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Babel

Denis Bajram (Scénariste, Dessinateur, Coloriste)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 31/08/2004  -  bd
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Babel

Rares sont les séries au cours étendu à travers le temps et dont on admet qu'elles ne faiblissent pas, en intensité, ou en richesse (: qualité, nouveauté, etc...) graphique ou scénaristique. C'est pourtant ce que l'on s'accorde à reconnaître à Universal War One (UW1) de Denis Bajram. Six ans après La Genèse (UW1-1), Babel constitue le cinquième et avant-dernier tome de cette fresque science-fictionnaire saluée par la critique et consacrée par le public. Dessinée dans pas moins de quatre ateliers différents, UW1 sera sans doute terminée à Bruxelles, dans l'atelier de l'étuve créé par Bajram et Mangin, et qui a déjà vu éclore Le Déluge (UW1-4) et le tout récent Babel. Une nouvelle stabilité géographique qui a permis l'épanouissement total du talent de ce prodige de la planche à dessin qui nous offre ici son oeuvre la plus aboutie à ce jour.

"Imaginons que l'espace-temps est ce hublot"

Lorsqu'ils émergent du wormhole, les quatre rescapés de l'escadrille Purgatory sont bien loin d'imaginer que le déluge vient de s'abattre sur le monde qu'ils connaissaient. Dans un fol engrenage, les Compagnies Industrielles de Colonisation ont finalement mis leur plan à exécution, provoquant la mise en action du wormhole. Une action qui aura eu pour effets notables de rejeter la navette de nos héros à des éons dans l'espace et dans le temps. Ainsi, lorsqu'ils regagnent le voisinage du système solaire, ils sont fait prisonniers par la milice armée des CIC, et découvrent que la Terre a été anéantie, non pas deux jours auparavant, mais bien trente ans plus tôt!

Catapultés dans un futur effrayant où les CIC règnent en maître et appliquent leur doctrine para-militaire depuis leur base spatiale, les membres de l'escadrille Purgatory jouent leur va-tout. Mais la tentative d'évasion de Mario tourne mal signant l'arrêt de mort de June sa bien-aimée, et le sien. Tandis que ravagé par le remords et la responsabilité, Kalish, l'inébranlable cerveau du groupe, met fin à ses jours...

"Alors bienvenue dans un univers de merde..."

Folle gaieté dans ce cinquième tome: certes l'on retrouve Amina et Milorad "trente ans après", mais pour ce qui est des rescapés de Purgatory, un sale temps règne et prélève trois nouvelles vies en ce seul opus. Ce cinquième volume donne un peu l'impression de nous préparer au dénouement: la Terre ayant été détruite, les paradoxes temporelles semblant résolus, on attend, on se méfie... Babel est donc un peu comme la dernière respiration de l'apnéiste avant de plonger dans les abysses: symétrique mais pourtant plus longue, plus profonde que toutes les autres. Aiguisée par la conscience que l'on approche du but. Un but auquel Kate von Richburg semble destinée...

Universal War One offre des tas d'opportunités d'extrapolations, établit des liens tantôt évidents, tantôt cryptiques, à la manière dont nos yeux tracent des lignes invisibles au sein des constellations. Dans Babel, on est ainsi tenté d'établir le parallèle entre les explications de Kalish sur la physique sidérale étayées par les dessins naïfs du personnage, et l'activité réciproque d'un Bajram, qui n'est pas physicien nucléaire et dont le propos paraîtra sans doute d'une naïveté déconcertante aux spécialistes de ce domaine (par exemple les bulles étanches d'espace-temps...), mais qui, en attendant, reste un putain de dessinateur doublé d'un foutu scénariste!

Techniquement irréprochable

Cet album, édité pour la première fois en édition de luxe en noir et blanc, est l'occasion pour Bajram de faire encore un bond en avant technique: rares sont les albums qui montrent une telle qualité d'encrage, une telle maîtrise des ombres. Tout un pan nouveau du talent de Bajram nous apparaît à travers les pages de Babel, qui profite également au travail des nuances (et une certaine forme de "sobriété mesurée"). La finesse du dessin, la régularité des traits atteignent ici un niveau qui était sans doute la seule limite au talent de l'auteur, pourtant énorme*. Les planches spatiales sont également dignes des plus beaux clichés de la NASA. Ajoutons encore à cela une mise en couleurs plus dense et plus maitrisée, et l'on mesure les progrès accomplis par l'auteur au cours des trois dernières années, même depuis l'excellent Déluge (UW1-4). Cela nous laisse présager un final de toute beauté. Chapeau l'artiste !

* L'occasion de saluer au passage Mathieu Lauffray, compagnon de toujours de Bajram, et salué par ce dernier pour ses talents de dessinateur et d'encreur.

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