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Les coups de coeur de Jean-Luc Rivera - Septembre 2010
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Les coups de coeur de Jean-Luc Rivera - Septembre 2010

Starfish de Peter Watts

Je viens de terminer la lecture de "Starfish" de Peter Watts (Fleuve Noir) qui a été un grand moment de lecture de SF: comme dans "Vision aveugle", de la hard science comme on l'aime, toujours précise et documentée mais jamais ennuyeuse. Dans un futur proche peu avenant, sur une Terre où les rivalités nationales et entre grands consortiums industriels concourent avec les désastres écologiques pour ravager la planète, nous suivons l'évolution physique et psychologique d'une équipe employée sur une station produisant de l'électricité au bord d'une faille du Pacifique, par 4000 mètres de fonds. Les hommes et les femmes ont été modifiés tant dans leur chair que dans leur esprit afin de pouvoir évoluer à ces profondeurs, après avoir été soigneusement sélectionnés en fonction de leurs caractères "déviants". Et l'auteur nous plonge ainsi dans un jeu superbe de miroirs où, grâce aux technologies de pointe de la cybernétique et de la psychologie, rien n'est ce qu'il semble être. Peter Watts nous offre une vision effrayante de l'évolution de nos technologies actuelles et de nos sociétés, une réflexion passionnante sur ce qui est aujourd'hui au coeur des débats sur les biotechnologies et les développements du "hardware" informatique, mais aussi sur les dangers d'une science sans grande conscience.
Ce volume s'achève littéralement de manière apocalyptique, nous faisant impatiemment attendre la suite de cette trilogie des "Rifters", déjà complète en anglais.
 
Jean-Luc Rivera


Chevaucheur d'Ouragan
de Sam Nell

Je viens de terminer "Chevaucheur d'Ouragan" de Sam Nell (collection Icares, Mnémos): premier roman de l'auteur, il faut saluer son imagination et son écriture !
C'est là un très beau roman de fantasy nous contant le conflit, aux confins de l'empire d'Atlantys, entre Atlantes, Minotaures, sorciers-pyromants et autres protagonistes pour la possession d'un artefact à la puissance incommensurable. Sam Nell met en scène des personnages attachants et complexes comme le Prince Vortex Trestan Vortigern, Chevaucheur d'Ouragan et commandant d'un avire atlante (un vaisseau aérien), Abel de Tyr, son chroniqueur, Arkange cyclonide et d'autres inquiétants comme Albion l'Apatride ou le sorcier Drago Ilianar, des créatures de toutes sortes y compris des forces élémentaires tout à fait originales, tous pris dans un enchevêtrement d'intrigues et d'intérêts contradictoires, qu'ils soient personnels ou nationaux - qu'ont fait les Onze Félons pour le devenir, que veulent les passagers inconnus et invisibles de l'avire du Prince, quel but poursuit Minos le bâtisseur de la Grande Muraille -. L'histoire, se déroulant dans des paysages grandioses bien dépeints par Sam Nell - on n'oubliera pas de sitôt l'architecture minotaure ou l'observatoire d'Ar-Zalaach -  et qui nous font rêver, se révèle absolument passionnante. L'auteur fait preuve d'une imagination très poétique pour caractériser ses personnages: Drago Ilianar "qui marchera sous la pluie des météores" ou les grandes maisons atlantes, toutes nommées après des phénomènes atmosphériques - ceux-ci jouent d'ailleurs un grand rôle dans le roman et certains sont mêmes des personnages !

Ce roman a des envolées que je n'avais pas trouvé depuis longtemps chez un auteur français de fantasy et une écriture fort agréable, une clarté d'exposition permettant de bien suivre le fil des intrigues malgré leur complexité. Bref, une belle réussite pour un coup d'essai ! J'attends maintenant avec impatience de savoir qui sont les marionnettistes se cachant derrière le paravent de la "constellation du Serpent Borgne"...
 
Jean-Luc Rivera
 

Stratégies du réenchantement de Jeanne-A Debats

Avec (Griffe d'Encre Editions, juin 2010), recueil de nouvelles, Jeanne-A. Debats confirme, si besoin en était, la place particulière qu'elle occupe grâce à l'élégance de son écriture et à la finesse de ses histoires. Bien qu'étant plutôt un amateur de romans qu'un lecteur de nouvelles, j'ai lu avec beaucoup de plaisir les 8 nouvelles d'inégale longueur de cet ouvrage, couvrant aussi bien la SF que la fantasy ou le fantastique. Les nouvelles de SF, que ce soit celle qui donne son titre au recueil ou celles intitulées "Fugues et fragrances au temps du Dépotoir" et "Paso Doble" ou la brève "Nettoyage de printemps" font preuve d'un humour caustique souvent déséspéré - le futur n'est pas très gai... "Gilles au bûcher" est un pur chef d'oeuvre, l'auteur mélangeant allègrement tous les genres, avec une chute excellente bien qu'un peu trop appuyée... Mon favori est sans doute ce petit bijou d'humour noir "décalé" qu'est "Saint-Valentin", belle histoire d'amour entre serial killers petits bourgeois, tueurs de créatures fantastiques diverses.
Un joli recueil à lire en cette rentrée morose !

