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Six mois, trois jours

Langue d'origine : Anglais
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 19/06/2019  -  livre
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Charlie Jane Anders - Six mois, trois jours

Nouvelle auteure

Encore inconnue en France il y a quelques années, Charlie Jane Anders s’est faite remarquer avec son roman Tous les oiseaux du ciel, paru l’année dernière chez J’ai lu, qui avait remporté les prix Nebula et Locus. Cette fois-ci nous avons affaire à un recueil de six histoires intitulé Six mois, trois jours. Notons que la nouvelle éponyme a aussi remporté un prix Hugo en 2012. Allons donc maintenant voir de quoi il en est.

Variété des histoires

Notre modèle économique ? Le paradoxe de Fermi inaugure le recueil. Il s’agit d’une histoire assez savoureuse où des extraterrestres embarqués dans une grande tournée visitent des planètes dans lesquelles ils ont ensemencé la vie. Il s’agit pour eux maintenant de récupérer les métaux utilisés par ces civilisations primitives qui inévitablement s’effondrent avant d’atteindre le stade du voyage interplanétaire par épuisement de leurs ressources. C’est la Terre qu’ils inspectent et l’humanité a eu le mauvais goût de ne pas disparaître : très bon humour noir. Comme neuf conte l’histoire de Marisol, jeune écrivaine qui survit à une catastrophe planétaire causé par un champignon géant. Elle découvre dans une bouteille un génie, ancien critique de théâtre, nommé Richard Wolf. Ce dernier peut exaucer n’importe quel vœu et donc empêcher la catastrophe, ce ne sera d’ailleurs pas la première fois qu’il le fera… Instestat est une sombre histoire de famille où tous attendent la mort du père pour s’en partager le corps.

En lisant ces trois histoires, un constat s’impose : d’une part, Charlie Jane Anders se montre capable de brasser nombre d’univers différents et paraît à l’aise dans chacun et d’autre part, elle n’invente rien et suit le sillon tracé par d’illustres devanciers, comme Asimov ou, tiens, Lafferty. Pourquoi pas d’ailleurs ? Poursuivons.

Le sentimentalisme, voilà l’ennemi

Cartographie des morts soudaines aborde le thème du voyage dans le temps. On a affaire à une jeune femme, Yithna, dont la maîtresse vient de mourir. Elle voit débarquer une voyageuse du temps, Jemima, qui passe d’époque en époque en se servant des morts soudaines, ces dernières ouvrant des portes. Elle entraîne Yithna, compromise par son apparition, dans son périple pour arranger sa situation ( ?)  tout en étant suivi par un mystérieux ennemi. On a du mal à croire à cette histoire très rythmé, qui tient à la fois de La patrouille du temps de Poul Anderson et de Palimpseste de Charles Stross. En effet, les voyages de Jemima semblent affecter l’histoire mais ça ne la trouble pas plus que ça : pourquoi s’en faire après tout ? Quant à Yithna, rien ne l’affecte ici. En fait, les personnages d’Anders sont parfois d’une zenitude supéfiante.

Venons-en maintenant à Six mois, trois jours qui raconte l’histoire d’un homme et d’une femme capables de voir l’avenir, cependant pas de la même façon. Lui voit un seul avenir et elle discerne tous les possibles. Ils vont s’aimer tout en sachant que leur histoire ne durera justement que six mois et trois jours. Le critique, cœur sec, s’ennuie vraiment en lisant cette histoire « sentimentalo-science-fictionnesque ». Il aurait fallu qu’on sente une passion sous-jacente entre ces deux êtres pour qu’on puisse croire à cette histoire : après tout, pour s’aimer tout en sachant avec une quasi-certitude que ça va (mal) finir, il faut de la passion. Malheureusement, Charlie Jane Anders se révèle incapable de nous y faire croire. On se contente juste de pleurer beaucoup (enfin les personnages, pas moi)… Trèfle relève de la même veine. Un couple gay se voit confier un chat, Berkeley, par un inconnu qui leur promet du coup neuf ans de bonheur (pourquoi neuf ? Pourquoi pas sept ou quinze ? On ne sait pas) et ça marche… tant mieux pour le chat qui souffre d’avoir perdu sa première maîtresse brutalement. Tout va bien jusqu’au jour où le même inconnu ramène une chatte, Trèfle, que Berkeley déteste aussitôt. Les choses se dégradent à la maison, les deux hommes s’entendent de moins en moins. Et là, on apprend en fait que Trèfle n’est autre que la première maîtresse de Berkeley. C’est en fait une magicienne coincée dans un corps de chat et qui veut redevenir humaine. Mais Berkeley hésite à l’aider, il lui en veut toujours pour son abandon. Mon dieu qu’un chat peut être rancunier !

Tout ça pour ça

A la fin de l’histoire, je me suis servi un whisky et j’ai ouvert la fenêtre. Je me suis dit que j’avais perdu des minutes que je ne retrouverai jamais. Tant de lieux communs et de sentimentalisme sont aussi une manière de se sentir vivant parce qu’en colère. Voici donc un recueil pour le moins décevant. Soit Charlie Jane Anders nous offre des histoires bien faites mais sans beaucoup d’originalité, soit elle verse dans un sentimentalisme digne des romans à l’eau de rose de nos grands-mères. Certains aimeront, d’autres passeront leur chemin.

Sylvain Bonnet

 

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