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Chasse royale II
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Chasse royale II

Jean-Philippe Jaworski est né en 1969. Professeur de lettres modernes à Nancy, il a fait une entrée remarquée dans le paysage de la fantasy française avec le recueil Janua Vera puis le roman Gagner la Guerre. Avant cela, il avait affûté ses armes en collaborant à la revue Casus Belli et via la création de deux jeux de rôle, Tiers Âge, se déroulant dans l'univers de Tolkien, et Te Deum pour un massacre, prenant place durant les guerres de Religion au XVIe siècle. Prévu à la base comme une trilogie, Rois du monde prend de l'importance à chaque nouvelle parution. Après Même pas mort, le premier tome, le deuxième tome, Chasse royale, sera désormais coupé en trois branches. La seconde est parue en juin 2017, un an après la première.
 
"Qu'est-ce qu'un captif, sinon un demi-mort ?"
 
L'assemblée d'Autricon s'est terminée de bien sanglante manière et le roi Ambigat a dû faire face à la trahison des siens, jusqu'à celle de son propre fils. Pour lui permettre de fuir, Bellovèse, son frère et une poignée d'autres guerriers se sont interposés mais Bellovèse est fait prisonnier. Résigné, il attend son jugement à Autricon, mais ses geôliers ont d'autres plans pour lui...
 
Un tome de transition
 
Il y a un an, nous avions laissé notre ami Bellovèse en fâcheuse posture, face à un cruel dilemme, la tension à son comble et le lecteur tout à son impatience. Un an plus tard, l'intrigue de ce second tome reprend au même moment, Bellovèse a fait son choix et devra désormais en subir les conséquences. Mais entre-temps, de l'eau a coulé sous les ponts, et pendant quelques pages, le lecteur patauge. On se remet les noms en mémoire, des noms qui ont la furieuse tendance à tous se ressembler. On se rappelle les fragiles alliances et les subtilités politiques qu'il avait fallu tout un tome pour mettre en place. La tension, le souffle épique du final du premier tome sont retombés et c'est en retrait que l'on assiste au destin de Bellovèse se mettre en marche : difficile de replonger directement dans l'intrigue. Les premières pages sont un moment de transition, et ouvrir un nouveau tome sur ce long moment suspendu ne sert pas vraiment le roman.
 
Pendant le premier tiers du livre, on rame, on patauge, on suit Bellovèse dans son long voyage vers l'inconnu et, n'ayons pas peur de le dire, on s'ennuie plus souvent qu'on aimerait bien, car dans ce voyage, il ne se passe rien. Bellovèse reprend des forces, avance vers l'inconnu, se demande tous les jours si c'est le moment de tenter de s'échapper, pour finalement conclure que non. Et c'est reparti pour une nouvelle journée. Et malheureusement, les quelques flash-back qui introduisent trois figures importantes proches de notre guerrier ne suffisent pas complètement à attiser l'intérêt du lecteur.
 
Car Chasse royale n'a pas été construit comme une trilogie dès le départ et on assiste, au début de cette seconde branche, à la limite de ce découpage. Si les raisons économiques peuvent se comprendre, d'un point de vue littéraire il semble complètement desservir l'œuvre. Après un an d'attente, le début du roman déçoit ; pire on n'arrive pas à l'apprécier à sa juste valeur. Car connaissant le soin qu'apporte l'auteur à la construction de son récit, on se doute bien que ce moment de calme n'arrive pas là par hasard. Les lecteurs suivant le rythme de parution seront certainement bien en peine d'embrasser le tableau dans sa totalité, avec ces pièces qui arrivent au compte-gouttes tel un puzzle. Il n'y a plus qu'à espérer que ceux qui découvriront Chasse royale d'un bloc seront plus à même d'en saisir toutes les subtilités.
 
Heureusement, ce premier tiers a une fin, le voyage se termine et Bellovèse arrive à destination. Si là encore l'attente est toujours présente et que l'action se fait rare, notre guerrier celte n'étant pour le moment qu'un pantin entre les mains de forces plus grandes, le récit reprend du panache, l'intrigue avance, de nouvelles figures font leur apparition et des révélations savamment distillées pour faire monter le suspense relancent l'intérêt du lecteur. 
 
On retrouve enfin les ingrédients qui font la richesse et l'exception de Rois du monde : une langue ciselée ; une narration où rien n'est laissé au hasard, avec de nouveaux flash-back qui servent cette fois l'intrigue au mieux ; une peinture toujours aussi réaliste des coutumes celtes, avec un accent particulier mis sur les tisseuses. Les liens se font de plus en plus solides avec les tomes précédents, ce qui ne fait que plaider pour une unité de l'œuvre. Bref, la suite du récit nous ramène au niveau des précédents volumes. Le ton y est certes plus lent, plus à l'image d'un Même pas mort, mais cette respiration dans l'action n'est pas un défaut car elle est cette fois pleinement maîtrisée. Elle permet par ailleurs de se recentrer sur Bellovèse. Après avoir joué au spectateur dans la première branche, il est de nouveau au cœur de ce second tome et les révélations sur son passé permettent de le découvrir sous un nouveau jour. 
 
Mais le découpage n'est pas terminé et, alors l'action est relancée et qu'un nouveau tableau s'ouvre, le livre se termine. Cette fois, heureusement, pas de cliffhanger haletant. De toute façon, le lecteur a désormais l'habitude et sait à quoi s'attendre. La frustration est quand même de nouveau bel et bien là, car le temps de l'introspection est désormais révolu et il est l'heure pour Bellovèse d'agir. Mais pour savoir ce que le destin réserve à notre guerrier celte favori, il va encore falloir patienter de longs mois.
 
Au final, cette deuxième branche de Chasse royale introduit pour la première fois les limites du découpage du deuxième tome en trois parties. Si le premier tiers nous a fait craindre un tome d'un cran en dessous, la suite balaye heureusement nos inquiétudes, pour nous offrir ce que Jean-Philippe Jaworski sait faire de mieux. En attendant la conclusion, qui ne pourra que trop se faire attendre.

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