Ayerdhal est un auteur incontournable de la SF francophone. Il a écrit plus de vingt romans dont Mytale (1991 réédition en 2010 au Diable Vauvert), Demain une Oasis (1992 réédition en 2006), Grand Prix de L'Imaginaire 1993. Bastards (2014) qui a obtenu le Prix Rosny Ainé 2015 et Rainbow Warriors (2013) qui a obtenu, entre autres à titre posthume le Prix du roman gay 2015. Il est mort emporté par le cancer en octobre 2015. Les Aphorismes bohêmes sont des extraits du premier roman d'Ayerdhal La Bohême et L'Ivraie (1990 et réédition en 2011), un space opera qui réfléchit notamment sur la place de l'individu et le rôle de l'Art dans la société.
Pourquoi une telle édition ?
Extraits de l’ouverture des chapitres de La Bohême et l’Ivraie, rassemblés ici, les Aphorismes bohêmes composent un florilège d’une puissance et d’une actualité stupéfiante, une pensée politique vivante et toujours fertile pour penser l’humanité. Cet ouvrage est préfacé par Patrick K. Dewdney qui apporte sa vision et sa réflexion personnelle sur l'auteur.
Des réflexions encore d'actualité
Cet ouvrage, qu'on soit bien clairs là-dessus, s'adresse avant tout et surtout aux amateurs et fans inconditionnels d'Ayerdhal. Au Diable Vauvert a ainsi profité de la date d'anniversaire de la disparition de l'auteur (5 ans en octobre 2020), couplée à cette période on ne peut plus particulière de pandémie mondiale et des répercutions qu'a celle-ci sur notre quotidien et nos libertés pour nous remettre en lumière ces aphorismes politiques extraits de son premier roman. Un choix éditorial stratégique on ne peut plus judicieux, il faut le reconnaître.
L'ouvrage est vraiment beau, il s'agit d'un parfait livre objet dont peuvent se vanter les acquéreurs qui l'exhiberont ainsi dans une bibliothèque soignée, accompagnée des autres ouvrages de l'auteur .
Et on en arrive à la chronique en tant que tel. Le plus difficile. Ce n'est pas un ouvrage qui se résume à la légère, le mieux, c'est probablement de lire ou de relire l'auteur (c'est indispensable afin d'appréhender sa pensée critique et ses réflexions politiques). Si vous n'avez toujours pas lu Ayerdhal en 2021 ne vous inquiétez pas. Patrick K. Dewdney reconnaît lui-même qu'il ne l'avait pas lu avant de signer chez au Diable Vauvert en 2017, et ça ne l'a pas empêché de faire une préface vraiment intéressante de son approche et ses similarités avec Ayerdhal. Moi-même j'ai eu bien des occasions de reporter la lecture à plus tard pour finalement tomber sur Mytale et pouvoir ainsi me sentir capable de faire correctement cette chronique.
Ayerdhal était un auteur de SF mais pas que. Ses ouvrages sont nourris d'une pensée critique de remise en cause d'une société établie. On parle de lui comme d'un libertaire, un anarchiste. Et ces aphorismes rendent assez bien compte de sa pensée. Ils se lisent un peu comme un mantra, une page après l'autre, on lit et on relit le paragraphe à voix haute si nécessaire pour s'imprégner de ses réflexions. J'ai pu faire ainsi en faire l'expérience, et cela rend le texte encore plus puissant. D'autant que les tournures et le vocabulaire étant parfois assez ardus, il ne se lit pas à la légère, mais se contemple et s'apprécie en prenant son temps.
Alors, livre dispensable ou non ?
La culture est-elle dispensable, elle ? Sert-elle à quelque chose ? On parle aujourd'hui de commerces et de métiers essentiels ou non, laissant de côté à "plus tard" une grande partie de la culture qui nous manque tant. De nos rencontres avec les auteurs et les artistes que nous apprécions et des événements qui nous rassemblent afin de partager nos passions. J'ai envie de dire que cet ouvrage a sa place comme d'autres. Mais il faut avoir lu Ayerdhal avant, c'est tout.