Apprendre, si par bonheur (To Be Taught, If Fortunate) de Becky Chambers est sorti le 20 août dernier en français aux Éditions l’Atalante, dans une traduction de Marie Surgers.
À l'occasion de cette parution, l'autrice a accepté de répondre à quelques questions au sujet de l'écriture de ce roman.
Actusf : Apprendre, si par bonheur vient de paraître en France. De quoi ce roman parle-t-il ?
Becky Chambers : Le récit se déroule dans environ 100 ans et raconte l’histoire d’un équipage d’astronautes qui inspecte l’environnement d’une exoplanète à 14 année-lumières de la Terre. Le but n'est pas de s'établir ou de coloniser, c’est une mission d’exploration pure et simple. Mais passer des décennies loin de la Terre implique que le monde ait changé durant leur absence, ce qui conduit à de sérieuses remises en questions sur la nature de leur mission et comment la mener au mieux.
Actusf : D'où vous est venue l'idée de Apprendre, si par bonheur ? Est-ce un avenir que vous imaginez pour l'humanité ?
Becky Chambers : Je n'essaye jamais de prédire l'avenir. Il y a certains aspects de cette histoire que j’adorerais voir - les vol spatiaux habités et financés participativement - mais ce sont nos choix ici et maintenant qui nous permettront - ou non - de développer ça. Et sans rien dévoiler, il y a des choses qui se passent dans ce livre qui j'espère n'arriveront jamais. L’histoire est alimentée principalement par ma propre curiosité à propos des vols habités. Je suis une très grande fan de tout ce qui touche à l’astronomie et à l’espace, mais je lutte constamment avec les questions éthiques liées à nos intentions d’aller là-bas. Le livre est principalement un déballage de tout ça sur le papier.
Actusf : Un voyage aux confins de l'univers… Ce sujet vous fascine-t-il ? Êtes-vous plus intéressée par l'exploration ou par les réalisations scientifiques ?
Becky Chambers : L'exploration spatiale captive mon imagination sans pareil. Rien ne me fait me sentir plus connecté à ma propre planète qu'en apprendre plus sur l'univers. Pour moi, l'exploration à des fins d'exploration suffit. La connaissance est précieuse, que vous puissiez l'utiliser ou la vendre.
Actusf : Nous suivons quatre astronautes. Pouvez-vous nous en dire plus ? Comment les avez-vous créés ? Qu'incarnent-ils chacun ?
Becky Chambers : Le livre est écrit du point de vue d'Ariane, l'ingénieure. C'est elle qui chronique leur histoire, et elle porte de l'importance à exister pour soutenir les autres. À côté d'elle, il y a Elena, la climatologue, qui est la plus expérimentée du groupe. Elle est sur-entrainée et terre à terre. Ensuite, il y a Jack, le géologue, qui est arrogant et impétueux et fun. Le plus jeune membre de l'équipage est Chikondi, le biologiste. Il est brillant, curieux, gentil. Ces quatre-là sont très proches. Ce sont des amis et des amants, ils dépendent les uns des autres tant sur le plan professionnel que personnel.
C'était important pour moi de créer une équipe qui opère par la confiance et l'intimité émotionnelle. Je voulais dire très clairement qu'il ne s'agit pas d'une mission militaire ou d'une collection de scientifiques stéréotypés sans émotion. C'est un groupe passionné et aimant, et ils sont aussi vitaux pour la survie de chacun que le vaisseau spatial dans lequel ils vivent tous.
Actusf : Quels sont les principaux sujets que vous abordez dans Apprendre, si par bonheur ?
Becky Chambers : Je plonge profondément dans les dilemmes éthiques des vols spatiaux habités, en particulier les excuses pour mettre le pied sur des mondes étrangers, et les raisons pour lesquelles nous pourrions poursuivre un avenir dans l’espace. Je ne propose pas de réponses faciles et de nombreuses questions restent ouvertes. J'ai conçu ce livre comme une réflexion plutôt que comme un énoncé de thèse. J'espère que le lecteur prendra du recul et refermera le livre en se demandant ce que ses réponses auraient pu être.
Actusf : L'écriture de ce roman a-t-elle nécessité beaucoup de recherches ? Comment avez-vous procédé ?
Becky Chambers : J'ai été obnubilée par l'espace pendant la majeure partie de ma vie, donc une grande partie de la science qui est entrée dans ce livre a mariné dans mon cerveau pendant longtemps. J'ai la chance que ma mère soit éducatrice en astrobiologie, et je lui ai parlé à de nombreuses reprises des planètes que je construisais. Au-delà de cela, je me plongeais dans le site Web de la NASA JPL quand j'avais une question précise ou besoin d'inspiration. Ils ont des ressources fantastiques pour quiconque s'intéresse à l'exploration planétaire.
Ce que j'ai dû le plus bosser pour ce livre, c'était les manipulations génétiques. Mes astronautes procèdent à des renforcements génétiques pour adapter temporairement leur corps aux différents environnements de chaque planète qu'ils visitent. Cette idée appartient à une scientifique nommée Lisa Nip, que j'ai eu la chance de rencontrer lors d'une conférence il y a quelques années. Elle a eu la gentillesse de discuter avec moi à quelques reprises pendant que j'écrivais et m'a aidé à comprendre la science derrière ce concept.
Actusf : Avez-vous des sources d'inspiration cinématographiques, littéraires ?
Becky Chambers : Pour ce qui est de mon écriture en général, je m'inspire beaucoup de la science-fiction que j'ai regardée enfant (Star Trek, Star Wars, Farscape). Le travail d'Ursula K Le Guin m'a donné envie de devenir autrice de science-fiction, et je suis toujours constamment inspirée par elle. Du côté de la non-fiction, Carl Sagan a énormément façonné ma vision du monde, et cette influence transparaît le plus fortement dans ce livre.
Actusf : Pensez-vous écrire à nouveau dans cet univers ? Apprendre, si par bonheur deviendra-t-il également une série comme Les Voyageurs ?
Becky Chambers : J'avais l'intention de faire en sorte qu'Apprendre, si par bonheur se suffise à lui-même. Je n'ai pas l'intention de continuer à écrire dans cet univers.
Actusf : Quels sont vos projets en cours et à venir ?
Becky Chambers : Je viens de terminer le quatrième et dernier volet de la série Les Voyageurs (Wayfarers), qui s’appelle The Galaxy, and the Ground Within. C’est de loin le plus étrange des livres, et bien qu’il soit doux-amer de dire au revoir, je suis heureuse de terminer sur cette note. J'ai aussi une paire de nouvelles solarpunk en route, dont la première s'appelle A Psalm for the Wild-Built. Il s’agit d’un moine voyageur et d’un robot amoureux de la nature qui vivent ensemble une aventure tranquille, et j’ai beaucoup aimé l’écrire.