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Dehors, les hommes tombent - Le nouveau récit d'Arnauld Pontier
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Dehors, les hommes tombent - Le nouveau récit d'Arnauld Pontier

A l'occasion de la sortie le 25 mars de Dehors, les hommes tombent, aux éditions 1115, Arnauld Pontier revient sur l'écriture de cette novella.

Actusf : Dehors, les hommes tombent sort prochainement aux éditions 1115. Quelle a été l’idée à l’origine de cette novella ?

Arnauld Pontier : J’avais, pour une anthologie intitulée Dimension New York, parue chez Rivière Blanche en 2015, rédigé une courte nouvelle intitulée « Liberty Island ». Quelques lecteurs, dont des confrères, m’ont écrit qu’elle méritait un développement. J’étais du même avis, mais une novella me semblait mieux adaptée au propos qu’un roman (et je tenais vraiment, après Sur Mars, à proposer un nouveau texte aux Editions 1115). Je voulais aussi trouver un biais pour traiter différemment le sujet.

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur son intrigue ?

Arnauld Pontier : Nous sommes dans un futur très éloigné. Dans quelques milliers d’années. L’humanité a disparu et il ne reste d’elle que d’insignifiantes ruines. Et un Semblant : un androïde ultraperfectionné, un savant mélange biologique/cybernétique. Il est sans doute le dernier de son espèce, car il a parcouru une bonne partie de la planète sans trouver un seul semblable. Ni aucun Homme, d’ailleurs. Il se souvient du passé, du sien et de celui de l’humanité ; il nous l’évoque. Il va vers un avenir qu’il ignore. Il n’est pas très différent de nous, en fait. Même si, lui, sait qui l’a enfanté, fabriqué. C’est un cheminement intérieur qui construit ce texte, plus qu’une série d’actions.

Actusf : Pouvez-vous nous parler des Semblants. Comment les avez-vous créés ? Qui sont ils ?

Arnauld Pontier : J’ai toujours été passionné par les histoires de robots, d’androïdes, de Répliquants, de surhommes (on ne dit pas surfemmes, non ?). Mon Semblant est un « enfant » de toutes ces créatures.
Pourtant, je suis souvent resté sur ma fin : on parle peu de leur intimité, de la manière dont ils se pensent et dont ils pensent le monde. Après avoir voyagé Sur Mars, je crois qu’il me fallait un voyage intérieur ! Je voulais aussi créer une sorte de pendant « littéraire » à ma F.E.L.I.N.E., l’héroïne de ma trilogie pulp, dont l’Intégrale paraît également ce mois-ci chez Rivière Blanche : en somme, comme fil conducteur, partir d’une vision intime, plutôt que d’une aventure. Sans pour autant ennuyer le lecteur ou m’ennuyer !

Actusf : Comment avez-vous composé votre univers ? Avez-vous du faire beaucoup de recherches ?

Arnauld Pontier : Je fais toujours beaucoup de recherches, afin de délimiter ma pensée : ce qui sera mon champ d’action, d’écriture. Je dois en savoir plus sur mes personnages, leur univers, etc, que ce que je vais en écrire. Et lorsque j’aborde un aspect scientifique (en l’occurrence l’IA), il est important que mon propos soit crédible. Subjectif mais crédible.
C’est cette connaissance invisible qui, je crois, donne de la profondeur à un récit, de l’épaisseur à un personnage. Vous voyez quelqu’un, vous ne savez pas vraiment qui il est ni ce qu’il sait ou ignore, mais c’est cette somme qui fait cet individu. Qui le compose. Un personnage de fiction n’est en rien différent de quelqu’un d’existant. Il faut qui se définisse par son expérience. Ici, comme j’avais pu le faire, notamment, auparavant dans l’un de mes romans de littérature générale (Equinoxe, paru aux éditions Actes Sud en 2006), j’en dis un peu plus sur ce background qui « fait » quelqu’un. C’est, intellectuellement, un huis clos.

