Actusf : Entre octobre et juin prochain, on vous compte pas moins de cinq sorties entre les poches et les grandes formats. Belle période non ?
Laurent Genefort : Sans compter une BD, qui sortira cette année. Les hasards du calendrier ont parfois un effet concentrateur. J'ai un peu pitié des libraires, mais promis, cela va se calmer dès le second semestre.
Actusf : Parmi les nouveautés, en ce mois de mars, vous sortez aux éditions du Bélial' Colonies, un recueil de nouvelles. Comment avez-vous fait le choix des nouvelles présentes dans le recueil ?
"Je suis un auteur très vernien, c'est à dire axé sur la géographie. Mais curieusement, il m'a fallu plusieurs années pour appliquer cette évidence à mes nouvelles."
Laurent Genefort : Longtemps, j'ai cherché une manière cohérente de réunir ma production de nouvelles,
pourtant peu pléthorique. Je suis un auteur très vernien, c'est à dire axé sur la géographie. Mais curieusement, il m'a fallu plusieurs années pour appliquer cette évidence à mes nouvelles. Et puis, cela m'est venu en même temps que le titre. Une colonie, c'est avant tout un lieu. Et les trois quarts de mes nouvelles relevaient du space opera. Dès lors, l'organisation interne était simple : colonies planétaires, colonies spatiales. Et voilà !
Actusf : Vous y parlez de planètes lointaines et d'installations. Comment avez-vous traité la colonisation de ces planètes et qu'est-ce qui vous intéresse dans cette thématique ?
"Lum'en m'a permis de traiter la thématique sous l'angle de la domination humaine, ravalant l'espèce autochtone intelligente au rang de simple animal. Dans Colonies, c'est un peu différent car une telle confrontation n'existe pas. Le rapport au monde est donc plus écologique qu'ethnologique."
Laurent Genefort : Finalement, mon traitement est le même que celui qui irrigue mes romans ; les nouvelles s'inscrivent d'ailleurs dans le même univers des Portes de Vangk. En l'occurrence, le rapport de la technosphère et des règles économiques (bref, des activités humaines) à la biosphère. Cette biosphère étant étrangère, cela permet de décaler le regard. Ce décalage est également temporel : à travers l'histoire d'une colonie, c'est une société entière que l'on fait évoluer, une "essence" d'humanité. Lum'en m'a permis de traiter la thématique sous l'angle de la domination humaine, ravalant l'espèce autochtone intelligente au rang de simple animal. Dans Colonies, c'est un peu différent car une telle confrontation n'existe pas. Le rapport au monde est donc plus écologique qu'ethnologique. L'homme s'adapte à son environnement et/ou essaie de le soumettre, c'est toujours une position quelque part entre les deux. À vrai dire, le thème est tellement riche qu'il est difficile de le résumer, même à gros traits.
Actusf : C'est bien évidemment du Space Opera, quel rapport avez-vous avec le genre ?
Laurent Genefort : De manière pudique, je dirais : un rapport privilégié, puisque le gros de ma production entre dans ce genre. La faute à mes lectures de jeunesse, bien sûr, mais le space opera est particulièrement propice au voyage, à la découverte de l'altérité. Le genre idéal pour y trouver de l'ethnologie, de l'anthropologie et de l'écologie - et tout cela, sans alourdir le plaisir de l'histoire.
Actusf : Il y a aussi le retour des Chasseurs de Sève aux éditions Critic. Vous souvenez-vous comment est née l'idée de ce roman ?
"J'ai voulu faire mon "Monde vert", ma "Planète oubliée", bref mon jardin de SF."
Laurent Genefort : L'idée est née, comme souvent chez moi, d'un désir. J'ai voulu faire mon "Monde vert", ma "Planète oubliée", bref mon jardin de SF. Une manière de m'approprier un thème de manière amoureuse. C'était aussi l'envie de réaliser un livre de pure SF sans technologie, tout en restant dans le cadre de mon univers des Portes de Vangk. Je m'en explique dans la postface du livre.
Actusf : L'action se situe sur la planète Ventremonde, dans un arbre univers. Comment concevez-vous vos écosystèmes ? Y'a-t-il des règles que vous vous imposez, ou des recherches scientifiques ?
Laurent Genefort : Le roman a 25 ans, à l'époque c'était plutôt rudimentaire. Néanmoins, j'ai eu dès le départ la volonté de faire plus qu'un décor, mais un véritable écosystème. C'est mon héritage dunien, qui existait en outre également dans Noô de Stefan Wul. Je n'ai pas de règles très précises, en tout cas elles ne sont pas contraignantes pour moi. Le rôle de la documentation est essentiel, j'y puise tout ce qui peut m'inspirer. Ce qui n'empêche pas la simple inspiration de tenir une place non négligeable.
Actusf : Cette réédition a-t-elle été révisée ? Qu'est-ce que vous avez changé ?
"L'exercice, pour moi, a été d'améliorer l'ensemble sans dénaturer la vision originelle."
Laurent Genefort : Beaucoup de choses. La première version des Chasseurs de sève, celle du Fleuve Noir, a été
écrite en grande partie de nuit, quasiment sans notes ni plan. C'était sympa, mais très imparfait, dans la structure comme dans le style. L'exercice, pour moi, a été d'améliorer l'ensemble sans dénaturer la vision originelle. Au moment de la réécriture, je l'ai envisagé comme s'il avait été écrit par quelqu'un d'autre - ce qui était le cas, d'une certaine manière.
Actusf : C'est un roman qui ressort 20 ans après sa première parution. Y'a't-il un plaisir particulier à retrouver ses personnages ?
Laurent Genefort : Du plaisir bien sûr, mais les personnages souffraient tout de même de beaucoup de défauts
qu'il m'a fallu corriger. Le vrai plaisir provenait du sentiment d’œuvrer à une "version canonique" du texte. C'est tout l'intérêt de mes rééditions chez Critic.
Actusf : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Laurent Genefort : Je quitte le space opera pour quelque temps. En ce moment, je travaille à une uchronie se déroulant dans un 1925 alternatif où (entre autres) la Première Guerre mondiale n'a pas eu lieu et la première Révolution russe a réussi. Une fresque de longue haleine, puisque l'idée de base remonte à une quinzaine d'années et que j'ai accumulé des centaines de notes. J'ai également un autre projet, dont l'action se situe dans une morgue extraterrestre (ne riez pas). Et des projets, toujours, dans la bande dessinée.