Universitaire coréenne à l’origine, Bora Chung est surtout connue comme l’autrice de Lapin maudit (Matin Calme, 2023), recueil qui a remporté un grand succès public et que les éditions Rivages rééditent aussi en poche ce printemps. Les histoires proposées étaient à la fois déroutantes, glaçantes, avec aussi des éclairs poétiques. La ronde de nuit reprend un peu ces ambiances.
Mystères à l’institut
Chaque histoire se développe autour d’un objet déposé à l’institut de recherche (de Séoul), chaque objet semble avoir un potentiel paranormal et de rondes de nuit effectuées par des employés. Dans Défense d’entrer, la narratrice raconte comment elle-même et d’autres employés sont hantés par une présence, un homme, qui leur annonce leurs funérailles lors de leurs rondes. Cela a conduit un de ses anciens collègues, Chan, à une expérience déroutante dans un tunnel routier sans fin… et à accepter son homosexualité. Le mouchoir raconte l’histoire d’un bout de tissu qui a appartenu à une dame qui a toujours privilégié son cadet. Une fois morte, les enfants se sont bagarrés mais le cadet a voulu garder un mouchoir avec lequel sa mère voulait être enterrée. Il y laissera sa santé mentale et le mouchoir finit à l’institut. Dans Le mouton maudit, une femme sans le sou devient capable de précognition et de prédictions grâce à un mouton utilisé pour des expériences scientifiques. Oiseau bleu raconte l’histoire d’une vieille malédiction. Quant à Pourquoi le chat ? on y découvre un homme devenu l’amant de la femme de son meilleur ami (après la mort de celui-ci) mais quand elle veut rompre, il la tue. Mais il sent sa présence et revient chez elle et tue son chat. Erreur fatale…
Un recueil/roman réussi
Difficile de voir dans ce livre un roman, on est plutôt face à un recueil de nouvelles toutes enchâssées les unes avec les autres, avec cet institut et aussi le personnage de l’ancienne, le grand témoin de ces histoires (non, je ne spoilerai pas). On sent chez Bora Chung l’influence du jeune Stephen King, si doué pour ancrer le fantastique dans le quotidien. On comprend également que les secrets et les querelles de famille inspirent notre autrice, comme beaucoup de grands anciens (Mauriac était passionné par ça). La lecture de Bora Chung vous fera du bien.
Sylvain Bonnet