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Date de parution : 01/05/2025
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Jean Baret - Bonheur™

Un inconnu ambitieux

Jusqu’ici, on n’avait jamais entendu parler de Jean Baret, avocat au barreau de Paris. On lui doit des romans d’ « anticipation sociale » publiés par la maison d’édition Apopsix : Frontières invisibles, Apocalyspe, Le syndrome du rebours, influencés par Bret Easton Ellis ou Chuck Palahniuk. La lecture du Délire occidental de Dany Robert-Dufour l’inspire pour écrire Bonheur™, premier volume d’une trilogie volontiers dystopique, on va le voir.

Paradis de la consommation

Bienvenue dans un futur où l’activité humaine fondamentale est la consommation. Hors de ça, point de salut et les déviants seront pourchassés. C’est le boulot de deux flics de la section des « Crimes à la consommation, Toshiba et Walmart, qui portent le nom des marques qui les sponsorisent. Toshiba est mariée à une femme robot dont la première question chaque matin est : « Souhaites-tu du sexe oral ? » Puis commence des journées mornes où Toshiba et son collègue traquent les déviants. Walmart s’abrutit dans le culturisme et gobe une cinquantaine de pilules pour modeler son corps. Toshiba, tous les soirs, tabasse sa femme pour se défouler : aucune importance, son visage se reconfigure pendant la nuit. Puis arrive une enquête très particulière sur des hackers qui ne préparent rien moins qu’une remise en question de leur univers…

Une dystopie très dérangeante

On achève Bonheur™ avec des impressions contrastées et mélangées. Assurément, on est devant une dystopie, qui est aussi une dénonciation des travers de notre époque. La société de consommation est ici poussée à son paroxysme, ainsi que l’idéologie néolibérale qui la sous-tend. Ici, pas d’autre but que de consommer et tout, y compris le sexe bien sûr, est un produit. La non-consommation est ici un délit, ces flics doivent identifier et traquer les délinquants…

Un projet radical

Ces personnages dont l’identité est gommée par les marques qui les sponsorisent, qui sont aussi interchangeables, sont des échos dérangeants de nous-mêmes. Pour autant, le problème principal, d’un point de vue narratif, est qu’ils sont profondément ennuyeux : leurs activités mêmes sont répétitives (y compris les accès de violence de Toshiba) et guère mis en valeur par un style d’une froideur clinique hérité de Bret Easton Ellis. Mais forme et fond, dans le projet littéraire (car il s’agit bien ici d’un projet préparé et mûri) radical de Baret, sont indissociables. S'il est difficile d’ « aimer », on ressort en tout cas profondément secoué et, de ce point de vue, Jean Baret a réussi son coup.

 

Sylvain Bonnet

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