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Dossier Libraire : Gwalarn
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Dossier Libraire : Gwalarn

Actusf : Quels chemins avez-vous suivis pour devenir libraire et vous occuper du rayon “Imaginaire” ?
David Bars : Ouh la, ça commence bien ! C'est arrivé un peu par accident, finalement. Après un parcours post bac un peu chaotique entre Rennes et Brest, puis le service militaire en tant qu'objecteur de conscience, à un moment donné, il a bien fallu faire un peu le point.... Le bilan de compétence a été rapide : entre mes deux activités les plus intenses, les sorties (essentiellement nocturnes) et la lecture, il a fallu faire un choix professionnel... ;0) Et j'ai bénéficié d'un morceau de chance : alors que je devais partir en formation en librairie à Epernay (je dois avouer que j'étais moyennement enthousiaste, alors que j'aime beaucoup le champagne, pourtant), j'ai reçu un coup de fil pour me dire qu'une place se libérait à Gwalarn à Lannion, je les ai appelés et voilà. Quant au rayon Imaginaire, j'étais un peu le seul à m'y intéresser vraiment, et du coup à pouvoir le développer tranquillement.

Actusf : Parlez-vous de votre librairie et de sa taille. Pouvez-vous nous la présenter ?
David Bars : La librairie Gwalarn se situe sur la côte de granit rose, en Bretagne, en plein soleil donc. C'est une librairie généraliste assez importante par sa surface et son chiffre d'affaire. Environ 250 m² avec beaucoup de littérature (poche et grand format), pas mal de polar, beaucoup de jeunesse et de BD, un peu de tout du reste, et également un important fonds breton. Nous sommes 8 libraires (dont une apprentie), plus notre "metteur à part" (réception, retours, etc.) et une comptable.

Actusf : Comment choisissez-vous les titres que vous prenez en rayon ?
David Bars : Difficile à dire, ça dépend des titres.... ;o) Suivant le représentant qui me les présente et me les "raconte", je suis plus ou moins sensible à son argumentaire. On se fie aussi à plusieurs autres critères pas du tout objectifs : qui a écrit le bouquin, chez quel éditeur, est-ce de la fantasy, de la SF, à quoi ressemble la couverture (si, si, c'est important)... On regarde également les chiffres de vente, bien entendu, s'il existe un historique.

Actusf : Quels sont les titres qui fonctionnent le mieux ? Y a-t-il des genres qui se vendent mieux que les autres ?
David Bars : Difficile à dire. On peut tout de suite séparer poches et grands formats : à 9 € ou à 25 €, ça fait une différence pas du tout négligeable dans les choix de l'acheteur potentiel ! Je propose de passer aux questions suivantes, il y a quelques pistes de réponse.

Actusf : D’après vous, quelles sont les raisons qui font qu’un livre marche bien dans votre librairie ? Quelle est la part de votre conseil, de la couverture, de l’importance de l’auteur ou du “buzz” autour du livre ?
David Bars : Difficile de faire la part du buzz. Je n'en ai pas trop ressenti jusqu'à maintenant. L'importance de l'auteur.... Hum. Oui, c'est vrai, ça joue pour Stephen King, parce que les gens savent que son dernier bouquin est sorti, sa notoriété fait que c'est annoncé partout. Certains auteurs (ils se comptent sur le doigt d'une main, quand même) ont aussi des fans qui connaissent la date de sortie, voire même l'heure, un peu comme pour les mangas... Je ne parle pas de B. Werber, ni de M. Chattam, par exemple, parce que certes, ils bénéficient d'un nom (re?)connu, mais ils ne sont pas "rangés" dans le rayon SF. Notez bien, je ne juge pas, hein, je précise juste. La couverture joue beaucoup, oui, c'est certain. Elle ne suffit pas toujours, mais l'impact visuel est clairement non négligeable. Je parle là en tant que libraire mais aussi en tant que consommateur. Une couverture de Manchu, au hasard, ça aide, ça ne fait aucun doute. Et dans le même esprit, je suis parfois atterré par certaines couvertures. Et pas seulement en bit lit, malheureusement... Certains éditeurs, pourtant dans le métier depuis pas mal d'années, devraient faire attention : la concurrence est rude, et il ne faut pas faire des fautes de goût à chaque parution, sinon ça va finir par se voir vraiment.... Cela étant dit, la part du conseil reste chez nous très importante. Et globalement, nos plus grosses ventes restent les titres que nous défendons. Que ce soit dans le rayon fantastique ou dans un autre rayon de la librairie, d'ailleurs.

Actusf : On parle souvent d’un déclin de la science-fiction par rapport à un essor de la fantasy. Avez-vous l’impression que c’est le cas ? Est-ce que la SF se vend moins bien ces dernières années ? Et la fantasy ?
David Bars : A mon avis, cela n'a aucun sens. Je dirais plutôt que l'offre en fantasy et en bit lit est énorme par rapport à l'offre en SF. Amis éditeurs, si vous me lisez, je vous en prie : mes clients et moi-même voulons du space opera, des aliens, des planètes lointaines, et toutes ces sortes de choses ! Bon, maintenant, je lis aussi un peu d'heroic fantasy, certes, mais point trop n'en faut, et pis c'est tout.