Actusf : Dans cette novella, l’humanité a disparu. Est-ce ce que vous imaginez comme futur ? Ou est-ce seulement une projection pessimiste ?

Arnauld Pontier : Je suis persuadé que le futur de l’humanité est bien son extinction. Dire que c’est souhaitable, n’aurait aucun sens. Au regard de qui ? Dire qu’on l’a cherché est incontestable. Mais je ne suis pas devin, il nous reste sans doute encore quelques siècles pour finir de saccager ce que la vie, dieu, le hasard, je ne sais, nous à donné : notre Terre. Et aller poursuivre notre aventure dans des boîtes hermétiques, sur la Lune, Mars ou ailleurs… Mais cette novella n’est pas pessimiste. Il faut la lire jusqu’au bout… « Manquer d’espoir n’est pas désespérer », disait Gide. Tout est fichu, mais…

Actusf : Vous écrivez de l’imaginaire. Il y a une raison en particulier ? Est-ce parce que cela vous permet d’aborder des sujets qui vous semblent importants ou tout simplement de vous amuser et de divertir les lecteurs ?

Arnauld Pontier : J’ai commencé par de la littérature générale. Et puis, je crois qu’en six ou sept romans, j’en ai fait le tour. J’ai réglé mes comptes avec mon passé, sans doute (sans me regarder le nombril pour autant). Je me suis retrouvé libre, ensuite, d’occuper un espace plus large. L’Imaginaire, par rapport à la Blanche, c’est cela : un espace de jeu plus vaste, plus ouvert, plus libre. Je n’ai pas d’autre ambition que de distraire et de faire réfléchir à ce que nous sommes en « musique » : la musique des mots, le rythme d’une phrase, c’est essentiel. C’est l’enveloppe corporelle d’une histoire.

Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspiration en particulier, littéraires ou/et cinématographiques ?

Arnauld Pontier : Comme tout auteur, mes sources d’inspirations sont mes lectures – éclectiques – et sans doute, vous avez raison, certains films. Je pense, en l’occurrence, à Blade Runner. Ou encore à Eva, Ex Machina, Automata, Lucy… Mais qui peut dire comment se construit l’inspiration ? Je ne sais plus qui disait que tout écrivain est un plagiaire, et qu’il se plagie de surcroît lui-même à chaque livre. Pour être honnête, il me semble qu’en ce qui me concerne, mes sources d’inspirations sont de l’ordre du phrasé, quelque soit le genre abordé : Barbey D’Aurevilly, Bernanos, Philippe Jacottet, Julien Gracq, Aragon, René Char, Claude Roy, Ferré, Bashung… Mon inspiration, c’est la langue. Sa poésie.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Peut-on imaginer une suite à Dehors, les hommes tombent ?

Arnauld Pontier : Une éditrice, dont j’apprécie beaucoup les choix, d’une « grande maison », m’a invité, lors du dernier salon Les Imaginales d’Epinal, à lui soumette un manuscrit. J’ai terminé ce que j’avais à faire avant (mon Intégrale F.E.L.I.N.E., dont je vous ai parlé, et cette novella pour 1115), je travaille à présent sur ce nouveau roman. Un planet opera.
Il n’y aura pas de suite à Dehors, les hommes tombent.

Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?

Arnauld Pontier : D’abord, à Grésimaginaire, les 4 et 5 avril, à Crolles (en Isère). Ensuite au Festival Imaj’nère d’Angers, les 2 et 3 mai ; aux Imaginales d’Epinal, du 14 au 17 mai. Et sans doute dans d’autres lieux, non encore fixés (sans doute au Cultura de Publier, en Haute-Savoie, et dans d’autres salons et conventions – dont certainement aux Rencontres de l’Imaginaire de Sèvres, en novembre prochain… Si j’y suis de nouveau invité !)
Si le Covid-19 ne fout pas tout en l’air.

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