- le  

Différends

Laurent Galandon (Scénariste), Michele Benevento (Dessinateur), Andrea Rosseto (Coloriste)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/10/2006  -  bd
voir l'oeuvre
Commenter

Différends

Gemelos est la seconde œuvre de Laurent Galandon après L’Envolée Sauvage. Photographe de formation, l’appel vers la bande dessinée est né du cinéma, alors qu’il dirigeait une salle d’art et essai. Le 7ème art est aussi à l’origine du travail de Michele Benevento, docteur en histoire du cinéma à la faculté de Florence et membre du studio Inventario de Bologna. En 2003, il collabore à la série Diabolik puis à Real Crimes chez Ediglod en 2004. En 2006, il réalise les dessins et la couverture de la série Nick Raider, célèbre personnage Bonelli repris par les éditions If.

Luxe, calme et volupté…

Deux gazelles lézardent autour d’une piscine bordant une villa tranquille… Au fond, les nuages immergent les montagnes…. Mais de courte durée sera le calme puisque nous sommes dans le cœur brûlant de l’Amérique Latine et des histoires tragiques, c’est-à-dire en Colombie, surnommée à juste titre « La Grande Sicile ».

Du genre tragique le scénario de Galandon ne garde que le sang et la violence. En effet, c’est bien davantage dans un soap-opéra que nous entrons, autre grande spécialité latino-américaine : Javier, médecin aux dents longues, reçoit beau-papa afin d’obtenir un soutien pour l’extension de son hôpital, financée par un homme dont il tait l’identité. Cela sent la mafia à plein nez…Le beau-père parti, il frappe sa femme enceinte car elle veut divorcer. Elle succombe de ses blessures à l’hôpital, mais son enfant survit.
Sans transition, César, un très jeune sicario, apparaît en pleine action dans le centre ville, en montage parallèle avec un match d’art martial introduisant son sosie, Fernando. Voilà le nœud de l’histoire. Persécuté par son méchant patron, Andres, qui décide de mettre sa tête à prix, César enlève Fernando afin d’échanger leurs vies…

Rien de nouveau sous le pâle soleil de la Colombie. La spirale de la vengeance est lancée, et couvrira les mains de sang. De ce récit guère original, digne d’un feuilleton, on retient l’introduction de la gémellité faisant planer une once de mystère. S’ils sont jumeaux, pourquoi ont-ils été séparés ? En outre, César et Fernando n’ont en commun que les traits. Ils appartiennent aux deux extrêmes du pays, par ailleurs interdépendants, puisque bien souvent au service l’un de l’autre. Fernando provient d’une riche famille bourgeoise et César a pour domaine les bidonvilles perchés dans les montagnes.

Une vision un peu caricaturale

Excepté ce balayage social intéressant, la construction des personnages demeure un peu superficielle. En conséquence, rien ou presque de la poésie, de la générosité et de la spiritualité de la culture colombienne ne transpire au fil des pages... Or, comme cette lointaine contrée souffre d'un déficit en représentation, l’ouvrage de Benevento et Galandon est important, car pionnier.

Le scénario laisse à désirer, mais l’esthétique est en revanche réussie. De la Colombie bourgeoise aux bas-fonds enfiévrés, de la lourdeur du ciel aux tonalités ocres et sulfureuses dominant les mégalopoles du pays, l’évocation plastique est juste, tout comme les visages, dont la grâce et le regard brûlant témoignent de la beauté si particulière aux Colombiens. Bien vue aussi, la représentation des bidonvilles comme lieu fatal remué par la poussière et le soleil, zone de Far West à la lisière de la cité. On entend presque l’harmonica d’Ennio Morricone résonner par delà les montagnes, lorsque la bande d’Andres approche lentement, la foudre plein la bouche...

De surcroît, les angles variés et efficaces ainsi que les vignettes cinémascopes nous installent dans la perspective cinégénique recherchée par la collection Grand Angle. Par ailleurs, deux films reviennent fréquemment à l’esprit au fil des pages: La Cité des dieux ainsi que La Vierge des tueurs.
Par contre, et cela est valable pour une foule d’auteurs, la règle d’une suite linéaire de vignettes rectangulaires n’est jamais transgressée, alors que cela ouvrirait une foule de nouveaux possibles formels qui seraient bienvenus vu l’aspect cinématographique de la ligne éditoriale.

Au final, cet album est une belle approche esthétique d’un pays rarement représenté et à ce titre il faut se le procurer, tout en prenant du recul avec la vision nourrie de lieux communs qu’il donne de la Colombie. On attend la suite.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?