On a tendance à croire Jean-Jacques Girardot quand il nous annonce que son recueil Dédales Virtuels regroupe des nouvelles de Hard Science. En effet, on se rend compte tout de suite que ce Monsieur à la fois Ingénieur civil des Mines, docteur en informatique, docteur en mathématiques et actuellement directeur du département Réseaux, Information et Multimédia à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne. Il a de quoi fournir à ses récits une base scientifique qui tient la route.

Pourtant l'intérêt de ces dix nouvelles n'est pas là : comme il le dit lui-même, ses théories scientifiques qui ont plus ou moins de chances de se vérifier un jour ne sont qu'un décor. C'est l'éternelle question de savoir comment réagiront les humains quand ils seront confrontés à de nouvelles formes d'intelligences qui lie tous ces récits rédigés à plusieurs années d'intervalles.

Est-ce qu'une sauvegarde de cerveau humain est une entité pensante ?

Jean-Jacques Girardot nous propose donc de nous interroger, aux nombreux détours de son labyrinthe, sur ce que nous sommes prêts à considérer ou non comme une forme d'intelligence. Dans L'Eternité moins la vie, par exemple, il nous fait partager les interrogations d'un avocat, chargé de défendre le fait qu'un ordinateur contenant la copie d'un cerveau puisse permettre au donneur de ne pas mourir à la mort de son corps.

En plus clair : Helen Palmer est l'un des savants les plus primés de sa génération. Se sachant condamnée par une maladie incurable, elle transfère toutes ses données cérébrales dans l'ordinateur le plus abouti de ses recherches sur les intelligences artificielles. Cette machine continuant à réfléchir comme seule aurait pu le faire Helen (en se servant de ses souvenirs et de son système de pensée), ses collègues demandent à notre avocat de démontrer qu'il s'agit toujours d'Helen. Il faudra donc prouver que d'une part, la machine n'est qu'une prothèse remplaçant l'intégralité de son corps, et que d'autre part, une personne n'est pas morte tant que son esprit ne l'est pas...

Un très bon recueil

Reposant cette même question autour de plusieurs formes d'intelligences potentielles (un Extraterrestre, un clone, un virus informatique, etc) Jean-Jacques Girardot n'y répond jamais, mais, et c'est le plus important, nous apporte de nombreux éléments de réflexion.

Les nouvelles sont toutes très bien écrites et leur côté Hard Science suffisamment bien dosé pour ne pas rebuter les lecteurs qui penseraient encore que la nanotechnologie est la science qui permet aux nains de fabriquer leurs haches. On mettra également une mention spéciale aux deux parties de la nouvelle Gris et Amer. Dans une ambiance proche de celle de Je suis une Légende de Richard Matheson (Folio SF), Jean-Jacques Girardot mêle des éléments SF et fantastiques pour un résultat hors du commun, marquant et attachant.

Enfin pour terminer, n'oubliez surtout pas de lire la postface où l'auteur revient sur ses nouvelles et nous explique la symbolique de quelques-unes unes, pas forcément évidente à la première lecture mais qui au final les lient toutes en un ensemble plus que cohérent.