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Ceux qui nous veulent du bien

Collectif ( Auteur)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/2010  -  livre
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Ceux qui nous veulent du bien

La Volte est une maison d'édition dont les publications font souvent parler d'elles, de par leur originalité et/ou leur qualité. Depuis La Zone du dehors d'Alain Damasio en 2001 jusqu'au Tueur venu du centaure de Jacques Barbéri en 2010, en passant par La Horde du Contrevent et Le Déchronologue (Grands Prix de l'Imaginaire, respectivement en 2006 et 2010), La Volte ne finit pas d'étonner, même si ses livres ne trouvent pas toujours leur public.
Ceux qui nous veulent du bien, troisième anthologie de cette  maison, est un nouveau projet destiné à interpeller le lecteur. Réalisé en collaboration avec la Ligue des Droits de l'Homme, ce livre se veut engagé. Il réunit des textes d'auteurs renommés – dont certains déjà voltés – tels qu'Alain Damasio, Stéphane Beauverger, Philippe Curval, Léo Henry, Ayerdhal,  et d'autres peu connus, voire inconnus, qui ont répondu à l'appel à texte lancé en janvier 2009 et intitulé « Nouvelles technologies et atteintes à l'humain ».

Des textes hors sujet ou peu originaux

Ces technologies dont il est question sont celles qui permettent la surveillance et le contrôle des gens : vidéosurveillance, biométrie, systèmes de prédiction des comportements, et cætera. Finalement, une orientation assez limitée de l'idée de technologies pouvant porter atteinte aux êtres humains. Tellement limitée que certains auteurs n'ont pas réussi à s'y insérer et ont écrit des textes, pourtant sélectionnés, mais clairement hors sujet.
On pourra citer en exemple le texte de Camille Leboulanger, 78 ans, qui décrit certes la pression sociale sur les décisions de chacun, mais ne décrivant pas une technologie néfaste ;  Annah à travers la Harpe d'Alain Damasio, tout comme Naître et fleurir de Léo Henry, sont pour leurs parts certes des textes magnifiques, dignes de ces auteurs qui n'ont plus à prouver leur talent, mais dont la technologie n'est pas le sujet principal, bien qu'ils décrivent des personnages torturés.
Les autres textes, qui s'attachent à respecter la ligne éditoriale de l'anthologie, fustigent parfois moins la technologie que ceux qui l'utilisent à des fins mercantiles ou politiques, au détriment du plus grand nombre, ou pour entraver la liberté de certains. Gulzar Joby (Remplaçants) démontre ainsi les excès du contrôle parental assisté technologiquement ; le personnage du Regard de Jérôme Olinon, fier de sa caméra miniaturisée, le sera moins quand elle nuira à celui qu'il aimait ; l'héroïne de Prune Matéo (Sauver ce qui peut l'être) est, elle, la victime de son compagnon ; Paul Béorn (Vieux salopard) se montre moins original avec son vieil homme contrôlant des personnes changées en marionnettes grâce à une puce électronique qu'on leur a implanté.
Danel (Trajectoires) et Thomas Day (Échelons) ne sont pas plus originaux, le premier avec son avenir où un état totalitaire dispose d'une technologie de prédiction des crimes, le second avec son personnage contrôlant les machines. Toutefois, Day signe un des rares textes optimistes : Des myriades d'arphides de Sébastien Cevey est le seul autre auteur à essayer de démontrer qu'il est possible d'espérer un changement de tendance au tout technologique – même si des sacrifices sont peut-être nécessaires –, qui nous transforme en victimes des sociétés de marketing et en pions des administrations étatiques.

Mais aussi des nouvelles marquantes

Car, il faut bien le dire, Ceux qui nous veulent du bien n'est pas une anthologie qui décrit des avenirs reluisants. Les trois meilleurs textes de la sélection – si on exclut ceux de Damasio et Henry cités précédemment – en sont d'ailleurs l'illustration. Stéphane Beauverger (Satisfecit), Jacques Mucchielli (Spam) et Philippe Curval (Un spam de trop) imaginent le pire. Le premier  texte décrit une société où on peut satisfaire tous ses vices dans la virtualité sans peur qu'ils soient connus de tous. Mais son personnage principal est mandaté pour éliminer un homme, condamné à cause de son goût pour une certaine forme de perversion. Beauverger démontre subtilement – mais sans hésiter à bousculer le lecteur – les travers de l'idée qu'une surveillance globale est acceptable si on n'a rien à se reprocher. De même, Curval se plaît dans son texte à martyriser un personnage qui a voulu se débarrasser de toute technologie à une époque où cela est devenu – presque ? – impossible. Mais c'est dans le texte de Mucchielli que la technologie est la plus intrusive, puisqu'elle sert à endoctriner ceux qui en sont les victimes.

Si ces trois auteurs projettent le lecteur dans un avenir relativement lointain, d'autres auteurs n'oublient pas que finalement, dès à présent, nous sommes soumis à une surveillance de plus en plus constante et profonde. Si vous êtes élu municipal, vous avez sans doute pu croiser les jumeaux des deux conseillers en aménagement urbain d'Ayerdhal (Paysage urbain) et ils vous ont peut-être proposé des solutions proches de celles décrites par l'auteur ; si vous lisez régulièrement le journal, peut-être tomberez-vous un jour sur une dépêche AFP en tout point semblable à celle de Bernard Camus (Les événements sont potentiellement inscrits et non modifiables) ; chaque visite que nous faisons à des sites de vente en ligne peut potentiellement permettre de nous cataloguer, de définir notre profil-client, que des sociétés comme celle du Ghost in a supermarket d'Eric Holstein sont en mesure d'exploiter ; le déploiement de systèmes de vidéosurveillance dans nos villes réduit chaque jour un peu plus le nombre des endroits qui ne sont pas dans le champ de vision d'une caméra, des lieux que Jeff Noon (Le Point aveugle) décrit avec une poésie que seuls peuvent inspirer des espaces dont on n'entendra bientôt plus parler que dans les légendes urbaines.

Ceux qui nous veulent du bien est une anthologie inégale, tant dans la qualité des textes que dans la force de leur propos. Toutefois, elle contient des textes saisissants qui méritent sans aucun doute le détour. Un livre à découvrir, dans lequel il faut piocher les bons textes.

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