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Interview de Laurent Genefort
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Interview de Laurent Genefort

Actusf : Ce qui frappe dans vos romans c’est la présence du même univers en toile de fond :
Laurent Genefort : C’était une volonté dès le départ. J’ai toujours essayé de faire des récits autours d’un thème. C’est pareil pour mes nouvelles. Je n’envisage pas d’en écrire une sans qu’il y ait une deuxième édition en recueil. Toutes les nouvelles que j’ai faites, dans Bifrost ou ailleurs, sont liées autour des habitats dans l’espace. Elles feront l’objet de recueils de 5 ou 6 nouvelles dans deux ans.

Actusf :  Vos romans ont une dimension scientifique non négligeable, vous travaillez beaucoup avec des chercheurs ?
Laurent Genefort : Oui, surtout depuis 5 ou 6 bouquins. J’essaie de donner à mes romans un côté scientifiquement et physiquement plausible. La science fait partie de mes histoires. Mais, ce n’est pas valable pour tous les auteurs. On n'entre pas dans un Bordage comme dans un Greg Bear. Pour Bordage, ce n’est pas grave qu’il y ait des incohérences scientifiques, parce qu’il fait de la science fantasy. Il joue sur d’autres registres de l’imaginaire. C’est comme Star Wars, on se fiche que les lasers aillent à 60 km/h. Par contre, dans les romans de Greg Bear, ou de Benford, l’exigence esthétique passe par là. Moi, j’essaie de me situer entre les deux, c’est à dire ne pas avoir un imaginaire enfermé par la science tout en restant plausible.

Actusf :  La science est une source d’inspiration pour vous ?
Laurent Genefort : Oui, pour l’imaginaire, pas pour la logique du récit. Ce sont les images de la science qui m’influencent, plus que la science elle-même en réalité. Par exemple, la robotique simplifiée. Ce sont les petits robots qui ne coûtent rien, qui sont capables de faire une tâche seulement et qui remplacent les gros robots omnipotents et chers. Ils m’ont donné l’idée de créer les gnats dans Les peaux épaisses, de petits robots qui n’ont qu’une fonction, celle de tuer.

Actusf : Comment se passe la collaboration avec les scientifiques ?
Laurent Genefort : Je passe surtout par internet pour prendre des contacts. Pour le livre, Dans la gueule du Dragon, j’ai contacté un volcanologue, un écosystématicien et un astrophysicien pour m’aider. Mais, ils ne sont pas intervenus dans le processus créatif, il s’agit plus d’une vérification.

Actusf :  Vous avez du changer des choses ?
Laurent Genefort : Oui, beaucoup (rire). C’est là que l’on comprend le nombre d’énormités que l’on dit sans s’en rendre compte ! J’ai du changer des trucs précis, mais pas le scénario. Mais, on est parfois obligé de passer outre. Dans Le continent déchiqueté par exemple, l’action se passe sur un bout de planète. Je sais très bien que ce n’est pas possible, parce que ce monde est trop petit pour avoir une gravité et une atmosphère suffisante pour abriter la vie. Mais, je ne pouvais pas en tenir compte, sinon il n’y aurait pas eu de bouquin... Dans ces cas-là, je me rattrape sur les détails.

Actusf :  Il parait qu’il y a un personnage dans vos romans qui se retrouve de loin en loin. On a cherché sans succès, vous ne voulez pas nous en dire un peu plus ?
Laurent Genefort : C’est toujours un personnage extrêmement secondaire, que l’on retrouve dans très peu de pages des bouquins. J’utilise aussi des anagrammes parfois. C’est un nom en 4 lettres.

Actusf :  Et en ce qui concerne la fantasy, vous avez attendu longtemps avant dans publier, pour quelles raisons ?
Laurent Genefort : La maison d’édition ne voulait pas. La nouvelle de fantasy qui est parue dans Ozone, je l’avais écrite à 20 ans, il y a donc un petit bout de temps. J’ai une culture fantasy comme une culture SF. Maintenant que les portes sont ouvertes, j’en écrirai régulièrement. Ecrire de la fantasy, c’est un peu la récrée pour moi, entre deux bouquins sérieux de SF. Le but, c’est de faire des livres fun, avec du punch et de l’imagination.

Actusf :  Est-ce que vous travaillez avec les illustrateurs de vos romans ?
Laurent Genefort : Oui, toujours. J’ai commencé avec Mandy pour mon premier bouquin. Je lui ai fait des croquis et il a choisi pour faire ce que je considère comme sa plus belle couverture. Ensuite, il y a eu Sophie Evrard, qui, lorsque je lui faisais des croquis, savait exactement ce qu’elle ne voulait pas faire, ce qui a conduit à son éviction. Ses dessins n’allaient pas et elle s’est fait refuser la couverture Des peaux épaisses. Jean Jacques Chaubin s’est alors retrouvé avec le projet sur les bras. Il a dû la faire en 48 heures, juste avant la sortie du roman au fleuve noir. Depuis, on a sympathisé et pour chaque bouquin, je lui faisais 4 ou 5 croquis. Mais, mon cas reste une exception. Très peu d’auteurs travaillent avec les illustrateurs, sauf cas particulier comme Ayerdhal, qui a imposé à J’ai Lu le dessinateur Gilles Franscescano.

