L’équipe de base est alors constituée :

Directeur d’une section opérationnelle du MI6, dont il deviendra le chef. Grand bourgeois très British flegmatique, roux, la moustache, fumant le cigare, toujours impeccablement vêtu, franc-maçon Ayant repéré les possibilités incroyables de la découverte de Lord Leighton], il est à l’origine du Projet DX et a assez d’entregent pour soutirer au 10 Downing Street les sommes phénoménales qu’il nécessite. Ses sentiments envers Blade sont ambigus : d’un côté, il a une grande affection pour celui qu’il considère comme son fils spirituel, mais de l’autre, il sait qu’un jour, il devra se séparer de celui qui reste son subordonné, qui risque sa vie à chaque mission. Dans les dernières aventures, il a hérité d’une fille adoptive, Cecilia Godhill, (fille naturelle de deux agents morts en mission), analyste au sein du MI-6.
Lord Leighton, Balthasar Onésime de son petit nom. Savant électronicien de génie qui a conçu entièrement le projet DX et dut quitter la prestigieuse Royal Society (La prestigieuse académie des sciences britanniques, la première du monde) pour s’y consacrer Mais ce cerveau brillant fut très jeune atteint d’une maladie neuro-dégénérative - proche du syndrome de Lou Gehrig qui affecta Stephen Hawkins, lui aussi membre de la Royal Society - qui lui donna un corps contrefait (le Leighton des origines est bossu !) avant de le clouer à vie dans un fauteuil roulant. Sa condition, et le fait que son génie ne soit pas reconnu comme il le mérite, lui donne un caractère irascible assez pénible. Il n’a pas de vie privée et on ne sait rien de lui en-dehors de ses activités au sein du projet.

Le Projet DX lui-même : les locaux se trouvent dans un laboratoire situé sous la Tour de Londres (on apprendra dans l’épisode 177 qu’il n’est pas le seul à s’y abriter, mais fait partie d’un complexe de recherches.). Un ascenseur permet de se rendre dans cet endroit bien gardé par le Special Branch. Son but est d’emmagasiner des renseignements sur les alterdimensions dans le but de pouvoir y retourner lorsqu’on aura trouvé d’autres cobayes afin d’entretenir le vieux rêve impérialiste britannique et le souvenir de l’Inde britannique cher au victorien J. A l’origine, il s’agit de trouver les moyens de replacer le Royaume-Uni à la tête du concert des nations. Mais pour ça, il faut régler le problème N°1 du projet : le fait qu’on ne peut ni emmener, ni ramener le moindre objet des alterdimensions ! Une particularité qui fait que notre agent secret est obligé de débarquer – et de revenir – dans ses nouveaux mondes en tenue d’Adam… (Et ce vingt-cinq ans avant « Terminator » !)
Au fil du temps, des personnages secondaires plus ou moins importants sont apparus :
John Shadwick. « Jeune » laborantin « prêté » par une firme chargée de revamper les ordinateurs du projet. Un provisoire qui dure depuis dix ans… Physique de boutonneux, chevelure largement raréfiée et filasse, perpétuellement en blouse blanche et nœud papillon, il est devenu l’assistant… et le souffre-douleur de Lord Leighton ! Or il a prouvé qu’il n’était pas qu’un « crâne d’œuf » et prend une importance croissante au sein de la série. Comme Blade, il est « accro » au projet et a renoncé à toute vie privée pour s’y consacrer.
Elin Sandberg. Jeune Suédo-Britannique recrutée par J, et qui peut également supporter le voyage interdimensionnel. Mais les dangers des dimensions X l’ont rebuté, et elle n’apparaît plus qu’épisodiquement.

