Toujours polémique – son récent texte sur la victoire de Barack Obama le prouve –, toujours exilé pourtant sur cette terre américaine dont il se revendique avec ferveur, et toujours catholique pratiquant, Maurice G. Dantec nous revient. Pourtant toujours surprenant.
Après son diptyque post-apocalyptique Cosmos Inc. / Grande Jonction et son recueil de nouvelles paru aux éditions Albin Michel, c'est, encore une fois, sur fond de rumeurs de mercato éditorial que paraît Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute. D'abord annoncé chez Plon, c'est finalement la vénérable maison de la rue Huyghens qui porte le bébé sur les fonts baptismaux des librairies.
Comme un road trip sur l'onde de choc d'un monde en pleine déroute...
À la suite d'un braquage banlieusard, un couple prend la tangente et entame une cavale millimétrée, qui va devoir le conduire jusqu'en Asie du Sud-Est, via le Maroc et l'Afrique orientale.
Leur plan a été longuement préparé. De fausses identités numériques plus vraies que nature vont leur permettre de s'échapper. Leur planning a été méticuleusement mis au point. Et tout fonctionne à merveille, jusqu'à... ce que le fantôme d'Albert Ayler, coincé avec son saxophone dans la station Mir en déroute, ne s'invite dans leurs rêves. Plus exactement dans ceux de Karen, la compagne du narrateur, qui pousse la paranoïa jusqu'à ne pas nous réveler son nom. Tout juste sait-on de lui qu'il a été aspirant poulet, spécialisé dans la traque numérique. Ce qui explique sans doute la précision maniaque de son plan, et le ressentiment qu'il nourrit vis-à-vis de cette république qu'il s'apprêtait à servir avant qu'elle ne découvre qu'il était porteur du virus Schiron-Aldiss.
Saloperie surgie de nulle part, ce neuro virus se manifeste par des phases maniaco dépressives particulièrement aiguës. Si les down sont spectaculaires, les up conduisent les porteurs du virus à des phases d'ultra-lucidité qui confinent à la clairvoyance. Incapables d'endiguer sa propagation, et surtout incapables d'en mesurer les effets, les grandes nations modernes ont décidé de traiter le virus Shiron-Aldiss par la quarantaine. C'est dans un camp réservé aux malades que Karen et le narrateur se sont rencontrés, et ont choisi la fuite, plutôt que l'internement et l'aliénation.
Et c'est dans la dernière ligne droite, que, profitant des capacités neuronales dopées de nos deux héros, le fantôme du jazzman – retrouvé mort un matin de 1970 sur les bords de l'East River – se manifeste, liant mystérieusement leur destin et le salut de l'humanité toute entière, à celui des trois astronautes de la vieille station soviétique, en passe de se désintégrer en rentrant dans l'atmosphère terrestre.
Comme une fragrance du passé qui nous ramènerait en des temps moins équivoques.
Deux cent dix pages d'un papier bourgeoisement bouffant, un tel format pourrait, pour Maurice G.Dantec, faire figure de novella. Le style d'ailleurs l'évoque. Un langage direct, très parlé, qui nous amène directement au cœur de l'action. On suit. Et vite. C'est une sorte de retour à la veine polardeuse de ses débuts. On pense bien-sûr à La Sirène rouge, voire aux Racine du mal, sauf que... sauf que Dantec y reprend avec habileté ses thèmes les plus chers, développés au cours de ces dernières années. La déshumanisation de la société, sa trop grande dépendance technologique qu'il rend ici omniprésente, son mysticisme qu'il dilue ici dans un fantastique angélique, et son dada nietzschien du surhomme qui l'accompagne depuis ses débuts et son étude de Deleuze.
Toutefois, il retrouve cette fois la voie du fictionneur. Des lectures qui, immanquablement, ont accompagné son écriture, il ne fait plus état qu'indirectement, les intégrant parfaitement au cœur de son intrigue. Il se refuse aussi à tout prosélytisme. Il laisse chacun dans son rôle. À l'auteur un propos qu'il laisse au lecteur le soin dedécrypter lui-même. Bref, Maurice G.Dantec redevient le romancier qu'il avait été, avant de se transformer en croisé lettré. Ce qui est d'autant plus étonnant qu'il n'a plus à sa disposition la soupape du pamphlet, le discrètement sulfureux American Black Box étant le dernier tome de son Théâtre des opérations. Et plutôt que de jouer les pythies funestes, il préfère planter son décor avec habileté. Dantec convainc sans peine avec cette société ultra-fliquée qui, plutôt que de nous plonger dans une noirceur d'encre, laisse comme les séquelles d'une asphyxie, une fois le livre refermé.
Évidemment, on se réjouit de ces retrouvailles, en dépit, peut-être, de la relative légèreté de l'ouvrage, qui reste un agréable digest de Dantec, mais manque peut-être un peu de souffle. Oui... vous allez me dire qu'on n'est jamais content, mais de Dantec on attend toujours le meilleur. Cela étant, on peut se dire (et s'en féliciter) que Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute augure de la nouvelle mutation du "snipper métacodal", puisque, d'évidence, il était, avec ses précédents romans, arrivé au bout de son modèle de messianisme romanesque. Mais sait-on jamais avec Maurice G.Dantec ?
