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D'Artagnan, journal d'un cadet

Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 29/02/2008  -  bd
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D'Artagnan, journal d'un cadet

Nicolas Juncker signe avec D’Artagnan, journal d’un cadet son troisième album pour [Treize étrange]. Spécialiste des one-shots de qualité, Juncker, dont le premier opus, Le Front, réussissait le tour de force de passionner son lecteur sous la forme d’un récit muet, choisit cette fois de faire résonner la voix d’Alexandre Dumas à travers celle de d’Artagnan dans cette adaptation des Trois Mousquetaires.

« C’est par son courage, entendez-vous bien, par son courage seul, qu’un gentilhomme fait son chemin aujourd’hui.  »

Bon, pour le pitch, ce n’est pas compliqué : Nicolas Juncker suit de près la trame du roman d’Alexandre Dumas, et choisit de faire commencer son récit par l’arrivée du futur mousquetaire à Paris. Nous assistons donc, dès le premier chapitre, à la naissance d’un mousquetaire et à celle de son amitié légendaire avec ses compagnons d’armes. On couvrira ainsi les amours des mousquetaires, l’affaire du collier de la reine et l’accession finale à une lieutenance des mousquetaires.

« Ne craignez pas les occasions et cherchez les aventures »

Des aventures, au regard de la matière offerte par Dumas, Nicolas Juncker en disposait d’un grand nombre. La question de l’adaptation, dans le cas de la conversion d’un roman de l’ampleur des Trois Mousquetaires en un one-shot de 250 pages, passe entre autres par celle de la sélection. Que retenir parmi tous ces récits, quelles lignes de forces mettre en évidence, et comment faire parler tous ces éléments retenus ?

La première stratégie de Juncker est de choisir la forme du journal : d’Artagnan sera le conteur de l’histoire de sa vie. Notons qu’en faisant ce choix, Juncker opère un retour aux sources, Alexandre Dumas disant dans sa préface aux Trois Mousquetaires avoir trouvé l’inspiration dans la lecture des Mémoires de M. d’Artagnan de Courtilz de Sandras. D’emblée, les aventures sont donc inscrites dans l’intime, dans la subjectivité. De ce choix naissait une difficulté importante : donner un ton juste à la voix et au regard de d’Artagnan. Pari réussi, Juncker fabrique ses dialogues à partir d’extraits du texte de Dumas, et le passage du « il » au « je » fonctionne. La distance, l’humour, propres à l’œuvre sont conservés, et le choix du prisme exclusif d’un personnage permet de faire résonner avec une belle force la dimension affective de cette histoire d’amitié. L’auteur parvient à créer un savant équilibre entre les scènes d’action guerrière et les scènes dévoilant l’apprentissage affectif des héros.

« Battez-vous à tout propos »

Autre pari réussi pour Juncker : la mise en image. Si les scènes de combat sont particulièrement réussies, c’est que Juncker excelle dans l’art de la décomposition du mouvement. Il a su capter ce qu’il y avait de profondément cinématographique dans ce roman et certaines planches ont tout d’un story board qui serait parfaitement achevé. Cette capacité à faire que chaque  vignette soit traversée par un rythme à la fois propre et inséré dans une ligne mélodique plus large se retrouve à l’échelle de toute la BD, créant ainsi une belle unité.

À cela s’ajoute une autre qualité : la variété de la composition des dessins. Au fil des pages, on découvre tout d’abord un code narratif, le choix de la couleur et la forme des vignettes pour raconter le présent et le passage au noir et blanc pour rendre compte du passé ou illustrer des récits rapportés. La variété se retrouve aussi dans l’alternance entre vignettes à la composition complexe, avec un goût pour la stylisation du détail, et la production de vignettes ou de planches à l’esthétique très épurée, dont les traits anguleux et ciselés peuvent rappeler le dessin de Picasso, Mousquetaire assis contemplant une femme.

Une fois encore, Nicolas Juncker confirme son talent : la qualité esthétique et la justesse de son ton s’imposent, et à ces qualités s’ajoute l’intelligence de sa lecture d’un texte littéraire phare.

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