Au contraire de Sir Terry Pratchett, Neil Gaiman n’a pas gagné ses lettres de noblesse en écrivant les livres les plus drôles des littératures de l’imaginaire. Il serait pourtant injuste de le qualifier de triste sire, comme prouvent certains de ses textes. Son vif intérêt pour l’œuvre de Douglas Adams en témoigne, à propos de laquelle il a écrit Pas de panique !, un amusant mémoire paru en 2004 chez Folio SF. Terry Pratchett, pour sa part, est l’auteur célébrissime du cycle du disque-monde, dont les dizaines de volumes sont presque tous excellents. LES MEILLEURS D’ENTRE EUX SONT MÊME PARVENUS À ME FAIRE RIRE !
L’évangile halluciné.
Il a été décidé en Haut-Lieu que les temps de l’Apocalypse et l’ultime combat du Bien contre le Mal étaient enfin venus. Seulement, une fête pareille demande une sacrée organisation et c’est au démon Rampa que revient l’honneur des préparatifs, une perspective qui ne l’enchante guère. Depuis le temps qu’il est sur Terre, il a fini par s’y plaire et c’est avec beaucoup de mauvaise volonté qu’il participera à la venue de l’Antéchrist. Ce charmant bambin doit cependant grandir et c’est là qu’interviennent les théories de Rampa sur l’influence de l’éducation sur l’hérédité. Avec la complicité du très bibliophile Aziraphale, son rival angélique, il tentera de retarder le plus possible l’heure fatale en échangeant le bébé maudit à la naissance. Tout cela a-t-il un rapport avec le seul recueil au monde dont les prophéties soient infaillibles, écrit par Agnès Barge ?
Des blagues eschatologiques, mais sans gros mots…
L’Apocalypse, la Fin des Temps, la Lutte Finale entre les forces du Bien et du Mal, il n’y a rien de bien nouveau sous le soleil de Satan. Même dans la veine humoristique déjantée qui a guidé les auteurs, on trouve d’autres versions de ce fascinant chapitre des Évangiles. Donald Westlake, par exemple, s’y est naguère essayé avec Trop humains. Et pourtant, Messieurs Gaiman et Pratchett, s’ils ne sont pas les premiers, ne feront certainement pas partie des derniers. De bons présages constitue une véritable cure de bonne humeur et une note de joyeux désespoir qui nous rappellent une des vérités fondamentales de l’existence : le Bien et le Mal poursuivent le même but, prendre du bon temps !
Pourtant, si De bons présages est une vraie réussite du point de vue humoristique, la première moitié du livre est un tantinet prolixe... La mise en place des personnages, pourtant tous savoureux, prend le pas sur une Apocalypse qui se fait attendre. Même si les auteurs se sont visiblement bien amusés lors de l’écriture du roman et parviennent sans peine à distraire le lecteur, ils semblent s’être un peu trop reposés sur les bons mots et les situations comiques pour maintenir durablement l’attention. Heureusement, les fils de l’histoire finissent par trouver une cohésion qui redynamise l’ensemble à point nommé et donne six cent soixante-six bonnes raisons de ne pas attendre le Jugement Dernier pour passer un très agréable moment de lecture.