Après son diptyque post-apocalyptique Cosmos Inc. / Grande Jonction et son recueil de nouvelles paru aux éditions Albin Michel, c'est, encore une fois, sur fond de rumeurs de mercato éditorial que paraît Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute. D'abord annoncé chez Plon, c'est finalement la vénérable maison de la rue Huyghens qui porte le bébé sur les fonts baptismaux des librairies.
Comme un road trip sur l'onde de choc d'un monde en pleine déroute...
À la suite d'un braquage banlieusard, un couple prend la tangente et entame une cavale millimétrée, qui va devoir le conduire jusqu'en Asie du Sud-Est, via le Maroc et l'Afrique orientale.
Leur plan a été longuement préparé. De fausses identités numériques plus vraies que nature vont leur permettre de s'échapper. Leur planning a été méticuleusement mis au point. Et tout fonctionne à merveille, jusqu'à... ce que le fantôme d'Albert Ayler, coincé avec son saxophone dans la station Mir en déroute, ne s'invite dans leurs rêves. Plus exactement dans ceux de Karen, la compagne du narrateur, qui pousse la paranoïa jusqu'à ne pas nous réveler son nom. Tout juste sait-on de lui qu'il a été aspirant poulet, spécialisé dans la traque numérique. Ce qui explique sans doute la précision maniaque de son plan, et le ressentiment qu'il nourrit vis-à-vis de cette république qu'il s'apprêtait à servir avant qu'elle ne découvre qu'il était porteur du virus Schiron-Aldiss.
Saloperie surgie de nulle part, ce neuro virus se manifeste par des phases maniaco dépressives particulièrement aiguës. Si les down sont spectaculaires, les up conduisent les porteurs du virus à des phases d'ultra-lucidité qui confinent à la clairvoyance. Incapables d'endiguer sa propagation, et surtout incapables d'en mesurer les effets, les grandes nations modernes ont décidé de traiter le virus Shiron-Aldiss par la quarantaine. C'est dans un camp réservé aux malades que Karen et le narrateur se sont rencontrés, et ont choisi la fuite, plutôt que l'internement et l'aliénation.
Et c'est dans la dernière ligne droite, que, profitant des capacités neuronales dopées de nos deux héros, le fantôme du jazzman – retrouvé mort un matin de 1970 sur les bords de l'East River – se manifeste, liant mystérieusement leur destin et le salut de l'humanité toute entière, à celui des trois astronautes de la vieille station soviétique, en passe de se désintégrer en rentrant dans l'atmosphère terrestre.
Comme une fragrance du passé qui nous ramènerait en des temps moins équivoques.
Deux cent dix pages d'un papier bourgeoisement bouffant, un tel format pourrait, pour Maurice G.Dantec, faire figure de novella. Le style d'ailleurs l'évoque. Un langage direct, très parlé, qui nous amène directement au cœur de l'action. On suit. Et vite. C'est une sorte de retour à la veine polardeuse de ses débuts. On pense bien-sûr à La Sirène rouge, voire aux Racine du mal, sauf que... sauf que Dantec y reprend avec habileté ses thèmes les plus chers, développés au cours de ces dernières années. La déshumanisation de la société, sa trop grande dépendance technologique qu'il rend ici omniprésente, son mysticisme qu'il dilue ici dans un fantastique angélique, et son dada nietzschien du surhomme qui l'accompagne depuis ses débuts et son étude de Deleuze.
Toutefois, il retrouve cette fois la voie du fictionneur. Des lectures qui, immanquablement, ont accompagné son écriture, il ne fait plus état qu'indirectement, les intégrant parfaitement au cœur de son intrigue. Il se refuse aussi à tout prosélytisme. Il laisse chacun dans son rôle. À l'auteur un propos qu'il laisse au lecteur le soin dedécrypter lui-même. Bref, Maurice G.Dantec redevient le romancier qu'il avait été, avant de se transformer en croisé lettré. Ce qui est d'autant plus étonnant qu'il n'a plus à sa disposition la soupape du pamphlet, le discrètement sulfureux American Black Box étant le dernier tome de son Théâtre des opérations. Et plutôt que de jouer les pythies funestes, il préfère planter son décor avec habileté. Dantec convainc sans peine avec cette société ultra-fliquée qui, plutôt que de nous plonger dans une noirceur d'encre, laisse comme les séquelles d'une asphyxie, une fois le livre refermé.
Évidemment, on se réjouit de ces retrouvailles, en dépit, peut-être, de la relative légèreté de l'ouvrage, qui reste un agréable digest de Dantec, mais manque peut-être un peu de souffle. Oui... vous allez me dire qu'on n'est jamais content, mais de Dantec on attend toujours le meilleur. Cela étant, on peut se dire (et s'en féliciter) que Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute augure de la nouvelle mutation du "snipper métacodal", puisque, d'évidence, il était, avec ses précédents romans, arrivé au bout de son modèle de messianisme romanesque. Mais sait-on jamais avec Maurice G.Dantec ?