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Corruption

Didier Convard (Scénariste), Christian Gine (Dessinateur), Rita (Coloriste)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/03/2005  -  bd
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Corruption

Gine et Convard est l’un des couples de scénariste-dessinateur que l’on ne présente plus. Didier Convard est surtout connu pour sa saga ésotérique du Triangle Secret (Glénat) qui se poursuit aujourd’hui avec I.N.R.I. (Glénat). Il rencontre Christian Gine, de son vrai nom Martinez, dans les pages du journal Tintin, magazine où seront publiées les premières planches de Neige (Glénat), série post-apocalyptique à découvrir absolument et qui compte aujourd’hui douze tomes. Forts du succès de Neige, les deux auteurs s’attèlent à une nouvelle série qui prend comme cadre un monde aquatique, Finkel, du nom de son personnage principal. Le sixième tome, Esta, qui inaugurait un second cycle était paru en août 2001 et les couleurs sont toujours assurées par la femme de Gine, Rita.

« Elle va pratiquer la Vorum Häwein jusqu’à l’extrême… Jamais personne n’aura osé la tenter avant elle, c’est.. C’est impossible ! »

Sa’Bbal, seigneur du peuple de géants les Nek’Amas, sent que la victoire sur la Feder-Compagnie est toute proche. Caché dans les vestiges de l’ancienne cité de l’Oxoüen-Pôle, il peaufine son plan d’attaque avec ses alliés les répugnants « peaux-d’écailles » et les princes-félons afin de faire main basse sur le seul gisement de liqueur d’existence et régner ainsi sur le Saint Commerce, ruinant du même coup la Feder. Il retient également prisonniers le marin-lige Finkel et le moine Bérith, ses deux ennemis les plus puissants, les seuls capables de faire échouer ses plans de conquête et qui sont également les deux pères d’Esta. Cette dernière est tombée amoureuse de lui, il va pouvoir ainsi mettre à contribution ses talents de happeuse. Les trois Grandes Terres lui tendent les bras. Ce dont il ne se doute pas, c’est qu’Esta réalise sur lui l’une des passes les plus dangereuses, celle de la corruption. Elle use et abuse de ses charmes pour s’introduire dans son esprit et l’entraîner lentement dans les limbes, un espace-temps de non-mort et de non-vie. Afin de contrer la guerre qui se prépare, Esta va s’oublier elle-même en se condamnant à errer avec lui jusqu’à la fin des temps. Ses deux pères ne peuvent se résigner à lui laisser commettre l’irréparable.

Un retour plus sombre que les précédents albums

Parfois l’attente est longue, mais lorsque l’on voit le résultat, aucun doute ne subsiste. La série de Gine et Convard était déjà de qualité mais ce septième album lui redonne un second souffle, creuse l’univers et les personnages de Finkel de manière étonnante et sombre. Le scénario est toujours aussi dense bien que cette fois, les intrigues politiques et l’action cèdent le pas à une histoire plus intime, celle d’Esta qui prend tout à coup une stature et une dimension qu’on ne lui connaissait pas. Elle est vraiment le centre névralgique du récit, plongeant les êtres qui l’aiment dans les affres d’une douleur que seul l’amour peut provoquer. Esta en se corrompant et en s’avilissant avec la passe de la Vorum Häwein devient non seulement un personnage tragique mais pousse l’humanisme de la série jusqu’à sa part la plus sombre. Pour sauver son monde, elle use du plus fort des filtres, l’amour, pour abuser Sa’Bbal, et s’introduire dans les méandres de son esprit par la voie du plaisir charnel, seule faille du géant. Peu à peu, la série Finkel s’est assombrie, les personnages de quelque bord qu’ils soient sont à la fois plus déterminés et plus fragiles, les grandes notions de Bien et de Mal s’écornent pour laisser entrevoir des zones d’ombre. Les répugnants « peaux-d’écailles » sont les rebuts de la toute puissante Feder et Sa Baal se bat pour les enfants rêves de son peuple. Avec ce volume plus mature, moins naïf, plus âpre et plus désespéré, Finkel gagne en profondeur et en densité, et évite ainsi de s’enliser dans un prêt-à-penser gentillet et candide.

Gine, qui nous avait habitué aux grands horizons, aux espaces ouverts sur l’infini de la mer, confine ici ses personnages dans une cité à l’abandon, créant une sourde oppression qui se fait l’écho du scénario. Avec sa femme aux pinceaux, il offre une bonne idée de ce que pourrait être l’esprit d’Esta abandonnée au gouffre, au néant, un état passablement difficile à retranscrire graphiquement, en usant d’images déformées et d’un jeu de couleurs certes un peu psychédélique mais efficace. En refermant cet album, on se prend à attendre déjà la suite, en espérant sincèrement qu’il ne nous faudra pas languir trois années supplémentaires.

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