Toppi (ne pas confondre avec Copi) compte parmi les plus grands dessinateurs italiens contemporains. Né en 1932, il travaille d’abord dans l’animation et l’illustration pour enfants. Il participe ensuite à l’émergence de la BD italienne (création d’un festival) et dessine pour différentes revues (dont Alter alter et Corto Maltese). Ses œuvres ont été diffusées tardivement en France, mais les éditions Mosquito se sont attachées à réparer cette injustice en publiant seize titre du maître : les séries « Le collectionneur », « Les contes de Sharaz-De » et divers albums uniques en leur genre.
Toppi est un grand amateur de contes fantastiques sombres situés dans des univers cruels, plus imaginaires que réels. Des mondes étouffants. Des concentrés de dystopies (ou d’anti-utopies). L’album Black & Tans, qui reprend trois récits graphiques Bois Brocélan, Black & Tans et Solitudinis Morbus, publiés respectivement en 1979, 1981 et 1991, ne déroge pas à la règle. L’auteur nous y livre 3 mini-dystopies, qui pour être taciturnes, n’en sont pas moins mordantes.
Trois requiems fantastiques
Bois Brocélan
Promenons-nous dans les bois. A la fin du siècle de Maupassant, une famille bourgeoise en canotier, digne des bords de Marne, part en pique-nique dans la forêt avant d’aller à la pêche. Il fait beau, la vie est heureuse, l’avenir est radieux. Dommage qu’il s’agisse du bois Brocélan.
Black & Tans
Avant l’indépendance, deux soldats britanniques battent la campagne irlandaise pour rejoindre leur unité. Près d’une baraque isolée et d’une vieille tour, ils font la rencontre d’une jeune irlandaise esseulée. Elle leur précise qu’elle vit avec un certain Cuchullain et leur conseille de ne pas se rendre dans la tour. Oui, mais voilà, des soldats, ça n’écoute pas les petites filles…
Solitudinis Morbus
Un compte-rendu clinique nous expose la maladie de la solitude qui atteint parfois les gardiens de phare. Une forme mélancolique de psychose évolutive les conduit à abandonner leurs fonctions et à s’inventer un dialogue avec un personnage idéalisé issu d’une épave. Ils veulent tellement briller devant ce personnage qu’ils accomplissent les exploits les plus fous. Leurs derniers exploits.
Black intense
Le trait de Toppi est exceptionnel. Son utilisation des traits quasi-parallèles et ses oppositions entre gris et noir intense perdraient de leur force si ses dessins étaient mis en couleur. Le style reste figuratif malgré l’utilisation abondante de bottes de traits croisées. Il est au carrefour de l’art nouveau (Guimard, Mackintosh), de l’impressionnisme, du cubisme et de l’estampe japonaise pour la simplicité des formes ondulées obtenues à force de traits droits (et non pas de « nouilles »). C’est un style caractéristique, travaillé dans les années 70, puis stabilisé dans les années 80.
Travailleur de l’ombre, Toppi utilise des gris moins pour traduire les effets de la lumière que pour sculpter des tempéraments ou des atmosphères. Peintre du noir, il emploie la couleur de l’absence de couleurs pour inspirer la mort (le black intense de la tour dans Black & Tans), la menace (les falaises de Solitudinis Morbus) et pour servir de base à des dégradés de gris qui s’opposent à la lumière. Les planches de Toppi sont des toiles. Souvent à cadre unique, elles dépassent rarement les quatre cases et se dégustent tant dans la forme générale que les détails.
Toppi est à son aise dans les fables fantastiques et l’humour noir. Héritier d’Edgar Poe, du romantisme noir, il est en phase, dans les années 1970-80, avec un certain esprit morbide Humanoïdes associés (L’homme est-il bon ? de Moebius) et Fluide glacial (Fantaisies solitaires d’Alexis). L’atmosphère, sombre et fantastique, de ses scénarios est en totale harmonie avec son dessin. Toppi joue sur le registre de la culpabilité, de la fascination et de l’impossibilité d’être à la hauteur de ses attentes dans un monde sans pitié. La figure du père idéalisé est omniprésente dans cet album. Qu’elle prenne la forme de la complicité contrariée (la pêche dans Bois Brocélan), de la vengeance froide (dans Black & Tans) ou de sa forme la plus oedipienne (dans Solitudinis Morbus), Toppi nous décrit des personnages qui ne savent pas s’accepter eux-mêmes et dont l’idéal intériorisé est si fort qu’il les brise ou qu’il brise le monde qui les entoure.
