- le  
Cobweb
Commenter

Cobweb

La littérature d’espionnage ne s’est jamais vraiment remise de la fin de la Guerre Froide. Au lieu de l’espion soviétique, ancré dans la réalité, on nous propose de vagues terroristes, bien peu réels. Pour écrire un bon roman d’espionnage, il faut une compréhension intime de l’époque dans laquelle on vit.

Quand Cobweb est sorti, en 1996, sous le pseudonyme de Stephen Bury, le monde en était encore à sa transition depuis la Guerre Froide. Le dernier choc international, la première Guerre du Golfe, était mal compris, voire un peu bancal - pas franchement le matériel idéal pour le nouveau John Le Carré. C’était sans compter que derrière Stephen Bury se cachaient Neal Stephenson, écrivain d’exception (auteur, notamment, du Cryptonomicon et du Cycle Baroque) et J. Frederick George, spécialiste du renseignement international. Eux ont réussi à créer une histoire convaincante, drôle souvent, et surtout terriblement vraisemblable pour donner à la Guerre du Golfe une dimension littéraire vivante.

Betsy Vandeventer est analyste à la CIA, tout en bas de l’échelle alimentaire, mais elle a le nez fin et devine les plans de Saddam Hussein, même si cela contrevient à l’équilibre délicat imaginé par l’influent diplomate James Millikan. Clyde Banks est un shérif-adjoint dans une ville du Midwest, tentant de se faire élire contre son patron, qui enquête sur l’assassinat d’un scientifique dans l’université locale, mais aussi sur des mutilations de chevaux et sur les réseaux créés parmi les étudiants turkmènes. Petit à petit, affaire par affaire, mois après mois, les trames se rejoignent. Betsy, luttant contre l’apathie bureaucratique des renseignements américains, et Clyde, espérant le retour de sa femme réserviste en Irak, vont mettre à jour un complot terrifiant au cœur des universités américaines.

Du point de vue du style, rien à redire : comme toujours chez Stephenson, c’est dense, érudit, amusant, et le style de l’auteur n’écrase jamais les péripéties des personnages. Sur le fond au-delà de l’intrigue excellente et du réalisme parfait, il y a un aspect déconcertant à l’ouvrage : il démontre presque point par point les théories des néo-conservateurs, ces idéologues persuadés que la guerre est l’instrument parfait pour refaire le Moyen-Orient dans l’intérêt des Etats-Unis. Cobweb fut écrit bien avant le 11 Septembre 2001, qui permit à ceux-ci de mettre en œuvre leur programme, et l’on peut donc penser que les auteurs ignoraient tout des résultats désastreux d’un tel projet, mais on peut lire ce livre avec le sens d’un anthropologue découvrant le journal de bord du Hindenburg juste avant la catastrophe…

à lire aussi

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?