Actusf :  On a retrouvé une interview qui est parue dans le numéro 0 du fanzine Ozone (qui est devenu Science Fiction Magazine, voir numéro précédent), en janvier 1996, dans laquelle vous aviez plein de projets. Il y avait un roman pour les enfants, un polar futuriste, un roman fantastique et un psychokiller, que sont-ils devenus ?
Laurent Genefort : Ils sont tous passés à la trappe pour différentes raisons. Il n’y a que le psychokiller, dont j’avais écrit une centaine de pages, que je vais peut-être recycler dans un prochain roman.

Actusf :  Toujours dans cette même interview, vous citiez un certain nombre d’influences, comme Farmer, Vance, Herbert, Wul et Brussolo. Aujourd’hui, vous avez envie d’en rajouter à cette liste ?
Laurent Genefort : Oui, Dan Simmons, Bruce Sterling, et puis, tous les auteurs classiques de Brown à Asimov. Je ne peux en oublier aucun. Dans les nouveaux, Le cycle de la culture de Ian Banks a été une claque phénoménale. Il y a Dantec aussi avec Les racines du mal. Sinon, que j’aime beaucoup Andrevon et Pelot. Et puis, il y a aussi des auteurs comme Russel, qui m’ont beaucoup marqué, même s’ils ne sont pas considérés comme des auteurs majeurs.

Actusf :  En 1995, vous avez reçu le grand prix de l’imaginaire pour Arago, avec le recul, que vous a apporté ce prix ?
Laurent Genefort : Rien du tout (rire)... Sans commentaire, ça ne sert à rien. Bon, peut être qu’aujourd’hui il est un peu plus utile, mais à l’époque, personne ne parlait de la SF française. Ce prix était plus une sorte d’encouragement qu'une récompense liée à un bouquin en particulier.

Actusf :  C’est plus facile d’être un auteur de SF aujourd’hui qu’il y a 4 ans ?
Laurent Genefort : Oui, en ce qui me concerne, j’ai eu ma première interview après avoir publié 4 ou 5 romans, et c’était pour un fanzine. Aujourd’hui, n’importe quel auteur a un dossier dès son premier roman. Un jeune peut s’imposer en un mois, c’est ce qui arrive à Hervé Jubert en ce moment. Mais, la SF reste la dernière forme de Paralittérature. Elle est hors média, et surtout, elle est absente de toute l’institution jeune. Ca fait longtemps que Libération ou les Inrockuptibles ne font plus de chroniques sur les bouquins de SF.

Actusf :  Est-ce que la SF évolue quand même ?
Laurent Genefort : En fait, la SF bouge depuis 2 ans. Le genre s’est renouvelé par le haut et par ce que j’aime, le Space Opéra. Lorsqu’on lit Hyperion ou le Cycle de la culture, on se retrouve à nouveau dans les étoiles, c’est cool. C’est un genre qui avait disparu depuis les années 60.

Actusf :  Et dans le milieu français, comment ça se passe ?
Laurent Genefort : Aujourd’hui, on est face à une situation inédite. Avant, chaque decénie de la SF française était dominé par un auteur. Il y a eu l’époque Wul, Jeury, Brussolo... Dans les années 90, on est revenu à une situation plus saine. Il n’y pas un auteur qui se dégage du lot, mais il y a un petit pool d’auteurs, chacun dans des domaines très différents. Lehman fait du Lehman, Wagner fait du Wagner, Ayerdhal fait du Ayerdhal... On a chacun une trajectoire particulière. On ne peut pas vraiment nous comparer. C’est aussi pour cette raison que l’on ne peut pas parler de mouvement. Il y en a autant que d’auteur. La SF est vaste et peut accueillir beaucoup de monde.

Actusf :
  La SF survivra-t-elle à l’an 2000 ?
Laurent Genefort : Evidemment, elle survivra. Mais, il y aura certainement un tassement. L’embellie va durer jusqu’en 2003-2004. On ne peut pas stopper brutalement cette dynamique. Il n’y aura pas d’effondrement en 6 mois, surtout qu’il existe aujourd’hui une gamme de collections suffisamment grande pour contenter tous les lecteurs. Cette gamme est peut-être même trop grande. L’après 2000 ce sera un écrémage des collections les plus fragiles, les plus opportunistes, créées par des éditeurs qui se moquent éperdument de la SF mais qui ont compris qu’elle se vendait bien. Ils laisseront tomber dès que les ventes baisseront un peu. Ne resteront que les 3-4 collections d’éditeurs qui sont vraiment intéressés par la SF.

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