Un des meilleurs représentants de l’âge d’or de la science-fiction
On ne présente qu’avec de grandes difficultés Cliford D. Simak (1904-1988), géant de l’âge d’or de la science-fiction américaine à qui il est difficile de faire des critiques ! Le récent recueil Frères lointains (Le Bélial, 2011) a permis de montrer à un public contemporain à quel point Simak était un nouvelliste de talent, subtil, émouvant, parfois proche de Sturgeon. On avait pu aussi apprécier ses qualités dans Demain les chiens et aussi le roman Au carrefour des étoiles. Les éditions Le passager clandestin rééditent ici une nouvelle autrefois publiée dans le livre d’or que Presses Pocket lui avait consacré, L’épidémie (c’est marrant, on sent que ça nous parle…).
Quand un médecin se pose des questions
Le docteur Benton est un médecin de proximité, installé dans une petite ville des Etats-Unis. Il a sa clientèle, ses malades habituels et est complètement intégré à la communauté. Voici qu’arrive le docteur Abbott. Auteur de livres à succès, ce dernier est inquiet de voir certains symptômes se multiplier dans la population américaine : fatigue, surpoids (mais sans diabète). Il demande à Benton d’être vigilant. A l’examen de ses dossiers, Benton se rend compte effectivement qu’un grand nombre de ses malades souffrent de ces problèmes. Plus il enquête, plus il isole le facteur déclenchant : le DDT et ses patients sont tout simplement en manque. Lorsqu’il veut prévenir Abbott de ses résultats, il apprend que ce dernier est mort dans un accident… Que faire des malades ? Comment les traiter ?
Une nouvelle fascinante
On a ici un récit dont il faut rappeler le contexte (l’éditeur le fait) : la parution en 1962 de l’essai Silent Spring de Rachel Carson a fait prendre conscience que l’essor d’une agriculture productiviste pouvait détruire la nature. Le DDT était à l’époque visé, un peu comme aujourd’hui le glyphosate. Dans les deux cas, c’est un système économique capitaliste qui est mis en accusation. L’épidémie parle des conséquences sur l’homme de ces produits. Simak renvoie aussi aux conséquences de la consommation de drogues car tous les malades sont en fait des junkies du DDT : rappelons que cette écrit cette nouvelle est écrite ans les années 70, moment de l’explosion de la consommation d’opiacés aux États-Unis. On retient enfin de cette nouvelle le thème que l’homme, dans ses manipulations, fabrique les germes de sa destruction : à méditer.
Sylvain Bonnet