Jean-Luc Rivera



Les continuateurs de "Harry Dickson"
 
Tels les admirateurs de Conan Doyle, qui ont continué et rendu hommage à son oeuvre en se concentrant sur des aventures inédites de Sherlock Holmes, ceux de Jean Ray, le grand écrivain gantois, ont poursuivi les enquêtes du Sherlock Holmes américain, Harry Dickson. L'ironie qui n'échappera à personne est que ce sont des textes non signés, publiés de manière anonyme en fascicules, qui lui ont assuré l'immortalité littéraire...
 
Bien entendu, le premier grand continuateur est Gérard Dôle (plusieurs volumes chez Terre de Brume). Nous avons aussi les belles BD scénarisées par Richard Nolane et dessinées par Olivier Roman chez Soleil: 13 volumes qui se lisent avec un plaisir sans mélange.
 
Mais à un niveau littéraire, nous assistons en ce moment à deux tentatives couronnées de succès.
 
J'ai lu il y a quelques mois le livre de Brice Tarvel - connu déjà pour plusieurs romans dans la collection et une belle série malheureusement prématurément interrompue au Fleuve Noir -, intitulé "Les dossiers secrets de Harry Dickson Tome 1 (Editions Malpertuis, donc chez l'éditeur idéal !) et qui comprend deux nouvelles: "la main maléfique" et "L'héritage de Cagliostro".
On y retrouve tout à fait, dans la 1ère nouvelle, l'atmosphère "rayenne" du Londres quasi-victorien, pluvieux et glauque à souhait, avec ses crimes mystérieux, ses vieilles filles apparemment sans histoires et ses monstres cachés, le tout, dans le style d'écriture à la fois précieux et populaire de Jean Ray, fort bien rendu. La 2ème nouvelle se déroule en Bretagne - n'oublions pas que Harry Dickson est fréquemment venu aider la police de notre pays et qu'il parle parfaitement bien le français - sur fonds de savant génial et d'invention révolutionnaire attirant tout un monde inqiétant.
Le lecteur sent que Brice Tarvel est vraiment imprégné de l'oeuvre de Jean Ray et la rend à la perfection. une seule différence avec les aventures originales: ici, "l'occulte" existe vraiment, il n'y a pas forcément d'explication "rationnelle" en fin d'histoire.
Vivement la parution du Tome 2 qui est en cours d'écriture !
 
L'autre hommage récent à Jean Ray et à Harry Dickson, est poussé au point d'être publié en fascicules à l'ancienne, numérotés à partir du n° 181 - suivant donc la numérotation des livraisons d'avant-guerre -, dans un format identique, avec une illustration de couverture attirant bien l'oeil !
Les histoires, écrites par Robert Darvel, font de nombreux clins d'oeil à certaines références "rayennes": une aventure est intitulée "le ministère du grand Nocturne". Tous les titres sont intrigants à souhait, comme "Le Baal des psychonautes" ou "Le secret de la pyramide invisible".
Là aussi, l'auteur et éditeur, Robert Darvel, s'est imprégné du style de Jean Ray et nous propose des histoires à la manière de...On y retrouve le charme d'un vocabulaire parfois désuet, les descriptions de repas comportant des plats nous paraissant souvent curieux (où peut-on, de nos jours, manger encore des sarcelles ou des ortolans ?), bref, là aussi, toute l'atmosphère d'une Angleterre petite-bourgeoise dont la tranquillité et la placidité apparente cache des secrets aussi inavouables que monstrueux. A la différence de Brice Tarvel, suivant en cela la tradition de Jean Ray, l'explication finale se révèle plus ou moins "prosaïque";
Les 8 fascicules déjà sortis aux Editions du Carnoplaste (clin d'oeil à Gustave le Rouge et au "Mystérieux Docteur Cornélius") sont une belle réussite !
 
Deux auteurs donc à découvrir par tous les amateurs de Harry Dickson !
 
Jean-Luc Rivera

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