Et si … ?
Et si Hemingway ne s’était pas suicidé ? Et si la déroute de la Baie des cochons n’avait pas eu lieu ? Autant de possibilités qui donnent à l’auteur assez de liberté pour réécrire l’Histoire.
Un beau matin de 1961, Hemingway est interrompu en plein suicide par un ami qui lui apprend qu’il y a un débarquement à Cuba… Une idée commence à faire son chemin en lui. Il décide de partir dans la jungle pour réaliser l’ultime interview de sa carrière, celle du Che et de Fidel Castro. Malheureusement, le vieil écrivain ronchon découvre qu’on lui a collé un chaperon en la personne du photographe Ronald Hooper, qu’il soupçonne aussitôt… Et il a raison ! Son accompagnateur est en fait un agent de la CIA, Robert Stone, qui a pour mission d’empoisonner la nourriture de Fidel et du héros de la révolution…
Dans la brousse avec Hemingway !
Christophe Lambert réussit le tour de force d’allier un contexte historique solide à de bonnes scènes d’actions captivantes. En effet, pas besoin d’être une bête en Histoire pour apprécier le récit. D’ailleurs, une fois les présentations des personnages faites, l’intrigue démarre très rapidement.
Nous suivons d’un côté Hemingway et Stone qui doivent museler leurs forts caractères pour survivre dans la jungle cubaine, et le jeune Nestor, un vrai reporter celui-là, qui marche avec les guérilleros et côtoie ainsi le Che et Fidel. Tous se retrouveront en danger, Nestor car il a vu des choses qu’il n’aurait pas dû voir, et Stone et l’écrivain car ils sont des Américains en pleine guérilla cubaine. Le roman progresse ainsi entre survie dans la brousse et horreurs de la guerre – il y a de nombreuses scènes d’exécution – et la lecture se révèle très agréable grâce au talent de Lambert pour camper ses personnages.
L’auteur évoque ainsi un Che charismatique, sans pour autant passer sous silence son côté sanguin. Hemingway, lui, est l’archétype du vieil emmerdeur si attachant, que même Robert Stone n’arrive pas à le détester ! Même si l’auteur ne prend jamais parti, le personnage de Fidel est peut-être un des plus antipathiques, tant il est obsédé par son pouvoir. D’ailleurs, les rapports entre les deux grands chefs sont très intéressants et toujours pleins de tension.
Également, grâce aux travaux de documentation de l’auteur, on découvre des anecdotes sur la vie de ces grands hommes, la plus drôle étant celle de Castro qui a été jusqu’à truquer un concours de pêche pour se faire remettre le trophée des mains d’Hemingway qu’il adorait !
Il n’y a pas que les grandes pointures de l’Histoire ! On adore suivre les personnages secondaires, comme le jeune Nestor qui va découvrir que l’on peut manipuler des images, ou l’agent de la CIA, complètement désabusé, qui va pourtant se remettre en question en côtoyant l’écrivain. Malgré leurs points de vue opposés, les deux passent du temps à parler philosophie et à échanger leurs visions de l’humanité, et de la vie en général.
Un fort dépaysement, des personnages bien vivants et pas mal d’action, la lecture se révèle donc très agréable… avec peut-être un petit bémol pour le dénouement, un peu trop rapide.
À la toute fin de l’ouvrage, nous découvrons un petit dossier écrit par l’auteur, bourré d’infos passionnantes sur son écriture. Comment il s’est documenté, ses sources d’inspiration, des précisions sur son style… voilà autant de raisons de faire durer le plaisir !