Avec plusieurs dizaines de pseudonymes et quelques milliers d'histoires publiées, Jean Raymond Marie de Kremer figure probablement parmi les écrivains flamands les plus prolifiques. Bien connu en France sous le nom de Jean Ray, la majeure partie de son œuvre fut publiée en néerlandais sous celui de John Flanders. Pendant de nombreuses décennies, l'inquiétant fleuve d'encre noire qui a coulé de la plume du biographe d'Harry Dickson inonda un grand nombre de domaines : la bande dessinée, les ouvrages pour la jeunesse et, surtout, les terres fertiles du policier et du fantastique. Cette crue littéraire a laissé chez les bouquinistes un nombre impressionnant de volumes que l'on peut encore trouver à vil prix. C'est une infime partie des textes écrits directement en français par John Flanders qui fait la matière des Contes d'horreur et d'aventure.
Mystères flamands, fantômes du nord et autres hollandais volants.
Angleterre, îles Feroé, Danemark, c'est autour de la mer du Nord, voire sur ses eaux traîtresses, que se déroulent les histoires de John Flanders. L'ambiance est humide et glaciale, dans les foyers des auberges crépitent des flammes maigres pendant que les marins transis tentent de se réchauffer le gosier en buvant du gin, du rhum et de la bière bon marché. L'alcool délie les langues et nous donne alors l'occasion d'écouter les récits les plus extravagants. Leurs protagonistes ne sont pas des anges, mais ils n'ont certes pas tous mérité d'affronter les diableries qu'ils découvrent en travers de leur route. Les spectres de la maison hantée de Shoreham ou d'ailleurs, un vieux trésor viking gardé par une bête monstrueuse, d'antiques malédictions, ces contes d'horreur et d'aventures portent indiscutablement la marque de Jean Ray.
Les dieux sont belges, John Flanders les a vus !
Jean Ray, John Flanders, français, flamand, peu importe la langue ou le pseudonyme, la lecture de quelques lignes suffit pour identifier l'origine de ces récits dans lesquels nous retrouvons toute l'ambiance particulière au plus fameux des auteurs belges. Si les dieux de l'antiquité reviennent parfois, comme dans Malpertuis, son chef d'œuvre, certaines créatures sont quant à elles issues du bestiaire personnel de John Flanders. Inégalement répartie en trois thèmes distincts, fantastique, aventure et contes marins, cette trentaine de nouvelles reste cependant rétive à toute classification : les contes marins recèlent maints éléments fantastiques et les récits d'aventures possèdent plus que leur part d'horreur tandis que certaines histoires de fantômes se déroulent en pleine mer... Qu'importe l'étiquette, il suffira de se laisser emporter par le style très proche des légendes populaires. Les livres de John Flanders prennent en effet souvent une allure de collectage d'un patrimoine oral car plus encore qu'un auteur, il était conteur et authentique créateur de mythes. Ses Contes d'horreur et d'aventures sont ainsi comparables aux récits qu'un vieil oncle, mythomane particulièrement doué, pourrait raconter à la veillée à un public avide de sensations...
Certains de ces textes ont été repris dans divers recueils au cours des années quatre-vingt, principalement aux éditions NEO qui avaient alors entrepris d'éditer les œuvres de Jean Ray, une tâche cyclopéenne dont personne n'est jamais venu à bout. Quelques nouvelles, et non des moindres, ne sont pourtant disponibles que dans cette anthologie qui constitue une bonne introduction à l'univers de Jean Ray / John Flanders.