Cette année est décidément placée sous le signe de la belle et unique humaine de Sillage. La parution de ce dernier opus de ses aventures est accompagnée d'une grosse campagne de publicité : annonces dans les journaux, affichage dans le métro… L'héroïne Nävis devient très parisienne puisqu'elle figurait sur les affiches du Festival de la Bande dessinée de juin 2003. Au fur et à mesure des albums, les auteurs ont su faire de la série une des bandes dessinées phare de chez Delcourt et ériger leur personnage en figure incontournable de la BD de science-fiction. Le succès est peut-être du au fait qu'ils aient conquis un public à la fois masculin et féminin grâce à un personnage fort et charismatique qui renouvelle agréablement le monde très viril de la S-F en cassant tous les préjugés.
Guerre des tranchées et féminisme
Le vaisseau de Nävis a été saboté alors qu'elle se rendait à la prison de Robwund. Elle se pose en catastrophe avec Snivel sur une planète inconnue où la guerre fait rage. Le peuple Gunjinn se défend difficilement contre les Mekkas, robots dirigés par une seule intelligence artificielle qui s'est rebellée. Le vaisseau de Nävis et Snivel tombent entre les mains de l'A.I. tandis que Nävis, après avoir sauvé un soldat, est emmenée à l'arrière des lignes de front retrouver sa vraie place de Hembra : derrière les fourneaux. Les hommes profitent du conflit, qui est une réminiscence de la Première Guerre Mondiale et de ses tranchées, pour enfermer les femmes et les confiner dans des tâches de servantes. Nävis aura bien du mal à se faire à son nouveau statut de femme d'intérieur.
Un bon tome de transition
Selon un rythme que les auteurs semblent s'être imposés, l'action de ce sixième tome se passe sur une planète et non sur Sillage comme le tome précédent. Elément nouveau pour cet opus, l'histoire, mis à part l'incipit qui permet de comprendre comment Nävis atterrit sur cette planète inconnue, est totalement détachée de la recherche identitaire de la belle humaine ou des missions " diplomatiques " que les dirigeants de Sillage lui confient. Morvan et Buchet semblent avoir voulu faire une pause avant de reprendre le fil de leur intrigue principale qui verra certainement la résolution des mystères qui entourent l'origine de Nävis. L'album est donc un one shot qui brasse beaucoup d'idées sans réellement les approfondir, mais qui, du coup, évite le piège du tome 5 dans lequel le lecteur pouvait avoir l'impression de lire une dissertation dont le matériau argumentatif était mal maîtrisé. Dans les thèmes abordés citons en vrac le combat de l'homme et de la machine, l'horreur de la guerre en général et de celle de 14-18 en particulier qui a transformé, plus que toute autre, l'homme en chair à canon, la relativité de la beauté, l'oppression masculine et l'émancipation de la femme… Au niveau du dessin, Buchet sait gérer les moments de dramatisation et de tension, tout en introduisant de temps en temps des scènes plus légères et drôles où la fière combattante qu'est Nävis se transforme, contrainte et forcée, en fée du logis. Il n'y a qu'un pas pour faire de la petite humaine la porte-parole de la lutte féministe. Elle a encore imperceptiblement changé et ses prises de position sont également le reflet de sa maturité nouvelle. C'est une série toujours aussi agréable à suivre et qui détonne singulièrement dans le paysage de la BD de science-fiction.
La chronique de 16h16