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Dossier Libraire : Gibert Joseph à Paris
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Dossier Libraire : Gibert Joseph à Paris

Actusf : Quels chemins avez-vous suivis pour devenir libraire et vous occuper du rayon “Imaginaire” ?
Julien Guerry : Le chemin du hasard. Après quelque mois de fac et d’études ratées je suis allé voir mon libraire (Folie d’Encre à Montreuil) pour lui demander s'il avait un travail. Il m’a embauché pour le salon du livre jeunesse (au stand J’ai lu) et m’a pris en « extra » pour Noël. Une fois cette expérience passée, j’ai envoyé des CV un peu à tout le monde et une grande librairie m’a répondu pour un poste de… manutentionnaire. Après un an (et douze demandes officielles) je suis passé en « rayon ». J’ai changé d’enseigne peu de temps après justement pour un poste de vente dans le rayon "Imaginaire", c’était il y a 11 ans. Je m’en occupe depuis 2 ans.
 
Actusf : Parlez-vous de votre librairie et de sa taille. Pouvez-vous nous la présenter ?
Julien Guerry : Je travaille à Gibert Joseph, qui est la première librairie indépendante de France. Elle est disposée sur 7 niveaux. Le rayon "Imaginaire" est géré avec le rayon policier. J’ai une grande liberté de choix sur les titres choisis et une grande différence : l’occasion. Cela me permet d'avoir un fonds beaucoup plus important que dans une librairie traditionnelle.
 
Actusf : Comment choisissez-vous les titres que vous prenez en rayon ?
Julien Guerry : La plupart du temps il faut bien l’avouer, sur les ventes. Il nous arrive de garder un titre alors que la « logique comptable » voudrait qu’il retourne chez l’éditeur mais c'est très rare. De plus l’occasion nous permet une fois de plus de nous séparer de titres neufs, puisque l’occasion répond à la demande.
 
Actusf : Quels sont les titres qui fonctionnent le mieux ? Y a-t-il des genres qui se vendent mieux que les autres ?
Julien Guerry : Depuis peu la Bitt-Litt fait une vraie percée dans les ventes poches, mais à la nouveauté seulement. La plupart ne reste pas au fonds. En grand format cela dépend vraiment, mais même si les ventes ont baissé. Bernard Werber (mais est-ce de la SF ?) Terry Goodkind, David Gemmell et Stephen King tiennent le haut du pavé. Brandon Sanderson fait un très très bon score mais cela est dû à la vente-conseil de tout le rayon. Après, même s'ils ne se vendent pas suffisamment, beaucoup d’auteurs ou d’éditeurs ont un public fidèle. Lunes d’encre, Le Bélial ou La Volte ont un vrai public et offrent une vraie diversité à un genre qui peut parfois s’enfermer dans le stéréotype.
 
Actusf : D’après vous, quelles sont les raisons qui font qu’un livre marche bien dans votre librairie ? Quelle est la part de votre conseil, de la couverture, de l’importance de l’auteur ou du “buzz” autour du livre ?
Julien Guerry : Un peu de tout cela, mais si je connaissais la « recette miracle » je la vendrais très chère aux éditeurs. Le conseil est très important pour un livre ou un auteur encore inconnu. Mais même à trois nous ne pouvons pas tout lire, d’autant plus que nous gérons aussi le rayon policier. La couverture est primordiale, de plus en plus souvent je refuse un livre (ou alors je le commande à un seul exemplaire), car non seulement l’auteur est inconnu, l’histoire est « banale » mais en plus la couverture est hideuse, à tel point que je suis sûr que si le jury des Grazy Howard voyait tout ce qui me défile devant mes pauvres yeux, les votes seraient peut être plus serré. Quant aux « buzz » ils sont très rares. La Volte a réussi à faire grimper un livre bien au-delà du public « cible » par exemple mais la plupart du temps les ventes sont assez prévisibles.
 
Actusf : On parle souvent d’un déclin de la science-fiction par rapport à un essor de la fantasy. Avez-vous l’impression que c’est le cas ? Est-ce que la SF se vend moins bien ces dernières années ? Et la fantasy ?
Julien Guerry : Tout est relatif. Par rapport à quand ? Oui la fantasy se vend plus que la SF par rapport aux années 80 à cause de la « vague » Tolkien des années 2000. Depuis deux ans les choses se stabilisent. La fantasy perd du terrain car la Bitt-Litt lui grignote de la place. La SF elle reste stable. Ces ventes sont rarement des « cartons » mais elles se maintiennent. La Fantasy c’est un peu quitte ou double. Soit les ventes sont « bonnes », soit elles sont inexistantes.
 
 Actusf : Avez-vous l’impression dans votre librairie que les acheteurs de Bit Litt’, de science-fiction et de fantasy sont les mêmes lecteurs ?
Julien Guerry : Il existe un « socle » commun, mais le public SF est un peu plus âgé, plus expérimenté et très masculin. Le public Fantasy est assez hétéroclite et le public Bitt-Litt est jeune (très jeune) et très féminin.
 
Actusf : On parle parfois de séparer dans les rayons la science-fiction et la fantasy. Etes-vous pour ou contre ? Et pourquoi ?
Julien Guerry : Je ne sais pas trop et cela reste une question en suspens chez nous. Nous sommes encore par « collection » mais cela devrait changer cet été. Nous avons décidé d’interclasser les genres et ne séparer que deux d’entre-eux : La Bitt-Litt et les romans dit « à licence » (Star wars, Warhammer etc…). Nous ferons un essai.
 
Actusf : Comment voyez-vous la multiplication des titres et des éditeurs ? Est-ce que cela est un problème pour vous ?
Julien Guerry : Oui un gros problème ! Je n’ai pas un rayon « extensible » ni de tables en plus pour les nouveautés qui se multiplient. Le résultat est simple : une nouveauté ne reste que 4 à 6 semaine sur table. Evidement un Werber, un King ou un Goodkind vont rester plus longtemps, donc les « petits » sont pénalisés. Pour rétablir un peu les choses je remplace une nouveauté d’un éditeur par une autre nouveauté du même éditeur sur ma table. Les éditeurs qui ont comme politique la surproduction ont donc moins de temps d‘exposition.
 
Actusf : Comment gérer vous votre “fonds” ? Arrivez-vous à avoir du fonds dans votre librairie ?
Julien Guerry : Le fonds est géré en fonction des ventes et, comme je l’ai dit précédemment, l’occasion me permet un fonds beaucoup plus important.
 
Actusf : Votre métier a-t-il évolué ces dernières années ? Qu’est-ce qui a changé ?
Julien Guerry : L’augmentation du nombres de titres alors que les ventes, même si elles ont augmenté depuis dix ans, ne progressent pas autant, voire diminuent fortement depuis deux ans.
 
Actusf : Quelles ont été les meilleures ventes en 2010 ?
Julien Guerry : « Le Rire du cyclope » de Bernard Werber, « Les Citées des anciens » T1 de Robin Hobb « Stalker » des frères Strougatsk, « Fils des Brumes » T1 de Brandon Sanderson.
 
Actusf : Quels ont été vos derniers coups de cœur de lecteur ?
Julien Guerry : « Fils des brumes » de Brandon Sanderson, « Rêves de gloire » de Roland Wagner et tous les cycles de Peter F. Hamilton.

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