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Chants de guerre et de mort
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Chants de guerre et de mort

Est-il encore nécessaire de présenter Robert E. Howard aux lecteurs du XXI° siècle ? Probablement pas, car ce grand Texan amateur d’armes et d’épopées viriles a posé les bases de l’heroïc fantasy, ce qui lui a donné une importance comparable à celle de Lovecraft pour le fantastique ou de Tolkien pour la fantasy. Et pourtant, on oublie souvent que sous les fontaines de sang qui ont jailli sous la hache ou le sabre de ses barbares coulait aussi une noire poésie. Dans l’introduction à ces Chants de guerre et de mort, François Truchaud nous rappelle d’ailleurs que, sur la pierre tombale de l’auteur, figure cette inscription : « auteur et poète »…

Des vers crépusculaires…

Robert Howard, en effet, se considérait comme un poète, même si ses tentatives de publier ses vers ne furent couronnées de succès que dans les pages de Weird Tales, une revue dans laquelle il n’était pas rare de trouver de la poésie. Lovecraft et Clark Ashton Smith, pour ne citer que les plus célèbres, y ont publié sonnets et sombres ballades, mais on pourrait citer encore d’autres noms. La forme y épousait un classicisme bien éloigné des expérimentations qui ont marqué le vingtième siècle dans ce domaine, la narration y était toujours reine et les audaces ne concernaient que le fonds. Les Chants de guerre et de mort sont caractéristiques de cette production, et quelques titres donneront une bonne idée de leur contenu : Le fantôme de la lande ; Hymne de haine ; Le rire dans les abîmes… Violents, effrayants, et surtout plus grands que notre monde, étriqué et trop humain, les textes de cet homme hanté sont à-même de communiquer au lecteur moderne et ramolli par trop de confort toute l’énergie qui lui ferait défaut.

…et parfois poignants, comme un adieu…

Si l’essentiel du recueil fait donc la part belle aux thèmes et univers de l’auteur, certains textes prennent des couleurs plus personnelles, voire sociales — tout en conservant la rage farouche des personnages howardiens. Le poème intitulé Émancipation, par exemple, évoque un rapport au patronat pour le moins conflictuel et, à sa lecture, on sent bien la détermination de « Two Gun Bob » à conserver son indépendance en se consacrant corps et âme à sa carrière littéraire. Cette volonté farouche trouve d’autres illustrations, comme dans le vigoureux manifeste poétique Ce qui ne sera guère compris (« Les poètes mineurs chantent de petites choses insignifiantes… »), qui ne laisse aucun doute sur les ambitions de son auteur et que pourrait compléter Les poètes (« De la nuit sombre viennent les poètes… »). Un texte se détache cependant nettement de l’ensemble, par son thème qui éclaire d’une triste lumière le suicide de l’auteur : Lignes écrites dans la perspective de ma mort inéluctable. Il y fait allusion à ce qui le conduira à mettre fin à ses jours et y propose une épitaphe dans laquelle on sent toute l’impuissance de l’homme et de l’artiste : « Il n’a jamais pu dire ce qu’il souhaitait exprimer ».

 

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