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Anansi Boys

Neil Gaiman ( Auteur), Michel Pagel (Traducteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 14/05/2008  -  livre
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Anansi Boys

Mettons les choses au clair tout de suite: si vous vous attendez à lire une suite d'American Gods, simplement parce qu'on vous a dit qu'il allait être question des fils de l'inoubliable Mr. Nancy, vous allez être déçus. Le roman de Neil Gaiman, bien que se déroulant dans un monde qui est le même que celui de Shadow et de Mr. Wednesday, est totalement différent, que ce soit par le style, l'histoire ou les personnages. Vous êtes prévenus. Mais la production diverse de Neil Gaiman a montré qu'il était à l'aise aussi bien dans le roman fantastique extrêmement sombre (American Gods, et finalement la plus grande partie des onze Sandman) que dans l'humour noir mêlé d'une grande tendresse pour ses personnages (il suffit de penser à l'extraordinaire Death, ou à Coraline), ou même dans l’humour plus léger de De bons Présages, son roman avec Terry Pratchett.

Anansi Boys se rapproche plus de ce dernier : après tout, il s’agit cette fois des enfants d’Anansi, et Anansi remporte la victoire par des entourloupes et de belles paroles…

Cette édition contient également une interview de l’auteur, et quelques pages du cahier de notes dont il s’est servi lors de l’écriture du roman.

Un père qui fait bien les choses jusqu'au bout...

Charlie Nancy a des problèmes avec son père. Plus précisément, Charlie a l'impression que son père existe dans l'unique but de lui faire honte. Pire encore, la plupart des gens semblent apprécier réellement le vieux filou. Il faut dire que celui ci triche plus qu'un peu pour parvenir à ce résultat, comme certaines de ses anciennes connaissances. D'un autre côté, Charlie habite maintenant en Angleterre, alors que son paternel vit en Floride, et n'est guère du genre à venir faire des visites. Charlie a une fiancée fantastique, et l'idée de passer sa vie avec elle suffit à l'emplir de bonheur, même si sa future belle-mère est à peu près ce qui se fait de pire en la matière. Il a un métier dont il est satisfait. Tout pourrait donc être pour le mieux. Si son père ne choisissait pas de tenter une dernière fois de lui gâcher la vie (et cette fois pour de bon), en décidant brutalement de décéder...

Roman initiatique

Dés la première page, Neil Gaiman annonce la couleur : Anansi Boys sera un conte. Un conte qui commence comme il finira, en chansons. C'est un vrai conte à l'ancienne, avec une bonne part de noirceur (rappelez vous les versions d'origine des contes populaires européens), et où, si les héros sont clairement identifiés, leurs protagonistes ont de bonnes raisons de leur porter une rancune tenace. Gaiman pose rapidement une galerie de personnages hauts en couleurs ; le charmant, l’irrésistible Mr. Nancy est un égoïste, qui vit de la crédulité des gens, leur jouant au passage des tours pendables (sans épargner sa propre famille). Charlie est, dès le départ, le plus falot, préfigurant la manière dont il se fera ballotter au gré des actions des autres pendant une bonne partie du récit, avant de devoir acquérir, comme dans tout récit initiatique qui se respecte, sa propre colonne vertébrale (oui, je sais, je suis à la limite de l’anglicisme, là) et de prouver sa valeur. Ce type de récit exige des personnages stéréotypés ou presque, et c’est bien ce qu’ils sont. Mais l’auteur, dans un style limpide et réjouissant, tire le meilleur de cette approche, dans une histoire qui commence sur un ton léger, pour devenir progressivement plus sombre, mais sans véritablement changer de style, et vire même par moments au récit d'horreur mâtiné d'humour.

Un éclairage nouveau...

Un roman qui, s’il n’a pas l’extraordinaire puissance d’impact d’American Gods, confirme que Neil Gaiman est l’un des auteurs les plus talentueux du moment de par la variété de sa production : il ne se limite pas à un style unique avec quelques variations (je ne citerai pas de noms), il choisit un thème, et l’exploite avec brio, allant jusqu’au bout des nécessités stylistiques qu’il impose. Et Anansi Boys est un roman qui en vaut la peine, par ses qualités propres (une excellente lecture) mais plus encore pour son aspect complémentaire à American Gods, et l’éclairage nouveau qu’il apporte à celui ci. Il ne s’agit pas de deux romans situés dans un même monde, mais de deux romans situés dans une myriade d’univers. Chacun des dieux crée une poche contenant « sa » réalité, et le sombre univers de saga nordique de Mr. Wednesday n’est pas l’univers joyeux, ensoleillé, et cruel de Mr. Nancy. De quoi déclencher une envie irrépressible de relire American Gods, et (mais çà, le lecteur commence à s’habituer) une période de manque avant la sortie de son prochain roman…

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