A l'occasion de la sortie en mars aux éditions Actusf de La Reine des Esprits, premier tome de la série Coup d’État, Valérie Simon revient avec nous sur l'écriture de ce roman.
Actusf : Coup d’État - La Reine des Esprits, votre nouveau roman, vient d’être réédité aux éditions Actusf, Il s’agit d’un premier tome. Comment est-né ce roman ?
"J'avais envie d'un monde sans magie, et d'un monde où l'opposition du Bien et du Mal ne serait pas forcément manichéenne. Un monde très humain, en somme, rempli de sentiments: amour, haine, jalousie, convoitise, cruauté, désir de vengeance... "
Valérie Simon : J'avais envie d'un monde sans magie, et d'un monde où l'opposition du Bien et du Mal ne serait pas forcément manichéenne. Un monde très humain, en somme, rempli de sentiments: amour, haine, jalousie, convoitise, cruauté, désir de vengeance...
Après Arkem la pierre des ténèbres, et La Captive des hommes de bronzes (Ed. de l'Archipel), qui sont tous les deux des "road movies", j'ai eu très vite envie d'un mode narratif moins linéaire. L'idée d'un roman à plusieurs voix s'est vite imposée. J'ai adoré entrecroiser le destin de différents personnages, de faire avancer l'intrigue en fonction de leurs désirs, et des évènements qu'ils étaient appelés à vivre. Cela m'a permis un découpage plus scénaristique, sur lequel je me suis follement amusée.
Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’intrigue de La Reine des Esprits ?
Valérie Simon : Une jeune fille vient prendre possession de son héritage, dans un royaume qui tient sa richesse du Cristal, une matière première absolument nécessaire à l'organisation économique de tout un empire. Ce royaume est donc très riche, mais aussi extrêmement convoité. Énormément de monde ne pense qu'à s'attirer une part du gâteau, l'empire rauthan en premier. Du coup, chacun y va de son petit conflit personnel, et de ses intrigues.
Actusf : Lorsque votre héroïne, Alia, princesse et héritière du royaume d'Alysbeen, rentre chez elle, tout ne se passe pas comme prévu. Pouvez-vous nous parler d’elle ?
Valérie Simon : Alia est une très jeune fille en pleine crise d'adolescence. Elle a un passé très lourd à porter: un jour, alors qu'elle était enfant, sa mère a été assassinée, et ce drame a tout changé dans sa vie. Son père s'est débarrassé d'elle en l'envoyant vivre chez leurs ennemies. Il l'a forcée à grandir dans un monde dur, dénué d'affection. Lorsqu'il la rappelle auprès de lui, ce n'est que pour l'introniser officiellement héritière. Or, elle attend de lui autre chose. elle aimerait qu'il l'aime.
Elle revient donc pleine de colère, et pleine de questions. Peu à peu, elle découvre qu'elle n'a rien d'ordinaire. Pour commencer, elle est une femme dans un monde d'hommes. Ensuite, elle a reçu une formation d'Initiée Denaia, mais elle est désavouée par ses semblables. Surtout, elle est à la tête d'un royaume qu'on veut lui ravir. Enfin, elle a été éduquée à être dure et impitoyable, sauf qu'au fond d'elle-même, elle n'est pas ainsi. Alors, quand elle découvre qu'en plus elle est capable de lire les pensées des hommes qu'elle touche, c'est très vite la panique. Elle se rend compte qu'elle est seule. Désespérément seule.
Actusf : Vous avez créé un monde où la magie à cours et Alia possède certains pouvoirs. Comment avez-vous conçu le fonctionnement de cette magie ? A-t-elle des limites ?
"En réalité, il ne s'agit pas vraiment d'un pouvoir magique, mais d'un pouvoir télépathique hérité du "troisième œil" des reptiles."
Valérie Simon : En réalité, il ne s'agit pas vraiment d'un pouvoir magique, mais d'un pouvoir télépathique hérité du "troisième œil" des reptiles. Chez nos reptiles très terriens, ce troisième œil permet de définir une intensité lumineuse. Dans le monde que j'ai créé, où la faune est assez reptilienne, j'ai transformé cet "œil" en un sens supplémentaire, qui permet à certains êtres humains de communiquer télépathiquement avec des reptiles.
Ce don, exclusivement féminin, est cultivé depuis des millénaires par les Initiées Denaia. Il a évolué, permettant à certaines Initiées de lire les pensées de leur amant, au moment d'un rapport sexuel. Mon héroïne, Alia, est une mutante car son propre don va au-delà de ce qui existe déjà: il lui permet de lire l'esprit des hommes qu'elle touche.
Sauf que ce don est aussi une malédiction : il complique sacrément les relations humaines et, en plus, il la rend malade.