Un univers fantastique neurasthénique servi intelligemment par une réelle élégance du ton et du trait. Un univers non chaotique, plutôt lent et diaboliquement serein. La sérénité de l’abandon. La sérénité du mort.
Toppi est un grand amateur de contes fantastiques sombres situés dans des univers cruels, plus imaginaires que réels. Des mondes étouffants. Des concentrés de dystopies (ou d’anti-utopies). L’album Black & Tans, qui reprend trois récits graphiques Bois Brocélan, Black & Tans et Solitudinis Morbus, publiés respectivement en 1979, 1981 et 1991, ne déroge pas à la règle. L’auteur nous y livre 3 mini-dystopies, qui pour être taciturnes, n’en sont pas moins mordantes.
Trois requiems fantastiques
Bois Brocélan
Promenons-nous dans les bois. A la fin du siècle de Maupassant, une famille bourgeoise en canotier, digne des bords de Marne, part en pique-nique dans la forêt avant d’aller à la pêche. Il fait beau, la vie est heureuse, l’avenir est radieux. Dommage qu’il s’agisse du bois Brocélan.
Black & Tans
Avant l’indépendance, deux soldats britanniques battent la campagne irlandaise pour rejoindre leur unité. Près d’une baraque isolée et d’une vieille tour, ils font la rencontre d’une jeune irlandaise esseulée. Elle leur précise qu’elle vit avec un certain Cuchullain et leur conseille de ne pas se rendre dans la tour. Oui, mais voilà, des soldats, ça n’écoute pas les petites filles…
Solitudinis Morbus
Un compte-rendu clinique nous expose la maladie de la solitude qui atteint parfois les gardiens de phare. Une forme mélancolique de psychose évolutive les conduit à abandonner leurs fonctions et à s’inventer un dialogue avec un personnage idéalisé issu d’une épave. Ils veulent tellement briller devant ce personnage qu’ils accomplissent les exploits les plus fous. Leurs derniers exploits.
Black intense
Le trait de Toppi est exceptionnel. Son utilisation des traits quasi-parallèles et ses oppositions entre gris et noir intense perdraient de leur force si ses dessins étaient mis en couleur. Le style reste figuratif malgré l’utilisation abondante de bottes de traits croisées. Il est au carrefour de l’art nouveau (Guimard, Mackintosh), de l’impressionnisme, du cubisme et de l’estampe japonaise pour la simplicité des formes ondulées obtenues à force de traits droits (et non pas de « nouilles »). C’est un style caractéristique, travaillé dans les années 70, puis stabilisé dans les années 80.
Travailleur de l’ombre, Toppi utilise des gris moins pour traduire les effets de la lumière que pour sculpter des tempéraments ou des atmosphères. Peintre du noir, il emploie la couleur de l’absence de couleurs pour inspirer la mort (le black intense de la tour dans Black & Tans), la menace (les falaises de Solitudinis Morbus) et pour servir de base à des dégradés de gris qui s’opposent à la lumière. Les planches de Toppi sont des toiles. Souvent à cadre unique, elles dépassent rarement les quatre cases et se dégustent tant dans la forme générale que les détails.
Toppi est à son aise dans les fables fantastiques et l’humour noir. Héritier d’Edgar Poe, du romantisme noir, il est en phase, dans les années 1970-80, avec un certain esprit morbide Humanoïdes associés (L’homme est-il bon ? de Moebius) et Fluide glacial (Fantaisies solitaires d’Alexis). L’atmosphère, sombre et fantastique, de ses scénarios est en totale harmonie avec son dessin. Toppi joue sur le registre de la culpabilité, de la fascination et de l’impossibilité d’être à la hauteur de ses attentes dans un monde sans pitié. La figure du père idéalisé est omniprésente dans cet album. Qu’elle prenne la forme de la complicité contrariée (la pêche dans Bois Brocélan), de la vengeance froide (dans Black & Tans) ou de sa forme la plus oedipienne (dans Solitudinis Morbus), Toppi nous décrit des personnages qui ne savent pas s’accepter eux-mêmes et dont l’idéal intériorisé est si fort qu’il les brise ou qu’il brise le monde qui les entoure.
Un univers fantastique neurasthénique servi intelligemment par une réelle élégance du ton et du trait. Un univers non chaotique, plutôt lent et diaboliquement serein. La sérénité de l’abandon. La sérénité du mort.