Quoi qu’on puisse penser du personnage, le cas De Villiers en fait une créature à part dans l’édition. Grand reporter, il se lança d’abord dans le polar, mais dans les années 60, l’espionnage était à la mode dans un contexte de guerre froide. De Villiers créa alors l’agent secret d’origine Autrichienne Son Altesse Sérénissime Malko Linge alias SAS. Bouleversant les codes poussiéreux de l’espionnage à papa hantant les halls de gare (notamment la très populaire collection du Fleuve Noir) tout en gardant l’aspect manichéen du genre, sa série choisit l’inverse de la version intellectualisée et post-moderniste de John Le Carré. Ses romans se distinguaient par une documentation impressionnante donnant l’impression d’être au cœur de l’actualité et une action plus trépidante, ponctuée de scènes de sexe complaisantes souvent teintées de sadisme. Publiée chez Plon, la série — louée en son temps par nul autre que le « pape du polar » Michel Lebrun — connaît aussitôt un succès phénoménal. Près de 180 ouvrages plus tard, la série continue de publier ses quatre titres par an, et fut adaptée au cinéma (de façon fort peu heureuse…) et en bande dessinée (On pourra trouver un surprenant « éloge de Gérard De Villiers » par l’excellent auteur Jérôme Leroy.
Sentant le filon, Plon crée alors un label Gérard De Villiers. L’axe en est simple : des séries dites « de hall de gare », vouées à être méprisées par la critique et dévorées par le public. Le plus beau « coup » éditorial (on ne peut parler ici de réussite artistique) fut certainement la série Brigade Mondaine, qui continue à avoir des ventes que certains ténors pourraient envier et créa ce que Michel Lebrun appela avec ironie la « Brigadomanie », tant les autres éditeurs sautèrent sur le filon en usinant des « Flics de choc » et d’innombrables équivalents. La seule de ces séries ayant survécu est « Police des Mœurs », chez… Gérard De Villiers, qui connut également une adaptation cinématographique plus proche du nanar. Plus tard, De Villiers éditeur devait prendre des risques, créant l’excellente collection Polars USA, qui révéla entre autres Joe Lansdale et Georges Pelacanos, puis une collection fantastique à auteur unique : Serge Brussolo. Mais malgré la qualité de l’un comme de l’autre, le lectorat ne suivit pas… On peut également noter que la série populaire Le Poulpe, qu’on ne présente plus, fut conçue comme une antithèse de SAS ! Un projet un peu fou, malheureusement enterré, visait d’ailleurs à faire un « crossover » où les deux personnages se rencontreraient…
Mais aux grandes heures, le label De Villiers, puisant dans la quantité invraisemblable de séries existant outre Atlantique, donna également dans le polar ultra-violent (« L’exécuteur »), l’humour délirant (« L’implacable », jouissive parodie de super-héros mâtinée d’arts martiaux qu’il faudra redécouvrir un jour), l’espionnage (« Le Mercenaire »), le polar (« Le Celte », dernière création originale en date), le Space-Opera (« L’aventurier des étoiles de E.C. Tubb, puis les « Rohel » de Pierre Bordage, alors débutant !), le post-apocalyptique (« Le survivant », « Jag », série Franco-Française étendant l’univers de deux romans du Fleuve Noir Anticipation publiés par Christian Mantey et Pierre Dubois sous le pseudo du Buddy Mathieson (!), où officièrent également Joel Houssin, Serge Brussolo et Jacques Barbéri ; série dont le numéro de lancement parut au dos du… Blade N°47 ! ) et l’Heroïc-Fantasy avec devinez qui...

Depuis, divers auteurs se sont succédés, certains ayant une œuvre personnelle, comme Yves Bulteau, Nadine Monfils (« La malédiction des ombres ») ou Christian Mantey. Le contexte de guerre froide vite oublié, la série finit par perdre de son machisme d’un autre âge et mêler fantasy et science-fiction. Ces dernières années, se sont succédés Arnaud Dalrune (ex-collaborateur de Jimmy Guieu sur la série des Chevaliers de lumière) et Yves Chéraqui (auteur d’un ouvrage sur… Galilée !), ce dernier finissant par battre Nolane en termes de productivité. Certains auteurs ne firent que passer, créant des problèmes de continuité parfois remarqués par les fidèles lecteurs…

On peut retrouver la série ici
Thomas Bauduret