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Animal'z

Enki Bilal ( Auteur)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 09/03/2009  -  bd
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Animal'z

Enki Bilal fait partie de ces rares auteurs qui ont réussi à dépasser les limites de la BD pour gagner la reconnaissance du grand public. C’est la conséquence de ses grands succès, avec Pierre Christin d'abord (Les Phalanges de l'ordre noir, Partie de chasse, La Croisière des oubliés, La ville qui n'existait pas), tout seul ensuite avec La trilogie Nikopol ou Le Sommeil du Monstre. De cette dernière série, l'auteur franco-serbe dit être sorti totalement épuisé. Il lui aura fallu 12 ans pour en venir à bout et Animal'z se veut presque comme une renaissance avec un trait plus épuré et des thématiques moins lourdes (quoique). En dehors de la bande dessinée, Enki Bilal a également goûté au cinéma avec trois films : Bunker Palace Hôtel, Tykho Moon et Immortel Ad Vitam.

Le monde et le Chaos

La Terre a fini par se révolter et un dérèglement climatique brutal a mis fin à la société humaine. Chacun est désormais livré à lui-même dans un monde où les règles de la civilisation n'ont plus lieu d'être. Certains ont choisi la mer pour fuir. C'est le cas des héros de cet Animal'z qui, chacun sur leur bateau, se dirigent tous vers le détroit D17 qui doit leur permettre d'atteindre un lieu où, dit-on, les hommes seraient en train de se réorganiser. Mais comme sur la terre, la survie est une affaire de compétition. À moins que le salut ne vienne des hybridations entre les hommes et les animaux.

Oui, mais...

Si le résumé de cet album vous a semblé confus, c'est qu'il l'est autant que le monde de Bilal est désorganisé. Plutôt que de s'appesantir sur les raisons de ce chaos ou sur le passé de ses personnages, il nous plonge tout de suite dans l'action au milieu d'une mer où les personnages ne cessent de se croiser les uns les autres. On les sent tiraillés entre les impératifs égoïstes de chacun et une envie de s'entraider pour parvenir jusqu'à ce fameux détroit où luit faiblement l'espoir d'une vie nouvelle. Le contexte peut sembler sombre mais rien n'est jamais simple avec Bilal. Si le fil conducteur est mince, il lui permet de parler de ses angoisses comme la pollution et l'avenir de l'humanité. Tout autant qu'il dénonçait la violence dans Le Sommeil du Monstre, il met ici en avant les risques d'un dérèglement climatique et ceux d'une avancée technologique qui permet aux hommes de se transformer en animaux. Pour autant, si ces hybridations humains/animaux ont conduit à des expériences désastreuses (avec un des personnages qui n'a absolument aucun sens moral), Bilal y voit également une forme d'espoir, une des héroïnes renaissant après avoir été transformée en dauphin après sa mort... Ce discours sur les hybridations humains/animaux est le parfait exemple de cet album qui oscille en permanence entre le cynisme et la violence et les moments d’entraides entre les personnages, comme si Bilal lui-même ne savait que penser de cet apocalypse qu’il nous propose, source d’espoir ou de malheur.

Côté dessins, le trait a gagné en simplicité par rapport aux albums précédents, Bilal se contentant également le plus souvent d'un crayonné et de fonds gris, ce qui ne fait pas perdre en force les expressions de ses personnages. On regrettera simplement l'aspect statique de certaines cases, les héros étant presque figés dans leur mouvement. Au final, Animal'z est un album étonnant et particulièrement riche. Un album 100% Bilal que ce soit pour ses thèmes ou pour ses dessins. Même s'il s'en défend, on est pleinement dans la lignée du Sommeil du Monstre. Malheureusement on y retrouve également un certain manque d'épaisseur qui nous laisse sur notre faim. Bilal nous raconte la fin d'un monde sans pour autant que cela soit pleinement passionnant. Dans leurs désillusions générales, il manque peut-être un peu d'humanité, un peu de personnalité à chacun de ses héros pour que l'on puisse pleinement les apprécier. Évidemment, certains passages rehaussent l'intrigue comme ce duel improbable entre deux cowboys, ou ces petits robots en forme d'hippocampe ou de homard qui servent leur maître humain, mais cela ne suffit pas à nous enthousiasmer pleinement. Une sensation de manque accompagne l'album. Peut-être celui d'un scénario un peu plus étoffé...

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