A l'occasion de la parution de l’anthologie Dimension Uchronie 2, dirigée par Bertrand Campeis, aux éditions Rivière Blanche, Pascal Lemaire revient sur l'écriture de sa nouvelle, Mort d’un encyclopédiste.
Actusf : Bonjour, Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours en tant qu'écrivain.e ?
Pascal Lemaire : Bonjour, Alors je suis un belge de 36 ans, historien de l'antiquité et informaticien de formation, qui a réussi à trouver un job qui lui donne les moyens de vivre ses passions sans trop de compromissions. L'écriture, j'y suis venu très tôt : j'ai des brouillons qui remontent à plus de vingt ans ! Mais c'est surtout mon premier ordinateur portable, offert lorsque j'ai été envoyé en pensionnat, qui m'a donné le moyen de garder ces écrits, de les retravailler, de les faire maturer... Aujourd'hui je publie de manière quasi hebdomadaire un feuilleton sur un site web, et puis rédige quand l'envie me prends ou quand je vois un appel qui m'intéresse, que j'envoie ou non le résultat final... Par ailleurs j'ai une activité de recherche académique sur l'uchronie, présentant deux à trois conférences par an lors de colloques internationaux en Autriche, Angleterre, Espagne ou Italie par exemple.
Actusf : Comment avez-vous découvert l'uchronie ? Y a t-il une œuvre qui vous a marqué profondément ?
Pascal Lemaire : Je lis énormément, j'ai plusieurs milliers de volumes chez moi. J'ai donc sans doute rencontré de l'uchronie il y a longtemps, mélangé entre des récits de voyage temporel comme ceux de Poul Anderson et les techno-thrillers à la Tom Clancy, même si je ne m'en suis pas forcément rendu compte à l'époque de la spécificité uchronique de certains textes. Cependant je pense que le roman qui m'aura fait définitivement basculer parmi les amateurs du genre est "De peur que les ténèbres" de Lyon Sprague de Camp, un texte que j'ai découvert il y a près de quinze ans mais qui remonte dans sa version originale à 1939.
Actusf : Pourriez-vous nous expliquer comment vous êtes entré dans l'aventure Dimension Uchronie ?
Pascal Lemaire : J'ai rencontré Bertrand, l'éditeur, lors d'une journée d'étude consacrée à l'uchronie qui s'est tenue en décembre 2013 au château de la Roche-Guyon. Depuis nous n'avons cessé d'échanger, devenant bons amis. Depuis quelques temps déjà il me pressait de lui soumettre une version écrite de mes idées uchroniques, plaidant notamment pour une aventure steampunk au Congo Belge autour d'un mystérieux diamant suscitant la convoitise des sournois britanniques... Finalement ce texte n'a pas encore trouvé sa conclusion, mais par contre j'avais une petite nouvelle qui me semblait adaptée aux envie de Bertrand : sa lecture l'a effectivement conquis car c'était une uchronie qui, une fois n'est pas coutume, ne tournait pas autour de guerre ou de conflits...
Actusf : Comment s'est passé l'écriture de votre nouvelle ?
Pascal Lemaire : A l'origine le texte avait été rédigé en quelques heures pour un concours sur la plateforme Scribay, créée par Arnaud, un autre de mes amis : je fus un acteur actif sur cette plateforme à ses tous débuts, avant de m'en éloigner par manque de temps. Pour en revenir au texte, il fut donc rédigé très vite pour ce qui touche à sa structure et à son intrigue, puis il a dormi un temps sur mon disque dur avant que je ne le propose à Bertrand qui m'a toutefois demandé de le retravailler pour en augmenter les aspects descriptifs, estimant que je n'avais pas assez exploité mes connaissances d'antiquiste dans la mise en scène du récit.
Actusf : Pourriez-vous expliciter votre uchronie en nous parlant de son Point de Divergence ?
Pascal Lemaire : Le point de divergence est ici situé dans la baie de Naples au moment de l'éruption du Vésuve qui a détruit Pompéi : le commandant de la flotte romaine basée à Misène était le grand encyclopédiste Pline l'Ancien, qui décéda dans la catastrophe en essayant de sauver des victimes de l’éruption, une tentative qui est d'ailleurs au cœur d'une exposition qui a lieu actuellement au musée de la romanité à Nîmes, expo que je viens de visiter il y a quelques jours. Dans mon uchronie, Pline l'Ancien survit à la catastrophe et continue sa carrière de très haut serviteur de l'empire romain, avec un impact sur la suite de l'Empire...
Actusf : Y-a-t-il un message que vous souhaitiez faire passer en l'écrivant ?
Pascal Lemaire : Ce texte ci était un simple divertissement sans véritable message si ce n'est peut être la confiance que j'éprouve dans l'idée que chaque individu peut avoir un impact qui le dépasse s'il se donne la peine de s'engager pour plus que lui-même. De manière générale je ne cherche pas vraiment à faire passer de message spécifique dans mes textes, à une exception près : j'ai rédigé il y a quelques années une série de nouvelles pour aider un jeune garçon victime de viol à se reconstruire car je n'avais pas trouvé de textes destinés aux jeunes garçons victimes de telles atrocités. Ces nouvelles furent un temps diffusées sur Scribay et l'une d'entre elle a été sélectionné pour une anthologie en cours de préparation aux éditions Voy'el, je n'en parlerais donc pas plus ici.
Actusf : Travaillez-vous sur d'autres projets uchroniques ou souhaitez-vous en faire à nouveau par la suite ?
Pascal Lemaire : Le feuilleton que je publie en anglais sur le site alternatehistory.com, "Hadrian's Consolidation", est une uchronie dans laquelle l'Empire Romain sort consolidé suite à une série de choix de l'empereur Hadrien : c'est un texte avec lequel je teste différentes notions et concepts, en jouant notamment sur l'idée de contacts entre Rome et Chine, sur l'impact du climat et des maladies sur Rome, sur l'idée d'une proto-révolution industrielle... Ce projet dure depuis plusieurs années maintenant et a reçu l'an dernier le prix de meilleurs uchronie antique du site, donc je continue d'y travailler. Par ailleurs j'ai d'autres idées de textes sous le coude, et même un roman inspiré de Sprague de Camp qui pourrait peut être intéresser un éditeur !
Actusf : Les mots de la fin vous appartiennent, c'est à vous !
Pascal Lemaire : L'uchronie est un jeu de l'esprit que des grands comme Hérodote, Tite-Live ou Churchill ont pratiqué, mais il ne doit pas nous faire perdre de vue le présent : comme l'histoire plus classique, l'uchronie est un moyen qui doit nous aider à bâtir le futur, pas seulement des rêves ou des chimères !