Actusf : Les Initiées Denaia sont un ordre puissant qui noyautent de l’intérieur les hautes sphères. Ces initiés sont dirigées par une femme et ont reçu un entraînement étonnant et extrêmement rigoureux. Comment avez-vous créé cette confrérie ? Les femmes et le pouvoir sont au centre de l’intrigue. Est-ce une façon de rêver votre société idéale ?
"Qui pourrait rêver d'un monde où, qu'on soit un homme ou une femme, on ne pense qu'à dominer l'autre?"
Valérie Simon : Je me suis demandée ce qui se passerait si, dans un monde patriarcal, des femmes essayaient tout de même de s'arroger un peu de pouvoir. Comment s'y prendraient-elles? J'ai imaginé que le nerf de cette guerre était l'éducation. Je les ai donc regroupées dans une école, pour qu'elles puissent se transmettre de générations en génération leur intime connaissance de l'âme humaine, et la façon de la diriger.
La politique leur étant interdite, elles n'ont d'autre choix que de la noyauter de l'intérieur, en devenant espionnes et intrigantes. Très vite, elles comprennent que pour diriger en sous main, il n'y a pas de meilleur endroit que l'oreiller. Elles ont donc développé l'art de la beauté et la science du plaisir, en devenant ainsi des sortes de super-courtisanes. Or, à force de jouer avec l'amour, les sentiments et le désir, elles méprisent ce qu'elles considèrent comme des faiblesses.
Fatalement, les hommes qui les désirent tout en les craignant les considèrent comme des sorcières dangereuses, qu'il faut éliminer.
Donc, non, ce n'est pas un monde idéal! Qui pourrait rêver d'un monde où, qu'on soit un homme ou une femme, on ne pense qu'à dominer l'autre? C'est au contraire un monde dénué d'empathie, froid, cruel, où les personnages ne sont animés que par la convoitise.
Actusf : Quelles ont été vos sources d’inspirations pour ce roman ?
"Je voulais un monde rempli de favorites, d'hommes et de femmes en grâce ou en disgrâce..."
Valérie Simon : D'abord les reptiles, qui me fascinent. Il y a chez les reptiles quelque chose de brut, d'instinctif au premier degré, de capacité à survivre à presque tout qui force le respect.
J'ai aussi pas mal utilisé le mode de vie des insectes, en particulier ceux qui vivent en communauté. Cela m'a amenée à m'intéresser aux sociétés communautaires humaines, en particulier dans la religion, qui sont souvent très hiérarchisées.
Enfin, pour décrire l'aristocratie de mon univers, je me suis beaucoup inspirée des cours royales en Europe, surtout celle de Louis XIV, où il y avait tant d'intrigues entre courtisans. Je voulais un monde rempli de favorites, d'hommes et de femmes en grâce ou en disgrâce...
Actusf : Comment travaillez-vous ? Établissez-vous un plan précis ou laissez-vous votre plume vous guider ?
Valérie Simon : Je pense beaucoup mon roman avant de commencer à écrire, puis j'élabore un plan. Au début, il ne s'agit que de quelques phrases, puis je densifie mon récit au fur et à mesure. Je crée en parallèle une ambiance visuelle, des personnages, une architecture, des vêtements. Une fois que mon imagination est imbibée de ces images, je m'occupe du découpage de l'intrigue, de façon détaillée. Je travaille toujours à partir d'un scénario, chapitre par chapitre, puis je laisse ma plume me guider...
Actusf : Pourquoi choisir la fantasy ? Était-ce plus simple pour parler de certains sujets, tel les rapports entre l’homme et la nature ?
"Pour moi, la fantasy est une porte qu'on ouvre, une invitation au voyage. Elle dégage un souffle épique, quelque chose de grandiose."
Valérie Simon : J'apprécie la liberté que confère la fantasy. On peut inventer n'importe quoi, il n'y a pas de limites. J'aime créer des éco-systèmes cohérents, définir une faune, une flore, un climat. Pour moi, la fantasy est une porte qu'on ouvre, une invitation au voyage. Elle dégage un souffle épique, quelque chose de grandiose. Après, c'est vrai, elle est aussi un excellent moyen d'évoquer des sujets d'actualité sans passer pour un donneur de leçons.
Maintenant, j'avoue bien humblement que ce qui m'intéresse en premier, c'est de raconter des histoires. Pour moi, la fantasy est un excellent endroit pour raconter des histoires.
Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Valérie Simon : Je suis en train de finaliser les derniers détails du tome 2 de la Reine des Esprits, tout en écrivant sous pseudo des romans qui ne sont pas de la SFFF. J'espère aussi finaliser bientôt un second recueil de nouvelles dans la lignée de Cœur à corps (Bragelonne).
Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?
Valérie Simon : Je n'ai pas encore eu le temps de beaucoup réfléchir à mes prochaines rencontres, car je suis en phase d'écriture jusqu'en mai.
