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Conséquences d'une disparition

Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 13/09/2018  -  livre
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Christopher Priest - Conséquences d'une disparition

Priest, cet écrivain qu’on a tant aimé

 

Depuis Le monde inverti (1974), l’amateur de science-fiction attend avec une certaine impatience la sortie d’un nouveau roman de l’anglais Christopher Priest. Comparé à tort à Philip K. Dick à ses débuts, Priest travaille au contraire sur la mémoire, sur la façon dont les souvenirs se refaçonnent de manière subjective ainsi que sur la réalité et sa perception. Pas de simulacres cependant chez lui. Il est capable dans Le glamour (Robert Laffont, 1986) d’écrire une histoire de deux points de vue radicalement différents, avec un brio rare. Récemment, il a publié L’adjacent (Denoël, 2015), sorte de roman récapitulatif de son œuvre où on trouve des échos de La séparation (Denoël, 2005) et de son cycle de L’archipel du rêve, ce dernier étant le théâtre de L’inclinaison (Denoël, 2016). Il nous revient avec Conséquences d’une disparition qui a comme point de départ les évènements du 11 septembre et leurs conséquences sur la vie d’un homme (et aussi d'une femme).

Comment vivre la perte ?

En 2001, le journaliste anglais Ben Matson vit une histoire d’amour passionnée avec la belle Lilian Viklund. Son seul problème est qu’elle est mariée (mais sur le point de divorcer, dit-elle) à Martin Viklund, un haut fonctionnaire américain très bien placé dans l’appareil de sécurité. Lilian disparaît dans les attentats du 11 septembre, laissant un Ben abasourdi et plein de chagrin. Vingt ans après, la disparition du scientifique Kyril Tatarov, que Matson a interviewé deux fois et sur lequel il a écrit le scénario d’un film médiocre, fait la une tandis qu’on retrouve dans l’Atlantique les débris d’un avion qui ressemble beaucoup de celui qu’avait emprunté Lilian. Ben Matson, qui a refait sa vie avec Jeanne avec qui il a deux fils, est replongé dans le passé, un passé qui ne l’a jamais quitté. Et il a à gérer sa belle-mère, un peu folle, qui croit avoir rencontré Lilian. Un lien existe-t-il entre la mort de Lilian, celle de Tatarov et la découverte des débris de cet avion ?

Éblouissant et fascinant

Voici un livre à la narration non linéaire, comme souvent chez Priest, qui constitue un tour de force littéraire. Un mot cependant sur le décor du livre : ici Priest dépeint un personnage qui se met à douter sur certains points des attentats du 11 septembre et en tire une fiction qui ne se veut pas une apologie de thèses conspirationnistes. Au cœur de ce roman, il y a la perception de la réalité, une réalité qui se recompose au fil du temps. Et la réflexion sur la réalité débouche dans le cadre de ce roman sur une perception différente du 11 septembre. Pourtant, il ne se s’agit pas ici du seul thème du livre. Au fond, Ben Matson est un être qui souffre d’avoir perdu la femme qu’il aimait et il ne se satisfait pas des explications qu’on lui fournit (y compris celle du mari). Il a du mal à accepter la fin de Lilian, sa disparition complète. Les derniers chapitres du roman lui offrent d’ailleurs une occasion de faire son deuil et de se réapproprier L’être tant aimé… Dépourvu de tout effet, Conséquences d’une disparition émeut et offre aussi une peinture de notre futur proche (avec une Grande-Bretagne fragmentée par le Brexit) finalement horrible car plausible. Voici en tout cas un excellent livre d’un des plus grands écrivains de science-fiction vivant actuellement. Plus que recommandé, vital !

 

Sylvain Bonnet

 

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