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Angle Mort n°4
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Angle Mort n°4

Le dernier numéro d'Angle mort s'ouvre avec avec un édito audacieux qui part des stéréotypes appliqués à la SF — la faute entre autres à des couvertures suggérant plus facilement le pulp de mauvais goût qu'une possibilité de réflexion sur le monde — et propose des pistes pour en finir avec la tendance protectionniste d'un milieu qui se sentirait menacé.

Laurent Queyssi et Sébastien Cevey osent même en passant une définition du genre (qui pourrait être celle de la littérature dans son ensemble)  : « une forme d'expression riche, un terrain d'expérimentation qui se positionne toujours par rapport au réel. »

Cette ligne, toute théorique, se confirme dans le choix des textes proposés dans ce numéro de la revue numérique.

Des textes de qualité

Dieu, vu de l'intérieur, premier texte mis à disposition, comme le veut la formule de la revue, est une nouvelle dont l'auteur, Jean-Claude Dunyach, exprime de façon convaincante la voix d'une jeune chercheuse amoureuse et enceinte. Eilen découvre dans l'espace un immense nuage de particules aux propriétés déroutantes. Il n'en faut pas plus pour que l'on pense à L'Ogre de l'espace de Benford. Seulement, à l'inverse du roman frustrant qui fait la part belle aux certitudes scientifiques en laissant de côté les personnages, Dieu vu de l'intérieur se place au cœur du vécu humain. Doutes, désirs, hormones, émerveillement, curiosité et sentiments, sont les matières dont se tisse ce très beau texte, à savourer.

Sale N... , la nouvelle qui suit,  est signée Kosmatka. Elle aborde avec un sens aigu de la psychologie le thème du racisme. Toutes les dimensions de ce phénomène sont présentées, de la peur de l'étranger à la justification facile d'une lutte compétitive, en passant par le risque d'un nouveau « fondement scientifique » des différences raciales. Le tout, dans un récit intelligent, sensible et en lien avec l'actualité scientifique.

La confrontation avec le différent, religieux cette fois, sert aussi de toile de fond à Dahut, un texte de fantasy mélancolique et poétique d'Hélène Marchetto qui invoque la légende d'Ys. La chair, les éléments, les sentiments dansent lentement dans le récit cotonneux, doux et cruel, d'une mort certaine.

Autre époque, autre poésie, La Voix de son maître fait vivre avatars et copies d'humains dans un futur immatériel, entre réseaux sociaux et rêves. L'histoire, contée par un chien (ou sa copie ?) à la recherche de son vrai maître, interroge sur le droit à la copie appliqué à la personne humaine. On s'y perd, on reconnaît des fragments du Chat botté, d'Alice, ainsi que l'ombre des comportements typiques de nos vies virtuelles.

Les raisons d'oser l'achat 

Si les textes, conformément au fonctionnement annoncé dès le numéro de lancement d'Angle Mort, sont appelés à devenir, l'un après l'autre, accessibles en ligne, reste le contenu réservé aux acheteurs. Ici, il s'agit des interviews, riches et pertinentes, qui suivent les textes et s'y rapportent.

Sans rien enlever au plaisir de découvrir les nouvelles, ces entretiens nous parlent tout autant des auteurs et de leurs contextes que des motivations des concepteurs de la revue à nous les présenter.

Pour ces bonus et pour le plaisir de lire de bons textes sans attendre, ce numéro d'Angle Mort vaut largement les 2,99 euros de son prix d'achat.

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