Archives de l’exode (Record of a spaceborn few) de Becky Chambers sort le 24 octobre en français aux Éditions l’Atalante.
Ce roman est le 3ème volet du triptyque « Les Voyageurs », pour lequel elle a reçu le prix Hugo 2019 de la meilleure série.
Actusf : Archives de l’exode clôt votre série Les Voyageurs. Pouvez-vous nous présenter l'univers de ce space-opéra ?
Becky Chambers : Les livres des Voyageurs se déroulent dans le Galactic Commons, une vaste union interstellaire qui garantit les droits fondamentaux et facilite les échanges commerciaux dans toute la galaxie. Le GC abrite de nombreuses espèces différentes, chacune ayant ses propres cultures, coutumes et modes de vie. Vous pouvez penser à quelque chose comme l'Union européenne, mais avec des vaisseaux spatiaux et des extraterrestres. C’est un décor de space-opéra très classique à bien des égards. Il regorge de politique et de conflits à grande échelle. Mais ce que je fais, c'est me concentrer sur les gens ordinaires qui vivent dans cet avenir. Aucun de mes personnages ne sont des chefs, des généraux ou des élus. Ce ne sont que des gens comme vous et moi qui s’occupent de leur vie. La question ultime de ces livres est la suivante: à quoi ressemble la vie dans l’espace pour le reste de la population ?
Actusf : Saviez-vous dès le départ que cela deviendrait une trilogie ? Aviez-vous planifié l'intrigue de ces trois romans depuis le début ?
Becky Chambers : Pour commencer, ce n’est pas une trilogie ! Je travaille sur le prochain livre en ce moment. Mais non, je n'avais pas prévu de série lorsque j'ai écrit le premier roman et je ne sais jamais à quoi ressemblera le prochain avant de commencer à l'écrire. Je suis juste les fils du livre précédent que je trouve les plus intéressants.
Actusf : L’humanité n’est pas l’une des espèces principales / centrales de votre univers. C’est inhabituel dans un space-opéra. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?
"Je déteste l'idée que l'humanité est ce autour duquel tourne le reste de l'univers. C’est arrogant et totalement faux, et cette pensée a causé plus de problèmes sur cette planète que je ne peux en compter. "
Becky Chambers : Je déteste l'idée que l'humanité est ce autour duquel tourne le reste de l'univers. C’est arrogant et totalement faux, et cette pensée a causé plus de problèmes sur cette planète que je ne peux en compter. Si nous voulons obtenir le type de cohésion sociale qu’il faudrait pour s’étendre parmi les étoiles, nous devons gagner un peu en humilité. Donc, non, les humains ne sont pas l'espèce centrale dans mes livres, nous ne sommes pas non plus les plus importants, ni les plus avancés. Nous avons une place à table et c’est suffisant.
Actusf : Comme dans L’Espace d’un an (The Long Way to a Small, Angry Planet), nous avons beaucoup de personnages différents dans Archives de l’exode. C'est l'entrée principale de vos trois livres : les personnages.
Becky Chambers : Je suis toujours très franche sur le fait que mon travail repose beaucoup plus sur les personnages que sur l’intrigue. En fin de compte, ce que je veux faire, c'est créer une tranche de vie. Je veux que le lecteur vive vraiment la vie de ces gens et comprenne pourquoi ils croient ce qu’ils font. Je suis partiale, bien sûr, mais je pense que les histoires simples et quotidiennes sont tout aussi importantes que les grandes.
Actusf : Le 1er volet de la série traite de la vie quotidienne des travailleurs ordinaires. Archives de l’exode montre la vie au sein de la Flotte d’exode. Il semble que vous préfériez décrire les gens normaux aux héros…
"C’est contraire à la vraie nature de l’univers, c’est-à-dire qu’il est pour nous tous également. Nous en faisons tous partie. C’est pourquoi je me concentre sur des histoires quotidiennes ordinaires. Je veux faire sentir au lecteur que l’espace leur appartient aussi."
