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Bianca

You (Dessinateur), Alexine (Scénariste), Elvire De Cock (Coloriste)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 28/02/2010  -  bd
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Bianca

C'est après avoir mené une carrière de commerciale qu'Alexine est venue à la bande dessinée. Elle change de voie professionnelle dans les années 2000 après sa rencontre avec Didier Crisse (le créateur de la série Kookaburra), dont elle deviendra l'agent. Elle franchit aujourd'hui le pas de l'écriture en signant le scénario de Bianca, bande dessinée mise en images par You. Cette dernière est une dessinatrice autodidacte – ou presque, puisqu'elle a suivi quelques formations en graphisme et illustration –  qui possède déjà à son palmarès quelques albums chez différents éditeurs. Quant aux couleurs de l'album, elles sont signées Elvire de Cock, artiste qui a fait ses premiers pas dans le monde professionnel de la BD, son diplôme de l'Institut Saint-Luc en poche, aux Humanoïdes Associés (pour la série Tir Nan Og). Les amateurs de littératures de l'Imaginaire connaissent son travail sur la couverture du roman Arachnae de Charlotte Bousquet.

Intrigues ensorcelantes à Venise

Bianca est le premier album d'une nouvelle collection lancée par les éditions Dupuis. Intitulée Sorcières, ce nouvel ensemble de bandes dessinées, dont chaque volume sera indépendant, met en scène des femmes dotées de talents particuliers et dont le destin l'est tout autant. Alexine et You nous transportent, avec Bianca, à Venise. Nous y faisons la connaissance d'une jeune femme intrépide en conflit avec sa grand-mère, qui dirige la famille Santinoni d'une main de fer. La vieille dame, il faut le dire, est dotée d'une solide ambition : celle de rétablir la puissance passée de sa dynastie. Cette dernière, en effet, est riche d'une tradition ésotérique détenue par ses femmes. Malheureusement, il n'y a plus de sorcières dans la famille. À moins que Carmine, la benjamine, ne soit celle par qui les Santinoni redeviendront les détentrices de pouvoirs occultes...

Une bande dessinée plaisante, sans plus

La figure de la sorcière est des plus communes. Avec la série Sorcières, Dupuis laisse la parole à des artistes qui veulent contribuer « à la réhabilitation sociale, politique et culturelle » de ce personnage de contes et légendes. Il est vrai que souvent, les jeteuses de sorts y jouent un rôle négatif.
Dans Bianca, les choses ne sont toutefois pas vraiment différentes. Mettant en scène une matriarche vénitienne prête à tout pour faire de sa petite-fille une sorcière, la bande dessinée d'Alexine et You ne fournit pas une image reluisante du personnage. Bien sûr, c'est la principale protagoniste – qui donne son nom au volume – qui est chargée de redorer le blason des sorcières. La jeune femme est jolie, intrépide, irrévérencieuse et amoureuse. De quoi faire la joie des lectrices – et éventuellement des lecteurs s'ils réussissent à s'identifier au personnage principal – qui assisteront à son « combat », d'abord de principe mais finalement vital, avec une tutrice venimeuse, à l'ambition démesurée.

On lit donc Bianca sans s'ennuyer. Ce n'est pas pour autant que la bande dessinée nous passionne. Les personnages, même s'ils sont sympathiques, n'ont pas une grande profondeur. Malgré leur petit nombre, Alexine ne réussit qu'à les dégrossir, échoue à leur donner une consistance. Le seul personnage masculin de la BD, Gabriele, est un piètre faire-valoir qui confirme que dans cet album – dans cette nouvelle série ? – le sexe fort est bien le féminin. Voilà qui correspond cela dit à l'idée qu'on peut avoir d'une collection mettant en avant des personnages du sexe « faible ». Le respect de l'image de la sorcière passe par celui de la femme, au moins Alexine le montre-t-elle.
Le déroulement de l'histoire est pour sa part relativement complexe, même si le lecteur en a vite compris les tenants et les aboutissants. Et pour cause : dès qu'il découvre, page sept, que Bianca n'est pas la petite fille de l'illustration de couverture, il sait de quoi il retourne. Ne lui reste alors plus qu'à laisser filer l'histoire sans se perdre dans les méandres d'une intrigue dont la complexité apparaît comme superflue.

À l'opposé du scénario compliqué signé Alexine, répondent les dessins de You, d'un style simple et classique. La dessinatrice démontre un certain talent dans le maniement du crayon, bien que la qualité des planches soit inégale. Si son coup de crayon est plutôt maîtrisé, il n'en est pas de même pour ce qui est de la mise en scène. Les pièces des maisons, comme les rues d'une Venise en plein carnaval, semblent vides, habitées seulement par quelques pièces de mobilier et une poignée de personnages qui hantent une ville apparemment désertée. Nous passerons également les quelques anachronismes disséminés ici ou là : réverbères qui ne devraient apparaître qu'au XIXe siècle, costumes de carnaval flamboyants quand ils devaient à l'époque avoir l'air rapiécés pour rendre riches et pauvres indifférenciés, et cætera.
Heureusement, la bande dessinée est un art qui met principalement en jeu trois spécialités. La troisième étant la colorisation. Avec Bianca, Elvire de Cock prouve encore une fois qu'il ne faut pas oublier l'importance du coloriste. Son travail est impeccable, plongeant les décors dans des jeux d'ombres et de lumières qui donnent l'atmosphère attendue pour chaque scène, qu'elle soit sereine ou au contraire pesante.

Avec Bianca, la collection Sorcières ne débute pas en flirtant avec l'excellence. Alexine et You ne déméritent pas, mais on sent qu'elles réalisent là une de leurs premières bandes dessinées. Gageons qu'elles feront mieux que de simplement divertir le lecteur avec un prochain album, et que la nouvelle collection de Dupuis sera plus enthousiasmante avec ses prochains tomes.

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