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Bifrost 61

Olivier Girard (Redacteur en chef), Manchu (Illustrateur de couverture), Thierry Di Rollo ( Auteur), Peter Watts ( Auteur)
Langue d'origine : Français
Date de parution : 31/12/2010  -  livre
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Bifrost 61

Avec ses 61 numéros et ses 15 ans d'existence (en avril prochain) Bifrost est la principale revue d'Imaginaire en France avec Galaxies. Ce nouveau numéro était triplement attendu : d'abord pour les incontournables Razzies, le "prix du pire", qui a de nouveau cette année fait couler beaucoup d'encre, ensuite pour les nouvelles publiées, un nouveau texte de Thierry Di Rollo et la nouvelle L'île de Peter Watts qui a eu le prix Hugo, enfin pour le dossier "La Science-Fiction : questions et perspectives…".

Les nouvelles et le dossier.

Commençons par les deux fictions publiées dans Bifrost. La première d'entre-elle, L'île, nous entraîne aux confins de la galaxie dans un vaisseau spatial qui rencontre une drôle d'intelligence sur son chemin. Il s'agit d'une sorte de huis clos entre la principale protagoniste et un avatar "humain" de l'ordinateur de bord. C'est l'occasion pour l'auteur d'explorer des formes de vie étonnantes et d'évoquer une nouvelle fois ce qui nous rend humain mais aussi de parler d'exploration spatiale et des conflits d'intérêts entre le scientifique et l'économique. C'est également l'occasion pour Peter Watts de nous offrir quelques images vertigineuses à défaut d'un suspens passionnant.

L'autre nouvelle est de Thierry Di Rollo. Elle met en scène un personnage immortel qui rend visite à un scientifique pour parler de la théorie de la singularité. Au-delà de l'aspect scientifique, ce texte évoque les liens entre immortalité, humanité et personnalité. Son personnage apparaît comme froid, incapable de comprendre le fils du scientifique et d'avoir le moindre sentiment humain. Il commettra d'ailleurs l'irréparable. Un texte étonnant dont les thématiques rejoignent par moment celles de Peter Watts, et qui vaut son dénouement. A lire.

La Science Fiction en France en question

Le cahier critique est le gros morceau de ce numéro 61 de Bifrost. Après la très bonne interview de Pierre Cassou-Noguès à propos de son livre sur les rapports entre Philosophie et Fiction (et donc science-fiction ici), la revue propose un dossier censé faire un état des lieux de la science-fiction en France, partant du principe que nous traversons une crise du genre. Le dossier commence par un long article de Claude Ecken intitulé "Pour une approche quantique de la SF" et qui évoque non seulement les rapports entre littérature et science-fiction à travers l'histoire mais aussi le cœur même de ce qui constitue la science-fiction. Censé éclairer la situation actuelle, l'article est aussi brillant que long et parfois un peu difficile à suivre. Pas sûr que tout le monde soit d'accord avec sa conclusion sur l'incompatibilité entre littérature et SF après son raisonnement. L'article a d'ailleurs le mérite de faire débat.

Dans la seconde partie de ce dossier sont interviewés des auteurs, directeurs de collection, traducteurs et anthologistes sur l'état de la SF en France. Le résultat est assez étonnant. La question posée est celle d'une crise de la science-fiction. Les interventions de Gérard Klein, Pierre-Paul Durastanti, Serge Lehman, Roland C.Wagner, Fabrice Colin et Gilles Dumay sont plutôt intéressantes mais elles évoquent essentiellement l'aspect qualitatif et les réponses sont diverses. Impossible d'en tirer une conclusion générale. La science-fiction est-elle dans une crise en terme de thématique ? Pas si sûr à lire les interviewés. Difficile même de dire qu'il y a une véritable crise. Quant aux chiffres, seuls Gérard Klein et Gilles Dumay en avancent quelques-uns. Le premier évoque "un doublement du nombre de titres par an sur vingt ans [qui] s'est accompagné d'une chute de l'ordre de 10% de la totalité des ventes exprimée en nombre de volumes". Le deuxième évoque la situation de Lunes d'Encre avec ses meilleurs ventes. Là aussi, difficile d'en tirer des conclusions sur l'état de la science-fiction, commercialement parlant. Sans doute aurait-il fallu une véritable analyse des chiffres de ventes de tous les éditeurs sur les dernières années ou l'avis d'un responsable d'un gros point de vente. Ou au moins la reprise des chiffres de livre hebdo ou des différentes études relayées sur internet.


La question de la santé de la science-fiction en France est une question particulièrement intéressante, notamment à l'heure du succès de la fantasy et de la Bit Lit. Mais elle est immensément complexe tant les données qualitatives, quantitatives et commerciales sont nombreuses, sans parler des liens entre les différents médias comme la bande dessinée ou le cinéma. Cela touche à l'image globale de la science fiction dans l'esprit des français et à la situation de la SF en littérature dans ce cadre. Ce dossier manque donc d'envergure mais à la question posée il faudrait une véritable étude. Il a au moins le mérite de donner quelques éléments de réponses. Le débat, lui, reste entièrement ouvert. 

Les razzies.

Un mot sur les razzies. On l'a dit, les razzies ont une nouvelle fois fait couler beaucoup d'encre. On y trouve pas mal de mauvaise fois et quelques vérités sous les dehors de la "déconnade entre amis voulant dénoncer les abus des éditeurs". C'est un peu plus gênant lorsque ce qui est écrit s'appuie sur des choses qui ne sont pas vraies...

Au final

Si ce numéro 61 de Bifrost n'est pas pleinement satisfaisant, voir même un peu bancal, il est particulièrement riche. Que Peter Watts ait gagné le prix Hugo avec un texte qui possède à la fois des aspects très techniques et à la fois un certain sens of wonder, est une indication sur les tendances de la science-fiction de l'autre côté de l'Atlantique. Ce n'est en tout cas sans doute pas anodin que ce soit cette nouvelle-ci qui ait été primée. Quant au dossier, il a le mérite de poser des questions à défaut d'apporter des réponses. Un numéro qui malgré ses défauts donne matière à réflexion.

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