Becky Chambers : Tout à fait ! Cela découle d'un problème que je perçois avec la façon dont nous conceptualisons l'espace, à la fois dans la science-fiction et dans le monde réel. J'adore les grandes aventures héroïques, mais ce sont généralement les seules histoires que nous racontons à propos de l'espace. Nous parlons d’élus, de héros militaires et d’empereurs, et c’est tout. Il existe un parallèle avec cela dans le monde réel. Parmi les milliards de personnes qui ont vécu, seulement un peu plus de cinq cents d'entre nous sont allés dans l'espace. Dans les années 1960, les astronautes constituaient l’élite militaire - le meilleur des meilleurs. De nos jours, les critères applicables aux astronautes sont très différents, mais nous choisissons maintenant l’élite intellectuelle. Et avec l’avènement des vols spatiaux privés, nous allons bientôt ajouter l’élite économique à ce mélange. Tant dans les histoires que dans la réalité, l’espace n’appartient qu’à un petit nombre de personnes sélectionnées. C’est contraire à la vraie nature de l’univers, c’est-à-dire qu’il est pour nous tous également. Nous en faisons tous partie. C’est pourquoi je me concentre sur des histoires quotidiennes ordinaires. Je veux faire sentir au lecteur que l’espace leur appartient aussi.
Actusf : Quelle est la situation à bord de cette flotte humaine au début du roman ? Les humains ne semblent pas être des explorateurs, mais des personnes qui essaient juste de survivre…
Becky Chambers : La Flotte d’exode est une très ancienne communauté de vaisseaux-mondes, qui ont emmené les derniers humains loin de la Terre à la suite de l'effondrement écologique. Leur objectif initial était simplement de survivre, mais les choses ont beaucoup changé au cours du siècle dernier. La flotte a subi des changements rapides après le premier contact avec le Galactic Commons, et ce qui a commencé comme une société complètement isolée et très traditionnelle évolue maintenant vers autre chose. Il y a eu un énorme afflux d’influence extraterrestre - langue, ressources, culture. Archives de l'exode est une immersion dans la façon dont la flotte tente d'adapter un mode de vie qui, à proprement parler, n'est plus nécessaire.
Actusf : Vous avez lié vos trois livres au travers de personnages. Dans Archives de l'exode, nous suivons Tess… qui est la sœur d'un personnage du premier roman. Pourquoi choisissez-vous cette connexion ? Pouvez-vous nous la présenter, s'il vous plaît ?
Becky Chambers : Tessa et Ashby Santoso sont toutes deux nées et ont grandi dans la Flotte d'exode. Ashby est partie pour travailler dans la communauté multi-espèces au-delà de la flotte; Tess resta derrière et poursuivit le mode de vie ancestral de la famille. L’un des plus grands défis auxquels la flotte est confrontée est le nombre de jeunes qui choisissent de partir, et nous comprenons grâce à L'Espace d'un an pourquoi Ashby a fait ce choix. Je voulais explorer le revers de la médaille et Tessa m'a donné les moyens de le faire.
Actusf : Nous suivons également un adolescent, un archiviste, un immigré… Cinq personnages et points de vue. Comment les choisissez-vous ? Un personnage pour chaque sujet que vous souhaitez explorer ?
Becky Chambers : Cela dépend beaucoup du personnage. Quand j'ai commencé à travailler sur ce livre, je savais que je voulais plusieurs points de vue indépendants, mais je devais déterminer quelles étaient les meilleures voix pour cela. J'ai dressé une longue liste de toutes les sortes de personnes que je pouvais imaginer vivre là-bas, puis j'ai choisi celles que je trouvais les plus intéressantes. Les exceptions à cette règle sont Tess, que j'ai choisie en raison de son lien avec le premier livre, et Eyas. Eyas est essentiellement un entrepreneur de pompes funèbres, et j'avais très envie d'explorer les rituels mortuaires de l'Exodan.
Actusf : À propos de sujet, qui est le principal de Archives de l’exode ?
Becky Chambers : Qu'est-ce qui fait qu'une culture mérite d'être conservée ? S'il faut changer pour survivre, est-ce toujours la même chose ?
Actusf : Allez-vous écrire à nouveau dans cet univers? Quels seront vos prochains livres ?
"Comme Archives de l'exode était très centré sur l’être humain, le prochain livre des Voyageurs sera très étrange. C’est tout ce que je peux dire à ce sujet pour le moment."
Becky Chambers : Comme Archives de l'exode était très centré sur l’être humain, le prochain livre des Voyageurs sera très étrange. C’est tout ce que je peux dire à ce sujet pour le moment. Je viens également de publier une nouvelle autonome intitulée To Be Teached, If Fortunate, qui suit une équipe d’astronautes effectuant une étude écologique d’un système exoplanétaire. J'ai également deux nouvelles de solarpunk en route, que je suis en train de terminer. Elles sont très différentes de mon travail actuel. J'aime les histoires dans l'espace et je prévois toujours d'en écrire, mais il est agréable de jouer dans un bac à sable différent pendant un moment.
