spatial à partir de débris d'avions et de balayeuses homéostatiques. Ainsi, ils pourront s'envoler pour rejoindre les riches quelque part sur une planète paradisiaque perdue dans les étoiles, où ils passeront leur temps à se goinfrer des nourritures les plus délectables en sirotant un bourbon authentique. Mais avant d'atteindre l'aéroport où se trouvent les pièces détachées nécessaires à la réalisation de leur projet, le trajet sera parsemé d'embuches...

Si Charles Bukowski avait écrit de la SF...

...il aurait certainement produit un équivalent d'Abandonati, un récit dans lequel un Mad Max vêtu de hardes nauséabondes ne piloterait rien de plus dangereux qu'un caddie chargé de boîtes de conserves périmées. Les héros de ce roman picaresque sont en effet crasseux, affamés, pas toujours très malins, ivrognes... et éminemment sympathiques ! La misère physique est compensée par la sincérité de chacun des membres du trio et dans cet univers cruel, l'amitié qui lies ces trois protagonistes n'en apparaît que plus poignante aux yeux du lecteur. Les péripéties tragi-comiques et les réels dangers qu'ils affrontent au cours de leur voyage vont leur permettre de montrer des qualités humaines dont sont dépourvus ces salopards de riches qui les ont abandonnés. A moins que ceux-ci n'aient fini par se fondre eux aussi dans la masse des gueux... Ces qualités sont cependant loin d'être partagées par le reste de l'humanité, souvent organisée selon les structures claniques familières aux amateurs de romans post-apocalyptiques, dont on dit souvent qu'ils sont une spécialité britannique.

Eminemment originale, l'apocalypse selon Killworth ne sera ni atomique, ni climatique, mais économique. On peut supposer que l'omniprésence du béton et du goudron qui recouvrent la quasi totalité du sol de la planète partage une origine commune avec cette régression de la société vers une forme d'indigence collective. Les personnages que l'on croise au fil de la lecture d'Abandonati ont parfois encore de vagues souvenirs de leur enfance, réminiscences d'un âge d'or pendant lequel tous mangeaient à leur faim mais comme le démontrent les comptines cruelles que l'auteur place en exergue de chaque chapitre, l'humanité peine à renaître des cendres du vingt-et-unième siècle. Faire le choix entre barbarie et civilisation implique un effort que nombre de personnages semblent éprouver des difficultés à fournir.

Voici donc un excellent roman, à découvrir d'urgence avant que la crise actuelle ne cède la place à la prochaine...

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