Actusf : On parle parfois de séparer dans les rayons la science-fiction et la fantasy. Etes-vous pour ou contre ? Et pourquoi ?
David Bars : Je ne vois pas trop l'intérêt de les séparer, non. Même, personnellement, je considère qu'on pourrait aller plus loin : pourquoi ne pas carrément ranger tous les livres dans un grand et magnifique interclassement. Déjà, on serait moins ennuyés pour ranger tous les bouquins du Diable Vauvert ou de la collection Interstices, par exemple ! Et puis, il suffit de lire par exemple Murakami, Sanchez Pinol ou Somoza, édités respectivement chez des éditeurs de littérature dite "blanche", Belfond et Actes Sud, pour se dire que du fantastique, ça fait longtemps qu'on en trouve dans les rayons de littérature tout court. Mais je m'enflamme un peu. En réalité, garder le rayon fantastique dans un coin à part : 1 - ça rassure les gens qui lisent de la "vraie" littérature ! 2 - en attendant, on reste tranquilles dans notre coin SF avec nos dragons et nos vaisseaux spatiaux, entre gens de bonne compagnie, peinards !

Actusf : Comment voyez-vous la multiplication des titres et des éditeurs ? Est-ce que cela est un problème pour vous ? Comment gérer vous votre “fonds” ? Arrivez-vous à avoir du fonds dans votre librairie ? Votre métier a-t-il évolué ces dernières années ? Qu’est-ce qui a changé ?
David Bars : Je vais plutôt répondre à tout ça en une seule fois, je pense. Non, la multiplication des éditeurs n'est pas un problème pour nous. D'un autre côté, la majorité d'entre eux (ce que j'en connais, du moins) a une production raisonnable. A part Eclipse, évidement, qui a un catalogue déjà très prometteur mais aussi déjà légèrement tendance à se bragelonniser (comment ça ce verbe n'existe pas ?....). Parce que oui, la multiplication des titres est un problème. Qui est d'ailleurs un problème général en librairie, dans tous les rayons. Qui prend même, à mon avis, des proportions inquiétantes depuis quelques années ! Quand pour faire de la place à un livre, on est obligé d'en retourner un autre qui est arrivé à peine 2 mois auparavant, oui, c'est grave. Pour nous, pour l'éditeur, et par définition pour l'auteur, je ne pense pas que ce soit très sain d'être en état de retour permanent, cela n'a aucun sens. Après, je considère que nous devons faire des choix "politiques" de mise en place en librairie. Je revendique (cf. la 3ème question) des choix très subjectifs dans mes achats. Par exemple, et pas totalement au hasard, je vais faire le choix de ne pas recevoir tous les ouvrages publiés chez un éditeur qui me propose chaque mois entre 15 et 20 titres différents (poche et grand format) . C'est juste carrément n'importe quoi. Je fais du tri. Je lis pas mal, forcément, même si je manque clairement de temps. Et quand j'aime, je fais des réassorts. Voilà. Concernant le fonds, et bien il est essentiellement constitué de poches, et il y en a déjà pas mal. Mais il faut dire que je manque quand même un peu de place : si cela ne tenait qu'à moi, je rajouterai volontiers quelques étagères rien que pour la littérature fantastique. Après tout, c'est autrement plus chouette qu'un linéaire de codes civils ou qu'un présentoir de plans comptables... J'essaye de profiter de temps en temps de différentes opérations éditoriales pour refaire un fonds, même de façon temporaire (qui dure parfois longtemps, du coup).

Actusf : Quelles ont été les meilleures ventes en 2010 ?
David Bars : Le tiercé dans l'ordre pour les brochés : - L'empire ultime T1, de Sanderon, chez Orbit - Le manuscrit Hopkins, de R.Sheriff, ed. L'arbre vengeur - Boneshaker, de Priest, Eclipse (ce qui confirme pile poil la part de conseil puisque le tiercé gagnant correspond pile à la sélection du libraire...) Sinon, en poche : - Wilson - Spin - Folio SF - Durham - Acacia T1 - Pocket - Farenheit 451 (prescription scolaire).

Actusf : Quels ont été vos derniers coups de cœur de lecteur ?
David Bars : Etant dans ma période Walkind Dead (la BD et la série télé - même si la BD est quand même mieux) et Apocalypse sur Carson City (c'est de Griffon et publié chez Akileos, précipitez vous !!), j'ai beaucoup aimé Boneshaker chez Eclipse. Le mélange d'uchronie et de steampunk, dans une ville dévastée et infestée de zombies, j'aime bien ! J'ai beaucoup ri (mais pas que) en lisant l'improbable Evadés de l'enfer, de Hal Duncan en Folio SF : une vision pour le moins iconoclaste, parfois carrément rock n' roll, du purgatoire et des archanges, entre autres. Et dans un genre a priori plus facile (ça doit être mon côté midinette ^^), j'ai plutôt bien rigolé également avec Sans âme, de Gail Carriger, chez Orbit. Mais j'aime bien les loups garous, il faut dire. Et puis le côté victorien des vampires me changeait de l'univers parfois un peu rustique des suceurs de sang de True blood.... :0) Et puis il ne faut pas oublier le rayon jeunesse, avec de jeunes auteurs français, talentueux et pleins d'avenir ! En particulier Stéphane Tamaillon avec Krine les pilleurs de cercueils, paru chez Gründ à l'automne : non seulement c'est un super roman, mais en plus, trop la chance, c'est un tome 1 ! Avec des créatures étranges, un héros aux pouvoirs étonnants, encore du steampunk et ça se passe dans le Londres victorien. La classe totale.

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